Portrait de Tristiane Banon. Photo : Frédéric Monceau

Avec Prendre un papa par la main, Tristane Banon signe son sixième roman. Cette romancière, également journaliste et chroniqueuse, revient sur les liens entre journalisme et littérature et sur son double parcours.


Vous avez écrit votre premier roman à 25 ans. Pourquoi vous êtes-vous lancée si tôt dans l’écriture fictionnelle ?
 

Tristane Banon. Ça n’est pas si tôt. Françoise Sagan avait 18 ans quand elle a écrit Bonjour Tristesse. Pour autant, je ne saurais vous répondre. Je dirais que j’en avais envie. J’ai commencé à écrire des nouvelles et des romans à 14 ou 15 ans. Effectivement, j’ai publié mon premier roman à 25 ans mais j’avais quelques textes dans mes tiroirs depuis longtemps.


Plusieurs de vos récits sont d’inspiration autobiographique, comme votre dernier roman,
Prendre un papa par la main. Pourquoi avoir choisi l’auto-fiction ?

T.B. D’abord parce que c’est un genre que j’aime en tant que lectrice. Je suis une amoureuse de Sagan, de Proust, de Colette, de Romain Gary. Je pense également que l’on écrit mieux sur les sentiments que l’on connaît. Encore faut-il que l’histoire soit plus grande que soi, que son petit cas individuel. Faire de son histoire un roman n’est intéressant que si elle veut dire quelque chose sur le monde qui nous entoure. C’est le cas dans Prendre un papa par la main. Cette histoire d’adoption inversée, de bébé qui jette son dévolu sur un homme qui va devenir son père, questionne le rôle paternel. Au-delà de ça, ce sont toutes les questions autour des nouvelles formes familiales qui sont posées : les familles homoparentales, recomposées… Les liens du sang sont-ils si importants ? Et puis, il y a cette idée qu’une femme seule avec un enfant en bas-âge n’était plus « enviable » sur le marché du célibat. Je dis ça avec humour mais c’est une idée solidement ancrée dans la tête des femmes. Je voulais, avec ce livre, redonner de l’espoir à toutes les mères célibataires et elles sont nombreuses !


Pourquoi avez-vous décidé d’écrire des romans en parallèle de votre carrière de journaliste ?

T.B. La vraie question c’est « Pourquoi avez-vous été journaliste en parallèle de votre carrière d’écrivain ? ». Pour gagner ma vie ! Les romanciers sont rarement des gens riches. L’écriture de livres est une activité peu lucrative, sauf à être auteur de gros best-sellers. Mais c’est un métier que j’aime. L’écriture est une activité très solitaire qui rend facilement le romancier très introverti. En revanche, le journalisme oblige à une certaine ouverture sur le monde tout en gardant l’amour des mots.


Ce que vous avez appris durant votre carrière de journaliste vous a-t-il aidé pour écrire vos livres ?

T.B. Pas du tout. Ce sont deux exercices que je ressens comme totalement différents. En tant que romancière, je peux décrire sur trois pages un sentiment, une peine intense ou une joie réelle. Quand on est journaliste, on peut en parler, mais ça n’est pas le sujet !


Croyez-vous qu’aujourd’hui, les mondes littéraire et journalistique s’entrecroisent énormément ? Qu’il existe, en France, comme une sorte de passerelle entre ces deux milieux ?

T.B. Ils se rencontrent, c’est certain, mais davantage parce qu’ils ont des intérêts communs. Les journalistes ont souvent besoin des auteurs pour leurs plateaux télés ou radios, pour développer des sujets ou des thématiques sociales. C’est d’autant plus vrai pour les journalistes culturels, qui sont évidemment amenés à parler des auteurs. De leur côté, les écrivains ont besoin de faire de la promotion. Certes, les journalistes-romanciers existent, mais ils ne sont pas majoritaires. Beaucoup de journalistes sont en revanche auteurs d’essais. C’est assez logique, un essai n’est qu’une forme plus développée d’un article de fond.


Suffit-il d’être journaliste pour être un bon écrivain ?

T.B. Non, je pense que c’est une fausse idée. Un vrai bon journaliste est parfois le terreau le plus mauvais pour faire un bon romancier. Il a des réflexes et des mécanismes d’écriture qui ne sont pas forcément ceux du romancier. On croit que tout est possible car les deux savent manier les mots, mais ils le font avec un art différent, de façon complètement différente. Ce qui ne retire en rien le grand talent qu’il faut avoir pour exercer chacun des deux métiers. Je pense juste qu’être écrivain quand on est journaliste n’est pas une évidence. Mais il existe des êtres doués de génie qui exercent magnifiquement les deux arts. Regardez Colette !


Propos recueillis par Tiffany Fillon