Il était invité aux Assises pour parler des « journalistes-entrepreneurs ». Ancien de Libération, Pierre Haski a lancé son propre média, Rue89. Avec toujours en ligne de mire, la défense de ses valeurs de gauche.

Pierre Haski était aux Assises du journalisme pour la conférence "Comment enseigner l'entrepreneuriat aux jeunes journalistes ?". (Obsweb)

Pierre Haski était aux Assises du journalisme pour la conférence « Comment enseigner l’entrepreneuriat aux jeunes journalistes ? ». Photo : Obsweb

Le visage fatigué mais souriant, Pierre Haski semble épuisé. « Je me suis levé à 6 heures », explique-t-il. Derrière cette excuse, son engagement idéologique, politique et éditorial constant lui valent probablement aussi quelques rides. Provoquer, critiquer, dénoncer, s’indigner, voilà ce qu’aime faire Pierre Haski. Que ce soit dans les pages de Libération, où il a officié pendant plus de 25 ans, ou sur Rue89, le pure-player qu’il a créé avec d’anciens collègues de Libé, Pierre Haski est de ces journalistes engagés. Il réfute même l’idée d’« objectivité du journaliste ». « C’est une fausse valeur. Un journaliste ne peut pas être objectif, mais il doit être honnête », estime t-il.

Une valeur clé, l’indépendance

Engagé, Pierre Haski est également un homme de valeurs. De gauche. « J’ai été marqué par mai 68 », souligne t-il. Un temps militant dans des groupuscules gauchistes, il abandonne le militantisme politique par amour du journalisme. « Je ne pense pas que ce soit compatible. Le journaliste engagé a connu des travers à cause de l’aveuglement idéologique. » Il n’empêche. S’il n’est encarté dans aucun parti, Pierre Haski a ses affinités et préférences dans le monde politique. Il n’est donc pas surprenant de voir que Rue89 a été lancé le jour même de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. C’était le 6 mai 2007. « Un heureux hasard, se défend le cofondateur. Après, c’est sûr que cela nous a aidé. Sarkozy est un personnage clivant. C’était plus simple pour nous, média de gauche, de s’installer dans le paysage médiatique. »

Cet engagement dont il fait preuve au quotidien, il le tient aussi de ses années passées à Libération. « Quand on a fondé Rue89, des anciens collègues nous ont accusé d’avoir capté l’héritage de Libé, plaisante t-il. En réalité, on a pris un petit bout de la culture de Libé pour le mettre sur le Web. » De ce passage dans le quotidien de gauche de référence, Pierre Haski en est ressorti avec la conviction que le journaliste doit « participer à la formation de la conscience citoyenne ». Analyser, raconter, déconstruire les mensonges, voilà le travail de Pierre Haski. « Aujourd’hui, il y a un déficit de complexité dans les infos que l’on donne, déplore t-il. Mais l’on a besoin de cette complexité pour que les gens comprennent. »

L’indépendance est un autre thème cher à Pierre Haski. « J’ai eu la chance de pouvoir travailler à Libération, où la liberté de parole des journalistes a toujours été respecté. » Avec la création de son propre média, Rue89, Pierre Haski a atteint le point culminant en terme d’indépendance. Enfin, pas pour longtemps. En décembre 2011, Rue89 est racheté par le Nouvel observateur. Depuis, l’Obs a été racheté par le groupe le Monde et Rue89 ne cesse d’être absorbé. D’ici à quelques jours, le site deviendra même une simple rubrique du site de l’Obs, chargée de l’info numérique. Mais Pierre Haski continue de l’assurer : « Nous ne subissons aucune pression du groupe concernant notre ligne éditoriale. »

Wilfried REDONNET