Dans Kornelia, Vincent Duluc conte l'histoire d'une nageuse est-allemande.

À travers son dernier livre intitulé Kornelia, Vincent Duluc, également journaliste à L’Équipe, raconte la vie de Kornelia Ender, nageuse est-allemande. Un fantasme pour lui, une icône pour son pays.

Machine à gagner et fantasme sexuel. Icône d’un pays et femme idéale. Pour Vincent Duluc, Kornelia Ender, nageuse est-allemande dans les années 1970, était tout ça à la fois. Dans son livre, il raconte l’histoire de cette athlète vivant de l’autre côté. Du côté est-allemand, en pleine Guerre Froide, où rien ne filtre et où tout est surveillé. « Kornelia » la nomme-t-il tout au long de l’ouvrage, comme s’il connaissait la nageuse et qu’il en était proche. D’ailleurs, Vincent Duluc explique qu’il aurait aimé la connaître, tant il la trouvait belle, sexy, impressionnante. Il raconte une adolescence au cours de laquelle il la trouvait magnifique. Mais ce dernier explique ne l’avoir jamais rencontrée. Un fantasme. À la première personne, souvent, pour faire comme s’ils avaient des liens. « J’ai reçu de ses nouvelles », écrit-il lorsqu’il raconte avoir reçu un magazine avec une photo d’elle.

Vincent Duluc raconte aussi, à travers l’histoire de Kornelia, l’histoire d’un pays, la République démocratique allemande. L’histoire de la Guerre Froide et de la société est-allemande. Son couple (éphémère) avec un autre nageur, Roland Matthes, était dédié à faire briller son pays, communiste, à l’international. Sa gloire lors des Jeux Olympiques de Montréal en 1976 (elle avait aussi participé à ceux de Munich en 1972 et avait ramené trois médailles d’argent) avait forgé sa légende.

Relation entre sport et politique

L’auteur nous emmène, via le récit de la vie de la nageuse, dans les coulisses de ce sombre pays. Il raconte des anecdotes sur l’espionnage de la Stasi et sur le dopage de ces athlètes, voués à représenter un pays, un modèle, et transmettre une image exemplaire de la société est-allemande. Vincent Duluc admirait la championne. Il ne pense pas que Kornelia se dopait. Et que même si elle l’avait fait, elle n’en avait pas besoin.

À travers cette biographie, il illustre donc la surveillance quotidienne, les tentatives de fuite vers l’ouest, le rôle de l’image véhiculée par les athlètes, mais aussi le parcours de vie de la nageuse, comme toutes celles à son époque. Une carrière finie à presque 20 ans, puis une forme d’oubli, d’anonymat.

Pour montrer l’admiration que suscitait Kornelia Ender, l’auteur consacre une part de son livre à une seconde biographie : celle de Shirley Babashoff, concurrente américaine de Kornelia lors sa grande époque. Éternellement derrière la nageuse d’Allemagne de l’Est, selon lui.

Dans cet ouvrage, l’auteur met donc en relation le sport et la politique, à l’époque où même les athlètes, les icônes, n’avaient pas le droit de fuir, de s’exiler, voire de se déplacer au sein de leur État. Kornelia s’était d’ailleurs faite arrêter alors qu’elle tentait d’aller vers l’ouest. Comme les autres. Pourtant, pour Vincent Duluc, personne n’était comme elle. Elle était différente.

Valentin Jamin