Prix des Assises du journalisme 2024 : voici les grands gagnants

Retrouvez l’essentiel de la cérémonie de remise des prix des Assises du journalisme 2024 présidée par Michel Denisot. La cérémonie a été riche en émotion avec notamment le grand prix du journalisme Michèle-Léridon décerné à titre posthume à Clémentine Vergnaud, pour son podcast Ma vie face au cancer.

Tous les lauréats de cette édition 2024 des Assises du journalisme sont sur scène. Photo : Maël Prévost/EPJT

Le prix « enquête et reportage » a été décerné à Journalistes à Gaza : les visages du carnage. Yunnes Abzouz était sur scène pour représenter l’équipe de Médiapart. Le jury était constitué  d’étudiants des 14 écoles de journalisme reconnues par la profession. Une minute de silence a été observée en hommage aux 85 journalistes tués à Gaza à ce jour.

Le prix du livre « recherche » sur le journalisme a été remis à Aurélie Aubert pour son ouvrage Une information brute ? Journalisme, vidéos et réseaux sociaux.

Le prix du livre du journalisme a été décerné à Camille Vigogne le Coat pour son livre Les Rapaces aux éditions Les Arènes.

Le prix de la photo de presse a été remis à Romain De Sigalas pour son portrait de Céline Gerny publié dans le magazine L’Equipe.

Le grand prix du journalisme Michèle-Léridon a été décerné à titre posthume à Clémentine Vergnaud, pour son podcast Ma vie face au cancer sur France info. Son mari, le journaliste Grégoire Lecalot, et ses parents sont montés sur scène pour recevoir la récompense. La mère de Clémentine a pris la parole : « Cest Clémentine qui devrait être sur scène aujourd’hui. Je sais qu’elle est très fière et très honorée d’être là. Merci à tous pour ce cadeau que vous lui faites. »

Baptiste Villermet

[EN PLATEAU] Michel Denisot : « Vous avez la chance d’avoir une passion dont vous allez faire votre métier »

Michel Denisot, ancien journaliste et homme de télévision, est le président du jury de la 17e édition des Assises du journalisme de Tours. Il revient sur le journalisme d’aujourd’hui et la place de l’opinion dans le traitement de l’actualité. Il répond aux questions de Maël Prévost.

Réalisé par Maël Prévost/EPJT.

[EN PLATEAU] Pierre Benetti : « Documenter la société russe et faire place à une parole libre »

Pierre Benetti est rédacteur en chef web de Kometa (à l’Est, du nouveau), un nouveau média créé au lendemain de l’invasion russe en Ukraine. A la fois site web et revue littéraire trimestrielle, Kometa s’attache à traiter de l’actualité de l’Europe de l’Est à l’heure d’une guerre aux retentissements mondiaux. Sans pour autant résumer les dynamiques régionales à ce conflit.

Réalisé par Sellim ITTEL EL MADANI /EPJT.

[EN PLATEAU] Paul Arrivé : « Il faut traiter l’e-sport comme n’importe quel sport »

ASSISES 2024 / Paul Arrivé est journaliste spécialiste d’e-sport à L’Équipe. À l’occasion des Assises du journalisme 2024, il a participé à une conférence sur la place médiatique de l’e-sport en France. Il revient sur le traitement journalistique par son journal de cette discipline à l’ascension fulgurante.

Réalisé par Aya El Amri/EPJT.

[INTERVIEW] Julien Bancilhon, rédacteur en chef du Papotin : « Ces jeunes ont beaucoup à apporter à la société »

Les Rencontres du Papotin – Julien Bancilhon et Philippe Etchebest à l’institut du Monde arabe. Photo : Stéphane Grangier/FTV

Julien Bancilhon, psychologue, est engagé depuis 2019 dans l’aventure du Papotin. Vendredi 29 mars, il coordonnera l’équipe du Papotin lors de l’interview d’Edwy Plenel, co-fondateur de Mediapart.

Quel-est votre rôle au sein du Papotin ?

Julien Bancilhon. On m’appelle le rédacteur en chef du Papotin, mais je suis avant tout psychologue à l’hôpital de jour d’Anthony. Le Papotin, c’est d’abord une activité de centres spécialisés dans l’accueil des personnes autistes. Nous restons attachés à ce que cela reste un projet culturel, où nous ne parlons pas de personnes autistes mais de journalistes atypiques. Au sein du Papotin, j’anime les conférences de rédaction hebdomadaires. Elles réunissent en tout 60 à 70 personnes issues de différentes institutions (les hôpitaux de jour, instituts médico-éducatif, foyers d’accueil médicalisés) et des électrons libres, des personnes autonomes. Je coordonne alors la circulation de la parole et l’expression de nouvelles envies pendant ces conférences. Mais je reste un psychologue à plein temps, qui n’a aucune formation de journaliste. 

Comment l’équipe du Papotin organise-t-elle sa venue au théâtre de l’Olympia de Tours pour l’interview Edwy Plenel vendredi soir ?

J.B. À cette occasion, nous nous déplaçons avec environ un tiers de l’équipe, nous faisons l’aller-retour dans la journée. Nous serons à peu près vingt-cinq, deux cadreurs, une quinzaine de journalistes atypiques et des éducateurs. Babouillec, qui communique avec un alphabet de carton, se déplace avec sa mère et un aidant. Claire et Stanislas, qui eux sont autonomes, seront là aussi. Un voyage à Tours, c’est une logistique de dingue. Toutes ces personnes ont des emplois du temps compliqués. Les accompagnateurs font des heures supplémentaires qui ne sont pas forcément rémunérées et les parents doivent s’adapter pour emmener et venir chercher leurs enfants à la gare à des horaires tardifs. Mais nous le faisons parce que nous aimons cela et que nous pensons que ces jeunes ont beaucoup à apporter à la société. 

Comment préparez-vous cette interview de l’ex-rédacteur en chef de Mediapart ?  

J.B. L’organisation des Assises du journalisme nous a proposé de réaliser l’interview d’Edwy Plenel et il y a eu un enthousiasme particulier de la part des journalistes. Cette interview sera filmée et diffusée sur la chaîne Youtube du Papotin. Pour la préparer, je suis en charge de leur envoyer par mail des informations sur Edwy Plenel. Ensuite, je compte laisser la rencontre se faire. Pour cette interview, ce n’est pas le même travail que pour les classiques « Rencontres du Papotin », diffusées sur France 2 le samedi, qui demandent plus de préparation en amont et obligent une séance de mise en commun. Là, chaque éducateur va travailler de son côté avec les journalistes. Les éducateurs sont très engagés dans ce projet. Ce sont de bonnes équipes très dévouées qui aiment ce qu’elles font.

Pourquoi réaliser des interviews filmées en plus du journal ?

J.B. L’esprit est le même dans le journal du Papotin que dans les interviews filmées. L’idée est de faire partie du paysage médiatique car les journalistes atypiques passent beaucoup de temps devant la télévision et veulent rencontrer les personnalités qu’ils y voient. Nous sommes très heureux d’avoir pour invité Edwy Plenel, à qui j’aimerais d’ailleurs proposer de devenir corédacteur en chef d’un de nos prochains numéros. 

Propos recueillis par Susie Bouyer (EPJT)

[PORTRAIT] Fabrice Arfi, l’homme derrière l’enquête

Photo : Inès FIGUIGUI/EPJT

Le co-responsable du pôle enquête de Mediapart revient sur son parcours et sa vision du journalisme.

« Derrière sa vitre virgule Barbie s’ennuie point. » Les yeux baissés, il répète la phrase deux fois avec un ton toujours plus émerveillé. Assis sur une chaise scandinave recouverte de tissu rouge, il se redresse pour conclure : « Ces cinq mots sont de la littérature ». « Quand j’ai lu cette phrase, ça a été mon premier choc esthétique, vis-à-vis du journalisme », raconte Fabrice Arfi, les yeux vers l’horizon. 

C’est dans les archives de son journal, Lyon Figaro, qu’il découvre ces mots. Il y a travaillé de 1999 à 2004. L’auteur, Gérard Schmitt, est son compagnon de bureau de la chronique judiciaire. En 1987, il couvre le procès du « boucher de Lyon », Klaus Barbie. « Il a arrêté, fait torturer et déporter Jean Moulin », rappelle celui qui est aujourd’hui journaliste d’investigation à Mediapart. 

L’affaire Bettencourt, Cahuzac, ou encore celle du financement libyen, communément appelée Sarkozy-Kadhafi… Fabrice Arfi est l’instigateur de nombreuses enquêtes qui ont mis en cause de grandes fortunes et de puissantes personnalités politiques. Avec un sourire timide, il explique ne pas pouvoir choisir celle qui l’a le plus marquée : « C‘est comme si vous me demandiez quel est votre film préféré ». Sa manière de les aborder interpelle. Il narre ces enquêtes comme des contes où chacune « à son charme et sa leçon particulière ».   

Mais après réflexion, il en sélectionne une, Sarkozy-Kadhafi : « C’est une histoire totale, de corruption du financement illicite, de campagne électorale et même d’associations de malfaiteurs. Elle concerne un président et trois anciens ministres. Cela n’est jamais arrivé dans l’histoire judiciaire et politique française », explique-t-il avec entrain. Révélée en 2012 par Mediapart, la justice s’empare de l’affaire un an plus tard. Après plus de dix ans d’enquête, Nicolas Sarkozy et trois anciens ministres sont renvoyés devant la justice en janvier 2025.

« Général d’infanterie »

On l’imagine inaccessible, il est en réalité tout le contraire. « C’est une personne généreuse », raconte Antton Rouget, journaliste au pôle enquête. L’homme de 42 ans intègre Mediapart en 2008, dès sa création. « L’indépendance économique et l’enquête journalistique sont les deux arguments qui [l]’ont totalement convaincu de rejoindre le journal ». Pour le co-responsable du service enquête, les fondateurs du pure player ont su diagnostiquer les raisons de la crise liée à la presse. « Ce n’est pas une crise de la demande, où les citoyens et les citoyennes n’auraient pas envie et besoin d’être informés. C’est une crise de l’offre, où des journaux, trop concentrés, ont abandonné le terrain de l’enquête », résume l’homme dont la chevelure de jais s’est enneigée avec le temps. 

Il dénonce « le commentariat » dans les émissions de télévision où les interactions s’apparentent à « des discussions de PMU [entre des personnes] en costard cravate » dans lesquelles chacune donne son avis. « Être journaliste, c’est raconter des faits, dire que deux et deux font quatre. Mais pour beaucoup de gens, la frontière entre le vrai et le faux s’efface », peste-t-il. 

Il ne se sent pas en danger 

Le journaliste protège le pure player des critiques avec ferveur. « Nous défendons une sorte de journaliste bio avec peu de polluants, des circuits courts et l’idée que la nourriture intellectuelle que nous allons offrir avec nos informations est saine et pas polluée par des intérêts extérieurs. » Tel « un général d’infanterie, il monte au front pour défendre son service, ses équipes et son journal », raconte Antton Rouget, journaliste au pôle enquête. Fabrice Arfi parle rarement à la première personne, le collectif prime toujours : « Je ne suis pas tout seul dans mon coin, il n’y a pas de loup solitaire ici. »   

Il est récemment menacé de mort par Arnaud Mimran, après la publication de l’enquête « D’argent et de sang » sur « la mafia du CO2, l’escroquerie aux quotas carbone ». Malgré tout, « [il ne se] sent pas en danger » même si la situation est « désagréable ». Il confie, en revanche, avoir « toujours peur pour [ses] sources »

À l’approche des élections européennes en juin, il insiste sur la principale menace, « l’extrême-droite » : « À la rédaction, nous sommes fous et folles d’inquiétude de se dire qu’un parti fondé par des nostalgiques de Vichy et un Waffen-SS puisse prendre le pouvoir ». « Mediapart fait le choix de ne pas interviewer les responsables du Front national ou Rassemblement national aujourd’hui. On ne discute pas du menu d’un restaurant avec des cannibales », conclut Fabrice Arfi.

Marie-Mène MEKAOUI et Inès FIGUIGUI /EPJT

[DÉCRYPTAGE] Photojournalistes en PQR, un déclin qui désole

Les jeunes journalistes sont de plus en plus formés à la photographie, pour pallier le manque de photographes dans les rédactions. Photo : David Darrault

La profession de photographe de presse est une profession qui subit de plein fouet la révolution numérique et les difficultés économiques de la presse écrite. A tel point que beaucoup d’emplois en Presse quotidienne régionale ne sont pas remplacés.

Le prix public 2024 de la meilleur photo de presse récompense le sport. Un peu comme un symbole, c’est le dernier domaine où les photojournalistes gardent une importance essentielle aux yeux des rédactions. Et pour cause, « les contraintes de zoom et de luminosité que gèrent difficilement les téléphones », assure Hugues Le Guellec, photojournaliste à la Nouvelle République depuis 34 ans et secrétaire du CSE (Comité social et économique).

En 2000, ils étaient près de 1 400 reporters photographes titulaires de la carte de presse délivrée par la CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels). En 2022, ils n’étaient plus qu’entre 300 et 450 titulaires. Une baisse drastique qui s’explique de différentes façons.

La première, plus pragmatique, serait de dire que les photojournalistes diversifient de plus en plus leur activité, ce qui ferait passer leur revenu journalistique en dessous de la barre des 50 % des revenus totaux, nécessaires pour avoir la carte de presse. C’est une réalité pour certains, mais qui s’explique par un contexte de paupérisation de la profession. « Être exclusivement photojournaliste aujourd’hui, ce n’est plus viable économiquement. Il faut chercher des revenus ailleurs », témoigne Régine Lemarchand, correspondante pour le Courrier de l’Ouest. Les reporters photographes se trouvent même tout en bas de la grille des salaires des journalistes, juste au-dessus des stagiaires.

Non remplacements de départs à la retraite

Mais cette raison est loin d’expliquer cette forte baisse. Elle est aussi lié à une véritable diminution du nombre de photojournalistes dans les titres de presse, notamment en presse quotidienne régionale (PQR). « La presse écrite souffre terriblement économiquement et, malheureusement, ce sont en général les photographes qui en paient le prix », déplore de son côté Philippe Bachelier, responsable de l’Union des photographes professionnels. « Les journalistes sont formés à la photographie et sont, pour beaucoup, capables de prendre de très bonnes photos », répond de son côté Luc Bourrianne, rédacteur en chef de la Nouvelle République à Tours. « Avec les téléphones d’aujourd’hui, on peut faire de super photos. En plus de cela, certains journalistes ont l’œil du photographe », confirme Régine Lemarchand.

Luc Bourrianne évoque également le budget alloué au matériel des photographes, « 40 000 € pour l’année 2024 ». Dans un secteur en « difficulté chronique », les photos ont un coût. « Il y a 15 ans, on était 25 photoreporters au journal. Aujourd’hui, on n’est plus que 7 et il n’y a plus de service photo dans la rédaction », rappelle Hugues Le Guellec. Ce ne sont pas tant des suppressions d’emplois qui ont lieu, davantage des non remplacements. Un photographe à Niort est par exemple parti à la retraite et n’a pas été remplacé.

Vulgarisation de l’image

Une situation qui remet en cause l’importance de l’image dans les articles. « Pour moi, la photo est au même niveau que l’article, ce n’est pas juste une illustration, c’est un élément d’information », raconte Lisa Darrault, pigiste pour la Nouvelle République. Son collègue, Hugues Le Guellec, poursuit : « La photo peut même avoir plus de valeur que le texte, c’est l’entrée dans l’article, l’accroche visuelle. » Beaucoup de photojournalistes mettent en avant le savoir-faire, comme Philippe Neu du Républicain Lorrain et élu CFDT : « Être photographe c’est un vrai métier. On ne fait pas des photos, mais on fait LA photo. »

Malgré ces arguments, de plus en plus de journalistes prennent les photos eux-mêmes. Le célèbre tandem rédacteur-photographe se perd, emportant avec lui la qualité des photos. « Quand on est en binôme, on est chacun concentrés sur notre tâche. On peut même se compléter et apporter des éléments que le rédacteur n’avait pas vu. Puis, ça évite d’avoir des photos faites au dernier moment, qui ne sont pas soignées et réfléchies », confie Lisa Darrault. « Il y a une sorte de vulgarisation de l’image. C’est du gâchis. On abandonne la photo alors qu’elle est essentielle », ajoute, dans un triste constat, Philippe Neu. Le rédacteur en chef de la Nouvelle République ne fait pas le même constat : « Les photos d’il y a trente ans n’étaient pas forcément meilleures. Du moins, pas autant que l’on veut le faire croire. »

Se posent donc la question de l’avenir de la profession. Si l’IA n’est pas une menace pour tous, « la presse quotidienne régionale, c’est de l’humain, du réel. L’IA ne pourra jamais remplacer ça », souligne Régine Lemarchand. Les photographes se posent tout de même des questions : « À chaque fois que je me déplace, je me demande comment je peux faire mieux qu’avec un IPhone. On peut jouer sur l’aspect artistique, sur de la créativité. Mais c’est clair qu’il faut qu’on se renouvelle », poursuit-elle. Luc Bourrianne évoque ces changements : « Il faut que les photographes basculent sur de la vidéo, en tout cas c’est ce que je leur demande. L’avenir de l’image se trouve là. »

 

Florian Pichet/EPJT

[RÉSUMÉ] Violences, corruption, dopage : quelle investigation dans le journalisme de sport ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Violences, corruption, dopage : quelle investigation dans le journalisme de sport ? »

Marc Leplongeon, Emmanuelle Anizon, Tarek Kai et Thierry Vildary. Photo : Clara Demajean/EPJT

Avec Emmanuelle ANIZON, journaliste L’Obs, Marc LEPLONGEON, journaliste l’Equipe et Thierry VILDARY, journaliste France Télévisions.

Animé par Tarek Kai, journaliste France 24 

 

Les enjeux

Violences, corruption, dopage… Quelle investigation dans le journalisme de sport ? Comment mener des enquêtes sur les abus dans le monde du sport, dans un milieu où la libération de la parole est encore difficile ? Telles sont les questions qui ont animé les trois intervenants durant toute la table ronde.

 

Ce qu’ils ont dit

Emmanuelle Anizon (journaliste pour L’Obs) : « La médaille est le plus important dans le sport. Comme les entraineurs ont le droit de « tout » sur le corps de l’athlète, ils sont encore très protégés par les fédérations. »

« Le temps est essentiel. C’est important de laisser du temps aux victimes pour témoigner. Mais c’est vrai qu’on en a de moins en moins dans notre métier. »

« Après une enquête la pression juridique est forte. Il y a toujours des coups de fil passés à notre direction. Il faut avoir confiance en ses chefs. Il y a plein de méthodes possibles pour déstabiliser un journaliste. »

Marc Leplongeon (journaliste pour L’Equipe) : « On a parfois tendance à croire à un « journalisme boîte aux lettres ». Les sujets viennent rarement à nous, on fait beaucoup de papiers d’initiatives. Mais plus on cultive notre réseau et plus les gens du monde du sport viennent se confier. »

« Combien d’affaires de dopage en France ? On peut les compter sur les doigts de la main. Les enquêteurs ont en réalité très peu de moyens sur le terrain. »

Thierry Vildary  (journaliste pour France Télévisions) : « Dans le sport il y a une règle : ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire. C’est l’omerta. Il y a une confusion entre le règlement et la loi. Et ça, le monde du sport a du mal à l’accepter. »

 

À retenir

Le monde du sport se protège en définissant ses propres règles. Les fédérations protègent encore trop leurs entraîneurs au détriment de leurs licenciés. Depuis plusieurs années, la parole des victimes commence à se libérer mais est toujours le fruit d’un long processus de réflexion. Les journalistes doivent arriver à se libérer des pressions pour enquêter correctement sur les affaires d’abus. Un bon accompagnement de sa hiérarchie facilite grandement le travail de ces derniers.

 

Baptiste Villermet (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Baromètre social de Jean-Marie Charon : quel modèle économique pour la PQR ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Baromètre social de Jean-Marie Charon : quel modèle économique pour la PQR ? »

Jean-Marie Charon. Photo : Clara Demajean/EPJT

Animé par Jean-Marie CHARON, sociologue français, ingénieur d’études au CNRS, chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux.

 

Les enjeux

Chaque année depuis 10 ans, le baromètre social des Assises du journalisme étudie le modèle économique de la presse quotidienne régionale (PQR). Parité dans le monde du journalisme, recul ou non du nombre de cartes de presse, concentrations des journalistes à Paris, tout est passé à la loupe. Cette année, l’accent est mis sur la PQR, son état et son avenir.

Ce qu’ils ont dit

Jean-Marie Charon (sociologue français, ingénieur d’études au CNRS, chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux) : « Depuis 2009, les effectifs de la profession diminuaient. Aujourd’hui, nous avons une petite bouffée d’air, nous sommes remontés à 34 051 cartes de presse (+ 1,25 %). »

« La précarité augmente : 64,2% des journalistes de moins de 30 ans sont en situation de précarité. »

« Nous nous rapprochons encore de la parité, avec 48,1 % de journalistes femmes, mais nous n’y sommes toujours pas. La majorité des nouvelles cartes de presse sont des femmes. »

« Le projet Tempo de France Télévisions risque de mener à des disparitions de postes. La rédaction parisienne a vu son travail extrêmement diminué, alors que les régions sont davantage mises à contribution sans augmentation de moyens. »

« Quelques titres observent un recul important de leur diffusion. Le groupe Rossel, dont fait partie La Voix Du Nord, le Courrier Picard et Paris Normandie, observe un recul de plus de 8 %. C’est une situation alarmante. »

« La presse quotidienne nationale n’a pas eu de grande révision de fond pour passer de l’imprimé au numérique. La presse régionale a dû se réinventer. »

À retenir

La presse quotidienne régionale ne va pas très bien. Plusieurs journaux, notamment ceux du groupe Rossel, observent un recul important de leur diffusion. Deux journaux voient ce recul atteindre plus de 10 %. Dans les territoires ultramarins, un nombre important de journaux disparaît. En métropole, seuls le Télégramme et Ouest-France semblent mieux se porter. Sur les dix dernières années, ce dernier a vu ses effectifs grossir de 8 %. Les plans sociaux ne cessent toujours pas, comme à Nice-Matin, La Voix du Nord ou encore Midi Libre.

La parité dans la profession continue de progresser, mais n’est pas totalement atteinte. Le nombre de journalistes augmente pour la première fois depuis plusieurs années. La précarité recule légèrement chez les jeunes journalistes, mais augmente quand on regarde l’ensemble de la profession.

Axel Monnier (EPJT)

[RÉSUMÉ] « Ils ont créé leur média cette année »

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Ils ont créé leur média cette année ».
Romain COLAS, Pierre BENETTI, Sylie METZELARD et Jean-Paul MARI. Photo : Marie-Mène Mekaoui/EPJT
vec Pierre BENETTI, rédacteur en chef adjoint de Kometa, Sylie METZELARD, directrice de la rédaction 60 millions de consommateurs jeunesse et Jean-Paul MARI, directeur de la rédaction Le Journal.

Animé par Romain COLAS, journaliste La Correspondance de la presse.

Les enjeux

Lancer un nouveau média est loin d’être évident. Il y a d’abord les questions de financement à gérer : faut-il lancer des campagnes d’abonnement qui coûtent cher ? Comment rémunérer les pigistes à la hauteur de leur travail ? Malgré ces difficultés, la volonté de renouveler le journalisme et d’entrer en rupture avec le paysage médiatique existant font vivre ces initiatives.

Ce qu’ils ont dit

Jean-Paul Mari (directeur de la rédaction Le Journal) : « Je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de travailler avec des bénévoles alors qu’on leur demande le travail, la rigueur et la déontologie du journalisme professionnel. Il faut qu’on rémunère correctement nos pigistes. On a commencé comme une aventure, il faut qu’elle se pérennise. »

Pierre Benetti (rédacteur en chef de Kometa) : « Kometa est né après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle a mis les lecteurs de la presse généraliste devant une difficulté, celle d’appréhender cet événement qui change nos vies avec les outils traditionnels du journalisme. »

« Notre revue n’est pas seulement un lieu de l’écrit. On y trouve des cartes ou des photos entre l’art et le photoreportage et qui témoignent qu’à l’Est, il y a du nouveau. »

« Nous avons besoin d’espace pour parler de la complexité de l’Europe de l’Est. Ce n’est pas un lointain qui ne nous concerne pas. »

« Il faut se rendre compte qu’une pige payée 4 000 à 7 000 euros demande parfois un travail d’un mois. On essaie de payer plus que le minimum syndical. Mais aussi d’égaliser la rémunération des piges entre le web et le papier. Il faut arrêter de penser que le web est dévalorisant. »

Sylvie Metzelard (directrice de la rédaction 60 millions de consommateurs jeunesse) : « Il nous faut investir une place pour un nouveau journalisme à l’heure où tout le monde copie tout le monde. Mais cette place ne se fera pas dans la presse généraliste. »

À retenir

Comme le rappelle Pierre Benetti, chaque média qui se crée suit un modèle économique et une ligne éditoriale différente qui répond à ses propres défis. Du côté de Kometa, les investisseurs sont désireux de soutenir un projet neuf qui veut raconter des histoires encore inconnues sur l’Europe de l’Est. De Xavier Niel au Temps, en passant par la fondation Michalski pour l’écriture et la littérature, Kometa compte quelques beaux soutiens.

De son côté, Sylvie Metzelard insiste sur le coût que représente une campagne d’abonnement et sur le petit budget qui a été alloué au projet pour son lancement. Elleespère que ces contraintes ne pèseront pas en défaveur de la déclinaison jeunesse de 60 millions de consommateurs. Une préoccupation que partage Jean-Paul Mari, directeur de rédaction du Journal. Au-delà de la juste rémunération des bénévoles, il souhaite faire perdurer ce journal qui dit non et apporte des solutions, parce qu’elles existent.

Mourjane Raoux-Barkoudah (EPJT)

 

 

[EN PLATEAU] Azaïs Perronin : « Quand j’étais jeune, je ne voyais que des hommes commenter l’athlétisme »

Azaïs Perronin a une double casquette : journaliste à Radio France et semi-professionnelle d’athlétisme. Pour autant, elle a tardé à traiter de sujets sports. Elle raconte son absence de modèle de commentateur féminin et sa volonté de traiter des sujets du sport par elle-même, avec son nouveau podcast.

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[RÉSUMÉ] Accès aux images et aux stades : l’argent d’abord !

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Accès aux images et aux stades : l’argent d’abord »

Pierre Rondeau, Christophe Bouchet, Fabien Lévêque, Vincent Duluc et Anne Dufot Cornilliet. Photo : Baptiste Villermet/EPJT

Avec Christophe BOUCHET, auteur de « Main basse sur l’argent du Foot » (éditions Robert Laffont) ; Vincent DULUC, journaliste à L’Equipe & président de l’Union des journalistes de sport de France (UJSF) et journaliste de sport et Pierre RONDEAU, professeur d’économie à la Sports Management School, spécialiste de l’économie du sport et de l’économie du football, co-directeur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean-Jaurès.

Animé par Anne DUFORT CORNILLIET, journaliste de sport (Web et TV).

 

Les enjeux

Tous les cinq ans, la Ligue de football professionnelle lance son appel d’offres pour vendre ses droits télévisuels. Objectif : trouver un diffuseur pour la Ligue 1. Mais à quel prix ? La valeur des droits a augmenté depuis 20 ans, mais la courbe s’inverse désormais.

Ce qu’ils ont dit

Christophe BOUCHET, auteur de « Main basse sur l’argent du Foot » (éditions Robert Laffont) : « En 2004, les droits domestiques de la France sont les mêmes que ceux de l’Angleterre. Vingt ans plus tard, ceux des Anglais sont trois fois supérieurs. Les Français n’ont pas été bon. »

« Depuis quelques années, on observe une financiarisation. Des fonds prennent des parts dans les clubs et attendent un retour sur investissement. »

« Quand la Ligue a décidé de ne plus accorder Téléfoot à TF1, la donne sur les droits TV a changé. Les Français n’avaient plus leur rendez-vous dominical avant d’aller voir leur club. »

Vincent DULUC, journaliste à L’Equipe & président de l’Union des journalistes de sport de France (UJSF) et journaliste de sport : « La Ligue 1 n’a pas mis en scène le feuilleton foot dans L’Équipe. On en a fait de plus en plus (60% des articles sur l’année) car c’est ce qui intéresse le plus les gens. »

« Ça n’a pas été simple pour les Anglais non plus. Des chaînes ont fait faillite au début. Mais ce sont les premiers à avoir fait de la Premier League une marque internationale. »

Pierre RONDEAU, professeur d’économie à la Sports Management School, spécialiste de l’économie du sport et de l’économie du football, co-directeur de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean-Jaurès : « Ces 20 dernières années, on a observé l’explosion exponentielle des droits TV. Ce sont des 20 glorieuses. »

« Les opérateurs ont payé plus cher que le prix réel pour obtenir l’exclusivité sur les droits TV. Mais Canal+ a racheté ses concurrents car payer plus cher pour l’exclusivité devenait trop peu rentable. »

« La valeur des droits a dépassé son prix réel. La Ligue 1, valorisée à 1 milliard, ne génère pas assez et ne capte pas suffisamment de gens prêts à payer pour regarder le championnat. On est sur un retour en arrière et on va vers une dévalorisation des droits TV. »

Fabien LÉVÊQUE, présentateur de Tout le sport : « À France Télévisions, on est limité à 1 minute 30 d’utilisation d’image. Ça limite la narration. On doit payer les clubs pour avoir des minutes supplémentaires. »

« Les droits sont éclatés. Les gens n’ont pas envie de payer 4 ou 5 abonnements. Ça incite au piratage et ça fait baisser la valeur des droits car les gens ne s’abonnent pas. »

« Si le Qatar ne vient pas au secours du football français et de ses droits TV, on saute dans l’inconnu. »

À retenir

Le football français n’est pas près d’avoir le milliard d’euros tant attendu via les droits télévisuels. Depuis 20 ans, si leur valeur a augmenté, elle était clairement surévaluée en raison de la concurrence. Et la Ligue continue dans les mauvais choix. Avec le deal CVC, fonds luxembourgeois qui a acquis 13% des parts du football français, elle a probablement perdu à vie 13% de ses recettes.

Là où les Anglais et les Espagnols ont su faire de leur championnat une marque, avec deux modèles différents, les clubs français vivent sous perfusion du pouvoir politique. Mais tous ces problèmes et ce manque d’argent n’influencent pas le travail des journalistes.

 
 
 
 
 

Axel Monnier/EPJT

 

 

[REPORTAGE] Banquet journalisme et citoyenneté : au coeur d’une rencontre entre deux mondes

Au Bateau Ivre, cent personnes se rencontrent autour d’un repas, pour débattre sur le journalisme. Photo : Rhaïs Koko/EPJT

À l’occasion des Assises du journalisme de Tours, un banquet spécial a été organisé pour permettre à une centaine de journalistes et de citoyens d’échanger. Les débats ont été animés.

« Les journalistes ne cherchent plus à faire du contenu informatif, mais spectaculaire ». Jean-Loup, médecin du sport de 63 ans, est catégorique. Lorsqu’il a reçu son invitation, il n’a pas hésité une seconde à venir rencontrer des journalistes au Bateau Ivre, mercredi soir. A l’occasion des Assises du journalisme de Tours, 100 personnes, journalistes ou citoyens, se sont retrouvées pour débattre sur le journalisme, le temps d’un dîner. Objectif : « Faire se rencontrer deux mondes qui ne se comprennent pas toujours », explique Lucile Berland, journaliste indépendante et animatrice du banquet.

Entrée, plat, dessert, à chaque moment du repas, une question pour débattre : « En quoi le journalisme vous est utile ? », « En quoi le journalisme peut être inutile ou pas à la hauteur ? » et « En quoi pourrions-nous vous être plus utiles demain ? ». Tous changent de table entre chaque plat « afin de recueillir un maximum d’opinions », continue Lucile Berland.

Ce mercredi soir, les participants se font donc face sur des tables rondes couvertes de nappes blanches. Du vin blanc ou du vin rouge ; la parole est déliée. Lionel, 40 ans, travaille dans le secteur audiovisuel. Il s’informe quotidiennement, principalement via la télévision. Pour lui, « un journaliste n’est utile que lorsqu’il est objectif. » Un avis que ne partage pas Alexandre, son compagnon de table, journaliste. « Il est souvent difficile, quasi impossible, de ne pas donner ou suggérer son avis, rétorque-t-il. Le plus important est de ne pas déformer les faits et de les replacer dans leur contexte. » 

Journalistes anxiogènes

Sur une autre table, une infirmière de 37 ans, relativise. « Il ne faut pas oublier que les journalistes sont des hommes et des femmes orientés par leurs sentiments, déclare-t-elle. Chacun fait de son mieux. » Mais Lucile Berland assure qu’il y a « parfois une timidité des citoyens à dire que les journalistes sont des pourris ». Alors place au plat, ou plutôt au « plat de résistance des journalistes face aux critiques », comme elle le surnomme alors qu’elle prend le micro pour résumer la tonalité des avis des citoyens. Selon certains, le journalisme leur est inutile car les journalistes montent des sujets en épingle, sont anxiogènes et trop tournés vers les problèmes. Bref, une course permanente au buzz.

Un avis émerge. Les journalistes gagneraient à faire davantage de journalisme de solution et à aller toujours plus loin dans l’investigation, au lieu de relater en boucle des faits stériles. Yves, journaliste de 65 ans, est sans langue de bois et catégorique. Derrière sa longue moustache blanche, il affirme : « J’étais à Radio France lorsque Franceinfo est née. Nous étions plusieurs à suggérer à nos chefs de créer dans l’information en continu des thématiques où les sujets sont approfondis. Mais parce que le journalisme est aussi une économie, ils préféraient survoler l’information et la rabâcher pour faire de l’argent. » Ce système l’exaspère. Au Bateau Ivre, nombre de citoyens le sont également.

Pour Anaïs, le journalisme sera plus utile lorsque l’information sera traitée sous tous les angles. La jeune femme de 27 ans déplore le fait de devoir s’informer via plusieurs médias pour avoir différents points de vue, raison pour laquelle elle n’est abonnée à aucun d’entre eux. Yves lui dit que c’est impossible, car l’information est trop large et que le journalisme est surtout une affaire de choix. « Mais choisir, c’est renoncer au détriment de ceux qui n’ont pas conscience qu’il faut maximiser ses canaux d’informations », observe Anaïs.

Et les masques tombent

« Ce concept de réunir des gens autour d’un repas est inspiré des banquets républicains de l’Ancien Régime et permet de délier les langues, car tout le monde est mis en même niveau », se réjouit Lucile Berland. Pour elle, nul doute de la nécessité d’une telle rencontre entre journalistes et citoyens défiants. « C’est l’endroit où une colère, une frustration ou une incompréhension doit pouvoir s’exprimer, reprend-elle. Il faut un dialogue pour que les masques tombent de part et d’autre. »  

Les invités approuvent. En fin de cérémonie, certains parlent déjà de retenter l’expérience qu’ils qualifient d’utilité publique. C’est une évidence pour Sylvie, 54 ans qui cite Alfred Sauvy : « Bien informés, les hommes sont des citoyens; mal informés, ils deviennent des sujets. » 

Rhaïs Koko/EPJT

[RÉSUMÉ] Les entretiens de l’info : quand les jeunes femmes journalistes de sport occupent le terrain

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les entretiens de l’info : quand les jeunes femmes journalistes de sport occupent le terrain »

Pierre Galy, Tiffany Henne, Azaïs Perronin, Sandy Montanola, Pauline Guillou et Jean-Marie Charon. Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT

Avec Tiffany HENNE, journaliste pigiste, Association des femmes journalistes de sport ; Pierre GALY, chef du département des sports AFP ; Pauline GUILLOU, journaliste pigiste et membre de Femmes Journalistes de Sport ; Sandy MONTAÑOLA maîtresse de conférence à l’université Rennes 1 et Azaïs PERRONIN relayeuse et journaliste pigiste.

Animé par Jean Marie CHARON, sociologue des médias CNRS-EHESS

 

Les enjeux

Les femmes journalistes de sport rencontrent encore davantage de difficultés que leurs homologues masculins. Toutefois, des mesures sont mises en place et offrent un espoir pour les prochaines générations de journalistes.

Ce qu’ils ont dit

Pauline Guillou (journaliste pigiste et membre de Femmes Journalistes de sport) : « Je me sens un peu seule dans les rédactions mais avec l’association, on se sent nombreuses (250 adhérentes). En fait on est là, c’est juste qu’on ne nous voit pas beaucoup ! »

« Quand on est une fille, on a un syndrome de l’imposteur qui est énorme et encore plus dans des rédactions de sport. Mon entrée dans le métier a été plutôt compliquée. Mais j’ai envie de croire que c’est le métier qui est comme ça et que ça se passe comme ça partout. »

Azaïs Perronin (relayeuse et journaliste pigiste) : « L’absence de modèle a été importante. Je n’ai pas vu beaucoup de femmes et cela a sûrement joué sur le fait que je n’arrive pas à me projeter en tant que femme journaliste de sport. »

Sandy Montanola (maîtresse de conférence à l’université Rennes 1) : « Plus le sport est considéré comme important et moins on a de femmes. L’entrée des femmes se fait surtout dans les secteurs les moins convoités : on les compte beaucoup dans les postes précaires. »

« Le journalisme est l’un des secteurs où les perspectives pour progresser sont non transparentes. »

« Le sport est un domaine historiquement masculin construit autour de la virilité. En faisant du sport un moment de sociabilisation entre hommes, on perd de l’audience en y intégrant des femmes. Dans une logique de rentabilité, pour aller chercher un public, on va polariser ces endroits. »

Tiffany Henne (journaliste pigiste et membre fondatrice de l’association Femmes Journalistes de Sport) : « Le but est d’aller toucher les postes à responsabilité et dans le sport, les postes de commentatrices. On dit à des dizaines de journalistes sportives que la voix des femmes, c’est pas possible pour commenter car elle va monter dans les aigus. »

« Je suis tout à fait pour l’instauration des quotas. Si on attend de ces messieurs blancs d’un certain âge, on peut attendre longtemps. Le jour où l’égalité sera atteinte, c’est le jour où des femmes incompétentes seront à des postes à responsabilité, comme c’est le cas pour certains hommes aujourd’hui »

À retenir

Si la parité est atteinte dans les cartes de presse, elle ne l’est pas en sport qui reste un univers masculin. Syndrome de l’imposteur, remarques sexistes, du mal à se projeter dans la profession à cause de l’absence de modèle… Le chemin est plus difficile pour les femmes que pour les hommes.
Les violences sexuelles et sexistes peuvent notamment les dissuader de se lancer. D’autant plus que dénoncer, c’est prendre un risque pour sa carrière.

Même si 61 rédactions ont signé la Charte pour une plus grande égalité femmes-hommes dans les rédactions sportives, que des cellules VSS et des référents « harcèlement sexuel » ont été mis en place, le plafond de verre persiste. Une situation encore plus compliquée pour les femmes racisées – et les minorités en général.

Clara Demajean (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Médias locaux : le sport au-delà des résultats

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Médias locaux : le sport au-delà des résultats »

Richard Hecht, Vincent Côté, Aurélie Peyridieu, Clément Chassot, David Picot. Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT

Avec Clément CHASSOT, rédacteur en chef Le Crêstois (Drôme) ; Vincent CÔTÉ, rédacteur en chef délégué aux Sports pour Ouest France ; Aurélie PEYRIDIEU, responsable Projets Communication Fédération Française Sports pour Tous ; David PICOT, journaliste à La Gazette Nantes.

Animé par Richard HECHT, membre de l’Union des Clubs de la presse de France et francophones.

Les enjeux

Les médias locaux se heurtent régulièrement au fait de ne pas égratigner les clubs locaux, par peur de perdre une source d’informations. Alors comment les journalistes locaux entretiennent-ils leurs liens avec les sportifs ?

Ce qu’ils ont dit

Clément CHASSOT (rédacteur en chef Le Crêstois): « Il y a un aspect social du sport. On met en avant le sport amateur et ses bénévoles. Le journal est une caisse de résonance pour ces jeunes-là mais aussi pour les personnes plus âgées. C’est une reconnaissance. »

Vincent CÔTÉ (rédacteur en chef délégué aux Sports pour Ouest France) : « Un quotidien comme Ouest-France doit se fier à sa propre hiérarchisation de l’information sportive. Quand on le fait, c’est pour raconter une histoire au-delà du résultat. »

« Quand nous avons une carte de presse, nous n’avons pas une carte de supporter. »

« Les sportifs ont perdu la confiance qu’ils avaient envers les journalistes. »

Aurélie PEYRIDIEU (responsable Projets Communication Fédération Française Sports pour Tous) : « Nos athlètes sont des monsieur tout le monde. On cherche à évoquer des valeurs comme le respect de l’autre. Le sport est un outil de bien plus grand : le social. »

David PICOT (journaliste à La Gazette Nantes) : « Il devient difficile d’obtenir des informations au-delà du fait sportif. La communication contrôle de plus en plus le terrain. »

À retenir

Les médias locaux cherchent à innover et orientent leurs articles sur des portraits de sportifs, sur la petite histoire du succès et l’aspect social du sport. En effet, les scores, tous les sites d’informations les auront. Il s’agit ici d’une technique pour se démarquer de flux global.

Les journalistes présents évoquent une ligne éditoriale commune : valoriser leur territoire et leur population. La difficulté est de publier un article quand le club de la région a des mauvaises performances. D’autant plus quand plusieurs médias locaux souffrent d’un manque de visibilité. La phrase à retenir, selon David Picot ? « 0,18%, c’est ce que le sport représente dans le budget de l’État. » Surprenant pour une spécialité qui suscite autant d’engouement.

Jules Rouiller (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Le journalisme de sport : frontières, reconnaissance et légitimité d’une spécialité discréditée

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Atelier de recherche : le journalisme de sport ; frontières, reconnaissance et légitimité d’une spécialité discréditée »

Céline Ségur, Natacha Lapeyroux, Valérie Bonnet, Mathias Valex et Emmanuel Marty Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT 

Avec Valérie BONNET, professeure des universités en Sciences de l’information et de la communication LERASS Université Toulouse 3 ; Natacha LAPEYROUX, Postdoctorante Université libre de Bruxelles (Belgique) ; Mathias VALEX, maître de conférence ELICO Université Lyon 2.

Co-animé par Emmanuel MARTY, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication & Céline SÉGUR, CREM Université de Lorraine. 

 

Les enjeux

Le journalisme de sport est souvent vu comme un domaine moins sérieux que d’autres rubriques au sein des rédactions. Se pose aussi la question du rapport aux sources, notamment en presse quotidienne régionale, mais aussi de la légitimité des femmes.

 

Ce qu’ils ont dit

Valérie Bonnet (professeure des universités en Sciences de l’information et de la communication LERASS Université Toulouse 3) :« Dès le début dans les médias, il y a eu ce débat de recruter soit des communicants, soit des techniciens pour le commentaire sportif. »

Natacha Lapeyroux (postdoctorante Université libre de Bruxelles) :« La question de la passion est centrale dans le journalisme sportif. Et on considère souvent que les femmes sont moins passionnées, donc elles sont moins considérées. »

Mathias Valex (maître de conférence ELICO Université Lyon 2) :« En tant que journalistes de sport, on est perçus comme des personnes qui s’amusent. »

« Les journalistes de sport dans les médias locaux ont un rapport aux sources particulier. Entre esprit critique et préservation de leur terrain. »

« Le sport d’élite féminin est souvent relégué dans les pages départementales en presse locale, sous prétexte de logiques d’audiences. »

« Les « lives » web offrent beaucoup plus de liberté aux journalistes et aux commentateurs, qui peuvent se permettre des blagues etc. »

À retenir

Le journalisme de sport est un domaine qui a toujours souffert d’un manque de légitimité. Vu comme une rubrique où les journalistes s’amusent, les reporters sont souvent critiqués au sein même des rédactions. Les femmes souffrent encore plus dans ce secteur dominé par les hommes. Comme si la passion du sport était un concept masculin, elles sont souvent reléguées au second plan et doivent jouer des coudes pour être reconnues. La question de la diffusion du sport féminin est également une problématique et les médias se cachent souvent derrière des logiques de rentabilité et d’audiences.

Pour la presse locale, il y a également un rapport aux sources qui est complexe. Les journalistes sont constamment au contact des sportifs et des clubs. Ils doivent donc osciller entre esprit critique et maintien de ce lien. Enfin, il semble que le métier de journaliste de sport s’est professionnalisé au fil du temps, avec des journalistes de plus en plus experts.

Florian Pichet (EPJT)

 

 

[ENQUÊTE] Quelle couverture médiatique pour Gaza ?

Le photojournaliste gazaoui Motaz Azaiza à Gaza le 8 octobre. Il publie cette photo dans un post Instragram dans lequel il précise « Je suis disponible pour des missions ». Photo : Motaz Azaiza/Instagram.

Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, les médias français couvrent la situation en Israël et dans les territoires palestiniens. Mais l’impossible accès à la bande de Gaza et le déséquilibre entre les moyens de communication du gouvernement israélien et des Gazaouis complique le travail. 

Fake news autour des 40 bébés décapités par le Hamas le 7 octobre, incertitude quant à l’origine de l’explosion de l’hôpital al-Ahli : ces deux exemples illustrent la difficulté rencontrée par les médias pour recouper l’information dans ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien.

Sans accès à la bande de Gaza – hormis sous la surveillance et avec l’autorisation de l’armée israélienne, les journalistes sont contraints d’adapter leur pratique pour continuer d’informer. « Nous avons étoffé notre cellule de vérification des images, explique Guillaume Debré, directeur adjoint de la rédaction de TF1. Les images que nous trouvons sur les réseaux sociaux, par exemple, y sont toutes analysées avant diffusion. » Un moyen d’éviter le relais de fausses informations autant que de pallier le manque de correspondants sur place.

Pour Patrick Sauce, du service international de BFM TV, cette authentification des images reste insuffisante. « Les images relayées par les civils ou les journalistes depuis l’intérieur de Gaza sont sujettes à la pression du Hamas. Je ne remets pas en cause le travail de tous mes confrères mais les erreurs d’attribution de l’explosion de l’hôpital al-Ahli prouvent qu’il faut se méfier des images filmées sur le terrain. » Questionné sur les images filmées par les Gazaouis et relayées par des médias comme Al-Jazeera, il questionne à son tour les moyens employés par la chaîne. Et évoque les contrats d’exclusivité d’autres chaînes qui lierait les correspondants gazaouis à certains médias.

Un biais dans la couverture médiatique ?

Patrick Sauce admet néanmoins un déséquilibre dans cette guerre de l’information. « Israël a la 5G, c’est le pays de la tech. Ils ont les moyens techniques pour communiquer. Alors qu’aujourd’hui, sans électricité, les Gazaouis peinent ne serait-ce qu’à envoyer des messages vocaux. »

Pour autant, il ne ressent pas le malaise de certains journalistes de la rédaction de TF1 elle-même, que décrivait un article du média en ligne Blast en novembre dernier. « J’ai un peu de mal avec l’idée que nous aurions un biais pro-israélien dans notre couverture, estime Patrick Sauce. Nous avons fait des reportages sur les enfants palestiniens réfugiés en France et nous parlons souvent de l’extrémisme de Benyamin Netanyahou en plateau. S’il existe un biais, il est plutôt en défaveur des Israéliens pour lesquels l’opinion a perdu en empathie. »

Un argument qui ne convainc pas Daniel Schneidermann, fondateur du média en ligne Arrêt sur images. « Il existe un biais presque irrésistible qui ne relève pas de l’intention mais plutôt de la proximité globale des médias traditionnels avec Israël. » Il dénonce ainsi un « deux poids deux mesures » dans le choix des mots utilisés par les journalistes. Tandis que les agences de presse internationales différenciaient les « civils » des « soldats » israéliens tués par le Hamas le 7 octobre, les pertes du côté palestinien dans la réplique du 8 octobre restaient indéfinies.

« Rester honnête »

Mais d’où viendrait ce biais, si tant est qu’il existe ? « Les Israéliens sont plus proches culturellement des Occidentaux, avance Daniel Schneidermann. Ils ont une démocratie comme nous, une presse libre d’expression et une société civile qui critique le pouvoir. Il est plus aisé de s’identifier à eux qu’aux Palestiniens.»

Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique et fondateur du magazine Orient XXI, confirme : « Les médias parlent souvent du nombre de Palestiniens tués, mais il est difficile de s’identifier à un chiffre. Il nous faut des histoires, des portraits de famille pour comprendre ce que signifie 20 000 morts. » Diplômé de l’Ecole des hautes études en sciences sociales et spécialiste de la question israélo-palestinienne, il relève aussi un changement dans la lecture du conflit. « Depuis 2001 et le début d’une lutte mondiale contre le terrorisme, la lutte palestinienne est davantage perçue comme un phénomène terroriste par les pays occidentaux. En France, le gouvernement est passé d’un rôle de négociateur, voire de soutien aux revendications des Palestiniens, à un soutien affiché à Israël. » Et Daniel Schneidermann de compléter : « Dans toute guerre, les médias ont tendance à épouser la position diplomatique de leur pays. »

Une affirmation que réfute Patrick Sauce, qui insiste sur sa connaissance du terrain. Comme en écho, Guillaume Debré rappelle le nombre de journalistes de guerre dans sa rédaction. « Il faut avant tout traiter les faits et ne pas tomber dans l’éditorialisation. Rester honnête. » Un objectif que tous partagent. Encore faudrait-il s’entendre sur la définition du terme…

Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT

[RÉSUMÉ] Journalistes ou supporters ?

Retrouvez l’essentiel de l’atelier-débat « Journalistes ou supporters »

Clément Gavard, Stéphanie Freedman, Lionel Dangoumau et Louise Audibert. Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT

Avec Stéphanie FREEDMANN, journaliste manager L’Alsace et DNA, Lionel DANGOUMAU, directeur de la rédaction de L’Équipe et Clément GAVARD, journaliste pour So Foot.

Animé par Louise AUDIBERT, journaliste indépendante (So Foot, Le Monde…).

Les enjeux

Est-il possible de couvrir un match tout en supportant une équipe ? Les journalistes de sport ont-ils le droit d’exulter pendant une rencontre ? Peuvent-ils être chauvins et soutenir, dans leurs productions, une sélection nationale ou un club ? Autant de questions qui ont été abordées lors de cet atelier-débat.

Ce qu’ils ont dit

Stéphanie Freedman (journaliste manager L’Alsace et DNA) : « Quand nous nous en tenons aux faits, que nous gardons la bonne distance, l’un n’empêche pas l’autre. Nous pouvons être de bons professionnels et soutenir l’OM. »

« Un journaliste de sport est avant tout journaliste. Nous pouvons donc évidemment faire ce métier sans être supporter, mais ce n’est pas mon cas. Depuis que j’ai découvert Marseille, je suis devenue fan de cette équipe. Mon joueur préféré est Mattéo Guendouzi. »

« Le sport permet de parler de tous les aspects de la société : ferveur, santé, violences… »

Lionel Dangoumau (directeur de la rédaction de L’Équipe) : « À L’Équipe, on nous reproche souvent d’être trop journalistes et pas assez supporters, de ne pas suffisamment être derrière l’équipe de France. »

« Il faut de l’émotion et de l’empathie pour que le récit sportif ne soit pas dénaturé mais cette part ne doit pas déborder. »

« J’ai grandi avec l’OM et j’étais super content quand ils ont gagné la Ligue des champions. Nous pouvons avoir ce fond de supporterisme en nous mais il faut s’en détacher pour ne pas être contraint dans notre travail. »

« La question de la porosité entre journalistes et acteurs n’est pas propre au sport. En politique aussi, cette proximité peut être trop grande. »

« Je pense que ça peut être bénéfique de changer de rubrique ou de club à couvrir assez régulièrement. Dans le même temps, il faut rester suffisamment longtemps à un poste afin de développer un réseau. Il y a un équilibre à trouver. »

Clément Gavard (journaliste pour So Foot) : « Je pense que nous pouvons être les deux. Pour être journaliste de sport, il faut avant tout être passionné. C’est ancré en nous et nous ne pouvons pas décider de ne plus aimer un club. »

« En 2019, j’étais pigiste pour So Foot mais je ne m’estimais pas encore capable de contenir mes émotions lors des matchs européens du Stade Rennais. Je n’arrivais pas à prendre assez de recul sur ces événements passionnels. Je pense aujourd’hui avoir mûri. »

« Rennes est un club à taille humaine, contrairement au PSG par exemple. À force de venir au stade, en conférence de presse, nous créons une relation avec les joueurs et les entraîneurs. C’est l’avantage de suivre une équipe de près : nous pouvons facilement discuter avec les sportifs et défendre notre vision des choses. »

« Quand nous avons accès à ce milieu très particulier, cela vaccine totalement de l’idolâtrie que nous avions petit. Nous découvrons parfois des choses écœurantes. »

À retenir

Il est tout à fait possible pour les journalistes de sport de concilier leur passion pour une équipe en particulier tout en maintenant leur professionnalisme. Ils viennent souvent à ce métier en tant que supporter, mais le contact étroit avec les acteurs du milieu permet de relativiser l’idolâtrie. Afin de permettre cette dualité, il est important de conserver une bonne distance.

Lionel Dangoumau, actuel directeur de la rédaction du journal L’Équipe, a insisté sur l’importance de l’émotion et de l’empathie dans le récit sportif, tout en mettant en garde contre un excès qui pourrait altérer la neutralité journalistique. Les intervenants ont mis l’accent sur cette notion, plutôt que d’objectivité. Par ailleurs, les liens étroits entre journalistes et acteurs n’existent pas seulement dans le sport, à l’instar de la politique.

Corentin Vallet (EPJT)

 

 

[DÉCRYPTAGE] Le sport, ce levier indispensable pour la survie de la PQR

La Nouvelle République s’appuie sur un cahier des sports chargé quand arrive le week-end. Photo : Julien Grohar/EPJT

Pour la presse régionale, le sport reste un des déclencheurs importants de vente. Les compétitions amateures conservent un lien de proximité, là où les rédactions s’appuient sur les performances des clubs professionnels de leur région.

Au milieu de toutes les difficultés que connaît la presse quotidienne régionale (PQR), le domaine du sport semble être encore l’un des piliers qui assure les ventes. D’après un rapport de 366, la régie publicitaire principale de la PQR, 700 000 articles de quotidiens régionaux dédiés au sport ont été publiés entre mai 2022 et mai 2023, dont 270 000 articles numériques.

Selon Frédéric Launay, responsable du service des sports à La Nouvelle République, le sujet demeure « un important déclencheur d’achat pour le print et de consultation pour le web ». Le service des sports est l’un des plus importants de la rédaction, avec une vingtaine de journalistes permanents, auxquels s’ajoutent un réseau d’au moins une cinquantaine de correspondants. Une logique similaire à Sud-Ouest, comme l’explique Frédéric Laharie, responsable des sports du quotidien : « Le sport, c’est entre 10 et 16 pages sur des journaux de 38 pages, les samedi, dimanche et lundi ». Il dirige une équipe de neuf journalistes permanents à Bordeaux.

Une couverture exclusive

Les quotidiens régionaux peuvent s’appuyer sur un lectorat intéressé par l’actualité des sports amateurs et aussi sur une couverture exclusive des équipes de référence dans leurs régions respectives. Mais quand l’équipe en question connaît des mauvais résultats, la rédaction peut en subir les conséquences. Cela a été le cas à La Nouvelle République, après la relégation administrative du Tours FC en Nationale 3, cinquième niveau du football français, le club étant habitué a évolué en Ligue 2, voire en Ligue 1 dans ses plus belles heures.

« Cela a forcément eu un impact sur nos ventes », confie Frédéric Launay. Pour autant, ça n’a pas empêché le quotidien de se renouveler dans le sport : « On donne plus de place aux autres disciplines qui marchent, comme le volley, le handball ou le basket. Ces clubs ont en quelque sorte bénéficié des mauvais résultats du Tours FC ».

Se renouveler grâce au sport

La dynamique aurait pu être similaire à Sud-Ouest, avec la relégation des Girondins de Bordeaux, club phare de la région, en Ligue 2. Cependant, le quotidien couvre les Girondins « comme s’ils étaient en Ligue 1 », affirme Frédéric Laharie. « On a toujours de très bonnes audiences pour les papiers sur les Girondins car il se passe toujours quelque chose. Les chiffres sont presque meilleurs aujourd’hui que quand ils étaient bloqués dans le ventre mou de la Ligue 1. »

Le quotidien girondin peut aussi compter sur un lectorat assidu au niveau du rugby : sa couverture s’étend sur neuf équipes professionnelles, avec un dispositif important à chaque match de l’équipe de France. « Les unes de sport font vendre : l’année dernière, la une la plus vendue était celle sur un match de rugby France-Angleterre », souligne Frédéric Laharie.

Désormais, l’enjeu pour les quotidiens régionaux est de se renouveler et cela passe aussi par le sport. Le lectorat sportif s’exporte de plus en plus sur le web, « et pas seulement les jeunes » selon Frédéric Launay. Le journaliste de sport l’affirme, « il faut aller chercher les jeunes lecteurs, sans perdre les fidèles du papier. Cela passe par la couverture de compétitions moins conventionnelles ou des nouveaux formats par exemple sur les réseaux sociaux. »

De nouveaux formats à imaginer

Sud-Ouest s’est déjà lancé dans ce domaine : création d’un compte X spécialement dédié aux sports, un autre uniquement pour les Girondins de Bordeaux. « On a également une newsletter rugby qui compte entre 45 000 et 50 000 abonnés », se félicite le responsable des sports. Le quotidien réalise de plus en plus de lives, parfois même pour des matchs amateurs, « parce que la demande existe. »

Et puisque les quotidiens régionaux cherchent à diversifier leurs activités, le sport est aussi utilisé à des fins économiques. La Nouvelle République et Sud-Ouest financent tous les deux des événements sportifs d’ampleur, respectivement le marathon de Tours et le Lacanau Pro Océan. Des vitrines pour les deux quotidiens, qui en plus d’y retrouver des avantages pécuniaires, mettent en valeur leur nom, devenu une véritable marque.

 

Hugo Laulan/EPJT

[EN PLATEAU] Jean-Marie Charon : « De moins en moins de journalistes ont la carte de presse »

Jean-Marie Charon est sociologue au CNRS, spécialiste des médias. Tous les ans, aux Assises de Tours, il présente un baromètre social des médias qui prend la température de la profession de journaliste. Mais dans un milieu qui évolue, un journaliste peut-il seulement être défini par sa possession de la carte de presse ?

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[RÉSUMÉ] Les entretiens de l’info : le journalisme est un sport collectif

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les entretiens de l’info : Le journalisme est un sport collectif »
Jean-Marie Charon, Hugo Coignard du collectif Enketo, 3 journalistes pour Collectif focus, Albert London, Splann!, Youpress. Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT
Les collectifs représentés : WeReport, Longshot, Youpress, Hors Format, Splann!, Albert London, Focus, Enketo, Les Journalopes, Presse-Papier, La Fourmilière, Tu piges, La Friche, Argos, Hors cadre, Incorrigibles, Solvo, Extra-Muros.

Une rencontre animée par Jean-Marie Charon, sociologue des médias CNRS-EHESS.

Les enjeux

Dans le cadre des Entretiens de l’info, le sociologue Jean-Marie Charon rassemble les collectifs de journalistes pour la première fois en France afin qu’ils puissent échanger sur leurs façons de travailler et les défis à relever. Cet événement a vocation à devenir un rendez-vous annuel et récurrent des Assises du Journalisme.

Ce qu’ils ont dit

Collectif Youpress : « Le collectif est une question de survie. Être ensemble, c’est ce que je conseille à l’ensemble des journalistes. »

« C’est difficile d’être pigiste et je voulais que l’on soit fier de nous. Différents cerveaux valent mieux qu’un ! »

« Financer notre collectif est un vrai apprentissage et l’argent ce n’est pas un tabou. Il faut en parler. »

Collectif WeReport« Il faut que l’on pense collectivement pour négocier nos productions auprès des rédactions car nous avons une vraie valeur ajoutée. Trop souvent, on est payé au salaire de pigiste. Mais lorsqu’un média nous achète un sujet, il doit payer cette valeur ajoutée du travail collectif ! »

Collectif Tu piges« On en avait marre de courir après des rédactions qui nous manquaient de respect. On s’est mis ensemble et on s’est spécialisés dans la pige. »

Collectif Les Incorrigibles« La première raison des journalistes qui viennent vers notre nous, c’est de rompre l’isolement et de découvrir la diversité de la presse. Mais également de créer un endroit pour pouvoir se retrouver et parler d’autre chose, à la pause-café par exemple. »

« Je pense que l’on ne peut pas être pigiste sans collectif, c’est vraiment un levier. Cela a changé mon regard car j’ai plus de poids dans la négociation auprès des rédactions. »

Jean-Marie Charon, (sociologue des médias CNRS-EHESS) : « Les Assises du journalisme peuvent être un espace pour continuer à se retrouver. L’année prochaine, on pourra refaire cette rencontre sous forme d’un séminaire interne et travailler ensemble. »

À retenir

Chaque collectif de journalistes s’est créé dans le but de se soutenir individuellement et de travailler ensemble sur des thématiques variées. L’idée est de lutter ensemble et de s’entraider face à la difficulté du milieu journalistique en se protégeant de la précarité financière du métier. Cette première rencontre entre associations a été l’occasion de parler de la manière dont chacun s’organise, mais également des difficultés auxquels ils sont exposés.

L’élément principal : le financement. Entre bourses ou négociation auprès des rédactions, il est difficile de trouver des subventions lorsque l’on est pigiste. Mais au sein d’un collectif, avec le soutien des autres membres, il est plus facile de se battre et de se mobiliser contre des rédactions qui payent peu pour faire valoir les droits de journaliste pigistes. La rencontre entre ces associations a permis une discussion afin de continuer à valoriser financièrement les travaux réalisés. Cette discussion a mené à la création d’un groupe Discord. Il est probable que cette rencontre se pérennise de manière annuelle lors d’un séminaire à l’occasion des Assises du journalisme.

Victoire Renard-Dewynter (EPJT)

 

[RÉSUMÉ] Quel traitement des violences sexistes et sexuelles dans le journalisme de sport ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Quel traitement des violences sexistes et sexuelles dans le journalisme de sport ? »
Alizée Vincent, Mejdaline Mhiri et Ludovic Ninet. Photo : Nahomie Perigny/EPJT
Avec Ludovic NINET, journaliste et écrivain, Alizée VINCENT journaliste pour Arrêt sur images

Animé par Mejdaline MHIRI, co-fondatrice de l’association Femmes Journalistes de sport et rédactrice en cheffe du magazine Les Sportives.

Les enjeux

Le bilan d’activité 2023 présente une libération de la parole en matière de violence sexiste et sexuelle (VSS) dans le sport, avec des chiffres de signalements élevés. Mais les dénonciations de viols, d’agressions sexuelles ou de discrimination de genre restent sous-traitées médiatiquement. Comment parler plus efficacement de ces violences ?

Ce qu’ils ont dit

Alizée Vincent, journaliste pour Arrêt sur images : « Dans certains médias, la tendance est de se focaliser sur les difficultés psychologiques de l’auteur au lieu de se concentrer sur les faits structurels du crime. »

 « Dans les cas de VSS, le vocabulaire judiciaire doit être extrêmement bien utilisé. Le journaliste a pour devoir de faciliter l’accès à ce genre d’information. »

« La presse sportive me paraît plus en retard que les autres sur le traitement médiatique des violences sexistes et sexuelles.»

«Quand dans l’Equipe, on applaudit parce qu’un journaliste parle des règles, j’en ai marre d’applaudir des poissons qui nagent . »

Mejdaline Mhiri, co-fondatrice de l’association Femmes Journalistes de sport et rédactrice en cheffe du magazine Les sportives  : « Je ne veux pas que l’on pense que la presse sportive, c’est pour les beauf qui ne savent pas parler de violences sexistes et sexuelles. C’est pour ça qu’il y a l’association Femmes Journalistes. »

«Dans la presse sportive, il y a une sorte de schizophrénie dans l’absence de réflexion globale sur les VSS dans les rédactions. »

Ludovic NINET, journaliste et écrivain : « On peut se demander quelle place un média décide de donner à ce genre de réflexion ? Les journalistes sportifs ne se consacrent pas à ça. Mais je pense que l’on peut travailler sur un sujet sans forcément en être expert. »

« Ce problème de traitement de VSS est quelque chose de nouveau dans les rédactions qui s’explique par un changement de génération qui veulent que les choses bougent. » 

À retenir

Le traitement médiatique des violences sexistes et sexuelles reste encore à développer. Toutes les rédactions doivent se sentir concernées par ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Les journalistes se doivent d’employer les mots justes et le vocabulaire le plus précis afin de parler des cas de VSS dans le monde sportif. Un article ne doit pas mettre plus en avant l’accusé (en raison de ses titres, sa notoriété ou son sexe) que la victime elle-même. Certains journalistes sportifs tentent de se former mais ils sont encore peu nombreux.

Nahomie Perigny (EPJT)

 

 

[DÉCRYPTAGE] Gaze, la presse féministe qui casse les codes

Photo : Capture d’écran 

Gaze est un magazine féministe et engagé qui revendique sa subjectivité. La ligne éditoriale est assumée, l’objectif est d’en finir avec les stéréotypes et de faire un travail journalistique collaboratif.

 

La Deferlante, Gaze, Censored : depuis 2020, un nouvel air souffle sur la presse féminine. Plus osée, plus affirmée, plus créative… Celle-ci se renouvelle pour correspondre à un nouveau public, jeune et militant. Gaze, magazine féministe exclusivement rédigé par des femmes et des personnes non-binaires a été créé en 2020. « Notre mission éditoriale consiste à promouvoir les regards subtils dans leur diversité, assume Clarence Edgar-Rosa, la co-fondatrice du magazine. Nous sommes avides de perspectives subjectives, car la manière dont nous abordons un sujet est aussi cruciale que le contenu que nous partageons. » 

Chaque article est écrit à la première personne du singulier. Cela permet aux journalistes de conserver leur point de vue tout au long de l’article. Du côté de la photographie, le magazine adopte une démarche similaire et met en avant les liens personnels entre le/la journaliste et la personne interrogée.

Contrecarrer l’entre-soi

« Nous rejetons l’idée de l’objectivité absolue et obligatoire, déclare Clarence Edgard-Rosa. C’est pour nous une illusion. Selon nous, ce n’est pas anti-déontologique d’agir ainsi, puisque nous restons tout de même transparents. C’est plutôt un parti pris. » Le processus éditorial est collaboratif. Depuis sa création en 2020, la rédaction choisit collectivement les thèmes de chaque numéro et engage des journalistes qui connaissent les réalités des sujets qu’ils traitent.

Le but est d’encourager la diversité des lecteurs et contributeurs. La volonté est de contrecarrer les tendances d’entre-soi dans le journalisme et de permettre à une variété de voix de s’exprimer. Un de ses principaux défis est de rendre Gaze accessible à un public diversifié. « Nous avons remarqué un désintérêt chez certains hommes pour nos sujets, mais nous espérons attirer leur attention grâce à la photographie notamment », souhaite Clarence Edgar-Rosa.

Changer les codes

D’après la sociologue spécialiste du rapport du féminin et du masculin, Christine Castelain-Meunier, ce qui se démarque dans le paysage médiatique actuel, c’est la capacité de ces rédactions à présenter l’information avec une analyse personnelle. Cette évolution vers une information non formatée contribue justement à combattre les clichés et à contrecarrer une presse féminine qui jusqu’alors perpétue un schéma patriarcal.

« Par exemple, Elle, en sollicitant des actrices grand public, communique avec les femmes à travers des stéréotypes, estime la chercheuse. A contrario, le nouveau type de presse féminine veut changer les codes. » Les jeunes cherchent à s’identifier et à trouver des résonances à travers des journalistes qui se caractérisent par leurs différences et qui leur parle directement. Et revendiquent désormais le besoin de médias qui partagent leurs ressentis.

Juliette HUVET-DUDOUIT

[INTERVIEW] George Eddy : « J’étais une grande gueule »

Photo : Alliance Internationale

George Eddy, la voix mythique du basket-ball en France, évoque avec passion les dessous de sa longue carrière.

Vous cumulez 27 finales de NBA et plus de 1500 matchs de basket-ball commentés. Quelle est la recette d’un bon commentaire sportif ? 

George Eddy Pour moi, c’est mettre la bonne parole sur la bonne image, au bon moment. C’est simple et à la fois très difficile à faire. Il est important de bien préparer son match pour éviter la totale improvisation. Le commentateur est là pour apporter des anecdotes sur les joueurs et sur les tactiques mises en place. Canal+ a d’ailleurs introduit l’idée que des anciens sportifs occupent le poste de consultant en qualité d’experts. Personnellement, je ne me verrais pas commenter du football.

À mes débuts, j’étais aussi joueur au Racing Club de France. Mes coéquipiers regardaient les matchs que je commentais à la télévision. Ils étaient mon « sounding board » [caisse de résonance, ndlr] et me faisaient des retours réguliers. La bonne recette, c’est aussi l’écoute des autres. 

Vous êtes connu pour vos jeux de mots et votre tendance à vous enflammer. Vous est-il arrivé de survendre le basket américain pour attirer le public français ? 

G.E. Oui, sans doute, mais cela fait partie de ma personnalité animée. Le métier a énormément changé. J’ai d’abord dû faire découvrir ce sport à des néophytes. Maintenant, je m’adresse à des aficionados qui connaissent le basket sur le bout des doigts. Mon passé de pédagogue, en tant que coach et fils de professeurs, m’a beaucoup aidé. Il fallait d’abord expliquer les règles de la NBA . J’ai copié mes confrères états-uniens en reprenant leurs expressions comme « alley-oop », « in your face », « coast-to-coast », etc. 

En réalité, j’ai d’abord été assez calme mais Charles Biétry m’a encouragé à donner de la voix. Quand il y avait un dunk, il me laissait le micro pour que j’exulte. Normalement, c’est le rôle du commentateur numéro un de décrire les actions. Le consultant n’intervient qu’après, pendant les arrêts de jeu. 

Lors de la demi-finale de l’EuroBasket en 2013, vous avez usé vos cordes vocales en soutenant les Bleus. Avez-vous travaillé votre voix ?

G.E. J’ai tendance à trop monter dans les aigus quand je m’enthousiasme. Je me suis cassé la voix plusieurs fois à l’antenne. J’ai d’ailleurs fait la finale sous cortisone. Cela m’a appris à mieux gérer mon intonation par la suite. J’ai commencé ma carrière en animant les matchs de mon lycée aux Etats-Unis. On me l’a proposé car j’étais une grande gueule et que je faisais rire la galerie. Sans le savoir, cela m’a conditionné pour mon futur rôle de commentateur.

Petit, j’avais un voisin qui était coach vocal pour les acteurs de théâtre et de cinéma. Mon père m’obligeait à passer une heure avec lui après l’école pour apprendre à lire des poésies. C’était une chance inouïe de l’avoir comme mentor. Je lui dois beaucoup.

 

Recueilli par Florian PICHET, Jules ROUILLER, Corentin VALLET

[RÉSUMÉ] Les Jeux olympiques télévisés : perspective historique

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les jeux télévisés olympiques : perspective historique »

Isabelle Gaillard, Claire Blandin, Michael Attali. Photo : Mourjane Raoux-Barkoudah/EPJT

Avec Michael Attali, professeur à l’université de Rennes et Isabelle Gaillard, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l‘université de Grenoble Alpes.

Animé par Claire Blandin, professeure des universités en sciences de l’Information et de la communication à l’université Sorbonne Paris Nord.

Les enjeux

À quelques mois des prochains jeux Olympiques de Paris 2024, des chercheurs s’interrogent sur l’accélération de la médiatisation du sport et des bouleversements que cela entraîne : changement des programmations des épreuves, « olympisation » des sports, bouleversements économiques, etc. 

 

Ce qu’ils ont dit

Michael Attali (professeur à l’université de Rennes) : « Monique Berlioux est la seule femme à avoir été dirigeante du Comité international olympique (CIO). C’était la femme la plus puissante dans le sport de 1969 à 1985. Elle était aussi journaliste. »

« L’olympisation va bouleverser les sports, la manière de les exercer et leurs programmations. L’exemple des épreuves de natation à Tokyo est flagrant. »

« La perte de confiance est importante en vue des jeux de Paris. Depuis une dizaine d’années, l’olympisme vit une crise profonde »

Isabelle Gaillard (maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l‘université de Grenoble Alpes.) : « C’est une mission d’ordre public. D’un point de vue économique, ce n’est pas rentable. C’est surtout une question d’image. »

« On favorise l’audiovisuel sur des sports qui sont à la fois spectaculaires, qui peuvent ramener de l’audience et avec qui nous avons des chances de remporter des médailles. »

Claire Blandin (professeure des universités en sciences de l’Information et de la communication à l’université Sorbonne Paris Nord) : « Les pratiques sportives accompagnent les supports médiatiques. L’attrait pour le spectacle sportif a souvent suscité l’appétit du direct. »

 

À retenir

La perte de confiance en vue des futurs Jeux de Paris est importante. Depuis une dizaine d’années, l’olympisme vit une crise profonde. 

L’arrivée de la télévision est venue bouleverser l’audience et l’importance que l’on accorde aujourd’hui à cet événement sportif. En revanche, peu de chercheurs se sont intéressés au lien entre sports et médias. Nous pouvons relever le faible nombre de publications sur le sujet. L’histoire du sport en France ne débute qu’en 1980 alors qu’elle commence une vingtaine d’années avant aux États-Unis. Il y a longtemps eu un mépris pour l’histoire du sport et des médias, avec notamment une grande méfiance de la part des historiens.

Jules Rouiller (EPJT)

 

 

[EN PLATEAU] Arnaud Schwartz : « Se pose un problème de désirabilité des entreprises de presse »

Directeur de l’Institut de journalisme de Bordeaux-Aquitaine (IJBA), Arnaud Schwartz est également secrétaire général de la Conférence des écoles de journalisme (CEJ), qui regroupe les 14 cursus reconnus par la profession en France. Les étudiants et les jeunes diplômés souhaitent que « les entreprises de presse les reconnaissent à la hauteur de leur niveau de diplomation et des efforts qu’ils ont fait pour intégrer ces écoles reconnus ».

Réalisé par Zacharie Gaborit/EPJT.

[INTERVIEW] Christian Prudhomme : « Le Tour me rapproche des autres »

Photo : Corentin VALLET/EPJT

Avant de diriger le Tour de France, Christian Prudhomme, 63 ans, l’a d’abord suivi en tant que fan puis couvert comme journaliste. Vingt ans après avoir rendu sa carte de presse, il revient sur son amour pour cet événement, créé et popularisé par les médias.

Comme tous vos prédécesseurs, vous avez été journaliste avant de prendre la direction du Tour de France. Comment êtes-vous entré dans ce milieu?

Christian Prudhomme. Tout est lié au Tour. Quand j’étais petit, avec mon père et mon frère, on suivait les étapes à la radio. Contrairement à aujourd’hui, seuls les quinze derniers kilomètres étaient retransmis à la télévision. En fait, je suis devenu journaliste pour raconter aux gens ce qu’ils ne voient pas. Même si j’ai voulu faire ce métier grâce à la Grande Boucle, au départ, je ne m’étais pas forcément dit que je serais dans le sport. Mais quand il fallait traiter ce genre de sujet, personne ne levait la main donc j’y suis allé. Pour ma première interview de cycliste, je dois interroger Jean-René Bernaudeau, qui venait d’abandonner sur le Tour. J’appelle l’hôpital et au bout du fil, une dame me dit : « Mais enfin monsieur, vous n’y pensez pas ? ». Et là j’entends une voix derrière : « Si si, je vais répondre. » (rires)

Entre 2001 et 2003, vous commentez le Tour sur France 2. À quoi devez-vous cette ascension ?

C. P. La Cinq m’a offert mon premier CDI. Elle récupère les droits des championnats du monde de cyclisme en 1989 et me demande de les couvrir. C’est la première fois qu’une épreuve cycliste est retransmise en intégralité à la télévision. Ensuite, je commente le Tour de France pour Europe 1 en 1995 et 1996. À mon arrivée sur le service public, Charles Biétry me confie la présentation de Stade 2 et le commentaire du Tour, justement parce qu’il m’a entendu dix ans plus tôt sur La Cinq. 

Rapidement, Jean-Marie Leblanc, qui occupait vos fonctions à l’époque, vous propose de le rejoindre. Comment a-t-il réussi à vous convaincre ?

C. P. Il me contacte en deux fois. La première, c’est en 2001 au Grand Prix de Denain. Il me prend par la manche dans la salle de presse et me dit: « J’aurais bien aimé que ce soit toi après moi, mais on a pris quelqu’un de très bien alors ce ne sera pas toi. » Deux ans plus tard, le 12 avril 2003, à la veille de Paris-Roubaix, il me demande de le remplacer. J’accepte immédiatement car ce truc avait mûri dans ma tête. Je n’ai pas oublié cette date, car le 12 avril 1992 correspond à la fin de La Cinq. Les 800 salariés de la chaîne, dont moi, sont alors jetés au chômage. Tu as une petite notoriété, t’es jeune, ça marche bien et puis d’un seul coup tu longes le mur du cimetière du Père-Lachaise pour aller pointer à l’ANPE [aujourd’hui France Travail, ndlr]. C’est inoubliable.

Vous vous retrouvez patron de la plus grande course cycliste au monde. Avez-vous eu peur de ne pas être à votre place ?

C. P. Bien sûr car le journalisme, c’est le métier de ma vie. C’est la seule chose que je sais faire. Mes amis s’inquiétaient pour moi. Mais comme l’a dit Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue à la tête d’un État africain [le Libéria, ndlr] : «Si vos rêves ne vous font pas peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands.» Heureusement, il y a eu une transition, qui était indispensable : pendant trois ans, je suis l’adjoint de Jean-Marie Leblanc dont je suis en réalité le successeur, l’héritier. Il me dit : « Va voir ce que tu ne pourras plus voir ensuite. » De plus, à mon arrivée, je connais tous les journalistes français qui sont sur le Tour, un certain nombre d’étrangers et surtout, ils savent que j’étais l’un d’eux peu de temps auparavant.

Vous êtes passé de l’autre côté de la barrière. Quelle(s) différence(s) y a-t-il entre commenter et organiser cet événement ?

C. P. Tu as beaucoup moins d’emmerdes. Quand j’étais simple amoureux du vélo ou journaliste, je savais tout ce qui se passait sur la course. Maintenant, dans la voiture, je regarde davantage le gamin qui lâche la main de son père au bord de la route que le champion qui va attaquer. L’aspect sécurité est capital. Je suis tout le temps sur les routes. J’ai cru que je travaillais beaucoup pendant dix-huit ans de journalisme, jusqu’à ce que je fasse autre chose (rires). Si ce n’est pas quelque chose qui est en toi, tu le fais peut-être un an, mais pas dix-huit. Le Tour me rapproche des autres mais m’éloigne des miens. 

 

Recueilli par Thomas LANGEARD et Corentin VALLET

[EN PLATEAU] Ariane Lavrilleux : « Les lanceurs d’alerte sont très peu protégés en France »

Ariane Lavrilleux est reporter et journaliste d’investigation indépendante. Elle a été perquisitionnée et mise en garde à vue, en septembre dernier, pour avoir enquêté sur des ventes d’armes de la France à l’Égypte. Mercredi 27 mars, aux Assises, elle déplore un manque criant de protection des journalistes et de leurs sources, les lanceurs d’alerte, en France.

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[EN PLATEAU] Emeline Odi : « On veut lutter contre le racisme banalisé dans le journalisme sportif »

Emeline Odi, journaliste sportif indépendante et membre de l’Association des journalistes anti-racistes et racisée (Ajar), anime une sensibilisation contre le racisme dans le journalisme sportif, à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques. Les journalistes ont un rôle à jouer pour ne pas véhiculer des biais racistes. Elle répond aux questions de Maël Prévost.

Réalisé par Maël Prévost/EPJT.

[EN PLATEAU] Ana Navaro Pedro : « Les élections européennes sont très importantes » au Portugal

Ana Navaro Pedro est correspondante pour les médias portugais à Paris, dont l’hebdomadaire Visão. Alors que se profilent les élections européennes, elle revient, mercredi 27 mars aux Assises, sur la perception qu’en ont les Portugais et la récente percée du parti d’extrême droite Chega dans le paysage politique portugais.

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[INTERVIEW] Nicolas Legendre : « Il y a une prise de conscience sur le monde paysan »

En 2023, Nicolas Legendre a remporté le Prix Albert-Londres pour son livre Silence dans les champs. Photo : Benjamin Géminel/Hans Lucas pour Prix Albert Londres

En 2023, Nicolas Legendre a publié Silence dans les champs (éd. Arthaud), une enquête de sept ans sur l’agro-alimentaire breton, ses dérives politiques et économiques. Il revient sur son travail et le traitement médiatique du monde paysan.

Qu’est-ce qui vous a mené à réaliser une enquête sur l’agroalimentaire breton ?

Nicolas Legendre. En 2015, j’étais pigiste pour Le Mensuel de Rennes et correspondant pour Le Monde en Bretagne et les questions agricoles et agroalimentaires sont devenues des sujets inévitables. J’accumule des témoignages que je prends de plein fouet car ils incarnent le mal-être paysan. Je vois aussi la force du narratif dominant et les éléments de langage répétés par des présidents du syndicat de la FNSEA ou des préfets. Selon eux, l’agroalimentaire sort la Bretagne de la misère. J’ai l’impression qu’ils répètent sans cesse les mêmes choses sans les questionner. En parallèle, j’étais pigiste pour Bretons en cuisine. J’écrivais des portraits de maraîchers et d’éleveurs avec des démarches ancrées dans leur territoire et qui sont dans le bio. Donc je vois aussi le contre-modèle avec ses difficultés économiques comme ses réussites.

Les sujets sur le monde paysan sont plutôt traités par la presse quotidienne régionale. Est-ce que cela a été difficile d’en parler dans Le Monde ?

N. L. Je pense que je suis arrivé au bon moment. Dans les années 2010, il y a une certaine prise de conscience citoyenne à la faveur des problématiques environnementales. Dans ce contexte, cela a été plus facile de leur proposer des papiers et au contraire, il y avait une demande. Le Monde a des journalistes spécialisés sur l’agriculture mais ils étaient basés à Paris. Ces dernières années, nous assistons à un regain pour ce sujet et les causes profondes du dysfonctionnement.

Récemment, les médias ont beaucoup parlé du ras-le-bol et de l’épuisement des agriculteurs suite aux manifestations. Estimez-vous que la couverture médiatique de leur situation représente fidèlement leur situation ?

N. L. Dans ce que j’ai pu voir, un certain nombre de chaînes d’information en continu ont un traitement médiatique assez partial. Dire « les agriculteurs » ne veut rien dire puisqu’il y a tellement de situations, de filières ou d’exploitations différentes. C’est un non-sens. J’entends aussi des éléments de langage répétés par des journalistes sans être questionnés. Comme l’idée que la France est en train de perdre sa souveraineté alimentaire. C’est éminemment questionnable. Après, j’ai lu d’excellents papiers de fond chez Libération, Mediapart, Basta !, Le Monde, France Télévisions ou sur TF1. C’était des analyses de datas ou des enquêtes interrogeant le modèle dominant.

Vous avez travaillé pendant sept ans sur votre enquête Silence dans les champs, récompensée par le prix Albert Londres 2023. Est-ce que vous allez y donner suite ?

N.L. J’ai encore beaucoup de choses à dire mais replonger dans une longue enquête, ça demande un équilibre entre le temps et l’argent. J’écris d’abord une postface pour la version poche de l’enquête. A côté de cela, je travaille sur des projets audiovisuels de documentaires, de fiction et de ciné-concerts qui sont toujours en lien avec ce sujet.

Propos recueillis par Lou Attard (EPJT)

[EN PLATEAU] Hugo Coignard sur les journalistes en formation : « Une génération qui n’accepte plus d’être épuisée »

Le mal-être étudiant est de plus en plus présent, notamment dans les cursus sélectifs de l’enseignement supérieur. Les étudiants en journalisme sont particulièrement concernés et la parole se libère chez ces futurs professionnels de l’info. Hugo Coignard, journaliste pigiste, s’est intéressé au fonctionnement de l’École de journalisme (EDJ) de Science Po.

Réalisé par Maël Prévost/EPJT.

[ENQUÊTE] Femmes journalistes de sport, et alors ?

Illustration : Lune ARMAND/EPJT

Trois ans après le documentaire choc de Marie Portolano, la situation des femmes journalistes de sport a-t-elle vraiment évolué? Pas si sûr… La course continue

« Le combat sera gagné quand il sera devenu inutile d’en faire un film ». C’est ainsi que Marie Portolano conclut son documentaire Je ne suis pas une salope, je suis journaliste (Canal+, 2021). Mais voilà que, trois ans plus tard, elle relance la machine et sort un livre, Je suis la femme du plateau. Un livre qu’elle décrit comme un objet qui reste dans le temps, qui ne pourra pas être effacé, parce que pour elle : « Dans le milieu du journalisme sportif, oui, il y a encore des choses à dire.» 

Si la parité est globalement respectée dans le journalisme, ce n’est pas le cas au sein des rédactions de sport. En 2022, une étude menée par la chercheuse Sandy Montanola démontrait que les rédactions sportives comptaient seulement 15 % de femmes. Un déséquilibre ressenti par celles qui sont présentes dans ces bureaux. Discrimination, harcèlement, décrédibilisation… Plusieurs journalistes sportives ont témoigné. 

 

 

Infographie : Lucas GAULT/EPJT

En 2021, l’association Femmes journalistes de sport (FJS) décide d’occuper le terrain face aux discriminations, au manque de reconnaissance et aux nombreuses injustices que subissent les femmes dans le milieu du journalisme sportif. « Le monde du sport a historiquement été fondé par et pour des hommes. Les femmes ont toujours dû se battre pour être des athlètes, pour pratiquer, pour diriger et pour arbitrer du sport. Il en va de même pour les femmes journalistes », déplore Mejdaline Mhiri, journaliste, co-présidente et membre fondatrice de FJS. Elle ajoute que « les jeunes se détournent du sport car elles se sentent moins compétentes face à leurs homologues masculins, qui font du foot depuis 15 ans et qui regardent tous la Ligue 1 ». La peur de ne pas être à sa place en tant que femme est un facteur d’auto-censure pour les femmes journalistes. « Le documentaire a eu le mérite de souligner des faits qui étaient problématiques dans les rédactions sportives, dont on n’a pas forcément connaissance quand on est un homme », reconnaît le directeur de la rédaction de L’Équipe, Lionel Dangoumau.

Un début de changement

Dans le film de Marie Portolano et Guillaume Priou, plusieurs générations de journalistes sont présentées. Frédérique Galametz est l’une de ces défricheuses du journalisme sportif féminin. Première femme rédactrice en chef à L’Équipe, elle décrit une avancée depuis la sortie du documentaire: « Il a fait ouvrir les yeux à certains qui ne les avaient pas encore ouverts et a amené à s’interroger sur des comportements. » En effet, une charte interne a été signée dans certaines rédactions, comme à L’Équipe ou à beIN, qui vise à mieux représenter les femmes dans les médias sportifs. Des référents « harcèlement sexuel » ont également été désignés. En parallèle, l’association FJS a mis en place un système de marrainage entre journalistes expérimentées et débutantes. Margot Dumont, journaliste à beIN Sports, souligne son rôle crucial : « Maintenant, l’association FJS est là pour nous soutenir. Donc, si on perd un emploi parce qu’on a osé parler, ne vous inquiétez pas, elles sont 170 derrières à monter au créneau pour nous ! »

Mais la vraie victoire, c’est la libération de la parole dans les équipes, avec une nouvelle génération de journalistes qui débarque au sein des rédactions. Charlotte Namura, ex-journaliste chez TF1, qui a participé au documentaire, constate un nouveau souffle à Téléfoot : « Au sein de la rédaction, il y a eu un vrai roulement. Pour avoir parlé avec d’anciens collègues, ils m’ont dit qu’il y avait plus de femmes aujourd’hui. Ça s’est aussi rajeuni, on trouve des journalistes plus à même d’être à l’écoute. » De plus en plus de femmes dans les rédactions donc, c’est ce que confirme Lionel Dangoumau: « Je pense que c’est quand même plus facile d’être une femme chez nous, aujourd’hui, qu’il y a 20 ans. Parce qu’elles sont déjà plus nombreuses dans la rédaction. » Il estime à un peu moins de 20 % l’effectif de femmes dans son entreprise. Encore trop peu, malgré tout, pour cet ancien chef du service football, qui aimerait mettre des choses en place dans le recrutement.

Effort collectif

À L’Équipe, deux des dix postes de rédacteurs en chef sont occupés par des femmes. Lionel Dangoumau explique cette proportion par le poids de l’histoire : « L’Équipe est historiquement une rédaction assez masculine.» Une raison qui ne convainc pas Mejdaline Mhiri, qui pense que « les rédacteurs en chef se servent du manque de candidatures féminines comme excuse pour garder des équipes très majoritairement masculines ». Elle souffle, puis poursuit : « Les rédactions sont tellement disproportionnées qu’il faudrait que l’embauche des femmes devienne un critère lors du recrutement.» 

Aujourd’hui , l’écart subsiste, mais se resserre. Toutes les journalistes se rejoignent : cela ne doit plus être un sujet. Charlotte Namura est optimiste : « J’espère pour la génération suivante de femmes journalistes sportives qu’elles n’auront plus à se poser la question de leur place. Qu’elles puissent arriver sereinement le matin au travail.» Un objectif plutôt simple, a priori, où la question du genre ne rentre plus en jeu : « Moi, je ne veux pas prendre une place, je veux juste que tu te pousses un peu du canapé. Parce que je suis assise sur l’accoudoir, en fait. Ce n’est pas normal. Le canapé, il est à partager. Donc, tout le monde doit faire un effort.»

 

Clara DEMAJEAN, Lucas GAULT et Emma SIKLI/EPJT

[RÉSUMÉ] L’Agora des Etats généraux de l’Information (2e partie)

Retrouvez l’essentiel de l’événement « L’Agora des Etats généraux de l’Information (2e partie) »

Pascal Ruffenach, Romain Colas, Sébastien Soriano. Photo : Julien Grohar/EPJT

Avec Pascal RUFFENACH, président du directoire du groupe Bayard, Sébastien SORIANO, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et de nombreuses associations et syndicats représentants les journalistes.

Animé par Romain Colas, journaliste à La Correspondance de la Presse.

 

 

Les enjeux

L’intelligence artificielle (IA) a fait de tels progrès ces dernières années qu’il peut être compliqué de dissocier le travail réalisé par des êtres humains de celui fait par les IA. Cette situation interroge le travail des journalistes et leur avenir. Entre fakenews, complotisme et GAFAM, la place du journaliste est remise en cause. Dans le même temps, l’éducation aux médias et à l’information semble de plus en plus nécessaire (EMI).

 

Ce qu’ils ont dit

Sébastien Soriano (Président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) : « 69 % des contenus climatosceptiques sur Facebook viennent de 10 comptes. Pourquoi ce sont ces contenus qui sont mis en avant sur les réseaux ? »

« Il faut promouvoir des bons algorithmes qui vont faire des choix. C’est de cette manière que l’on va tirer le secteur vers le bon sens. »

« Aujourd’hui la voix qui est suivie au niveau des grandes plateformes pour réguler les réseaux, c’est une règle européenne. Ce qui se pose, c’est la question du dialogue entre les instituions de l’UE et les institutions nationales. »

Pascal Ruffenach (Président du directoire du groupe Bayard) : « Pour ne pas avoir à faire de modération, certaines plateformes se retirent pour se consacrer au divertissement. On prive le citoyen d’une source d’information à force de trop complexifier. »

« La difficulté pour des abonnés jeunesse, recevoir 12 éditions par an, c’est un peu ringard. On a un vrai souci pour intéresser les citoyens, seulement 11% des français sont abonnés. C’est beaucoup moins que dans les pays du Nord. Il faut valoriser les patrimoines. »

Marc Epstein (Président de La Chance) : « Sur l’éducation aux médias, il faut changer d’échelle. À la Chance, on s’est rendu compte qu’il fallait intervenir dès la maternelle. Il y a encore des zones blanches pour l’éducation aux médias. »

 

 retenir

La banalisation des réseaux sociaux comme moyen de partager l’information modifie la place des médias, de la presse et le rôle des journalistes. L’Intelligence artificielle redéfinit le journalisme dans le rôle de partage de l’information. Ce n’est plus l’homme qui propage l’information mais des algorithmes qui mettent en avant des informations derrières lesquelles les journalistes s’effacent. La modération devient plus importante quand ces contenus diffusés à un public toujours plus large ne sont plus contrôlés par l’homme. Lorsque 69 % des contenus climatosceptiques sur Facebook viennent de 10 comptes, il faut questionner la raison pour laquelle ces contenus sont mis en avant.

Face aux fausses informations, lutter contre la désinformation devient nécessaire. Dès le plus jeune âge, pourquoi pas « dès la maternelle et dans toutes les zones géographique avec l’éducation aux médias et à l’information (EMI) » estime Marc Epstein, Président de La Chance. C’est toute l’éducation citoyenne à l’information et aux médias qui doit être repensés avec le numérique, les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle.

 

Lucas Gault (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Le commentaire de sport, un journalisme de l’émotion

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le commentaire de sport, un journalisme de l’émotion »

Gabriel Richalot, Alexandre Pasteur, Olivier Collet, Maureen Lehoux. Photo : Julien GROHAR/EPJT

Avec Maureen LEHOUX, commentatrice sur RMC Sport, Alexandre PASTEUR, commentateur sur France Télévisions, et Gabriel RICHALOT, chef du service des sports au journal Le Monde.

Animé par Olivier COLLET, journaliste à Chérie FM Val de Loire.

Les enjeux

Le commentaire de sport est une discipline journalistique à part. Les journalistes commentateurs ont parfois autant d’importance pour les lecteurs, téléspectateurs ou auditeurs que l’événement sportifs lui-même. L’occasion de réfléchir sur l’importance croissante des réseaux sociaux, la place des femmes dans un milieu très masculin ou encore sur la frontière ténue entre le rôle de journaliste et celui de supporteurs.

Ce qu’ils ont dit

Maureen Lehoux (commentatrice sur RMC) : « Il y a quelque chose de très théâtral dans le sport lui-même et on s’appuie sur ça dans notre commentaire. On peut s’enflammer si la situation le permet, notamment pour des athlètes français. Il faut cependant éviter de donner son avis. »

« Quand on est une femme, on a un devoir d’exemplarité. Une non-réponse ou une imprécision peut être pointée du doigt comme une incompétence. » Elle est la première femme à commenter un match de foot en direct sur RMC : « L’excuse de la voix n’est pas une vraie explication pour justifier le manque de femmes aux commentaires. Il y avait aussi peut-être des patrons de presse qui ne voulaient pas. Encore aujourd’hui, il y a peu de femmes. »

« Attention à la mode de mettre des femmes aux commentaires de sports identifiés comme plus féminins. Il faut se préoccuper de la moindre représentation des femmes mais surtout de ce qu’elles font à l’antenne. »

« Commenter, c’est avant tout informer. Il faut donc trouver le juste milieu entre l’information et la légèreté de ton. »

« Pour trouver son style, il faut avant tout être vrai, être soi. Il faut commenter avec son vécu et son histoire. »

Alexandre Pasteur (commentateur sur France Télévisions) : « À mes débuts en 1995, aucune femme ne commentait du sport à la télévision ou à la radio. Heureusement les choses évoluent, les barrières tombent. Des femmes vont commenter des épreuves pour les JO de Paris sur France Télévisions. »

« Avant tout : neutralité et objectivité. Depuis mes débuts, je me suis toujours astreint à ne m’enflammer que pour la performance plus que pour le sportif. »

« Je pars du principe que les erreurs, il faut les assumer. Quand on fait une erreur à l’antenne, on le sait très vite avec Twitter, Messenger… j’en passe et des meilleurs. Tant que l’interaction est cordiale, je le reconnais mon erreur et je cite la personne qui m’a remis dans le droit chemin. »

« On est là pour décrire, informer, décrypter et anticiper. Il faut avoir réponse à tout en connaissant tout sur le sport : son histoire, ses champions, etc. À l’antenne, même si on veut surtout être surpris. Le sport est un spectacle et on le vend comme tel. »

La proximité qu’il peut y avoir avec les athlètes influence-t-elle le commentaire ? « Je ne suis pas là pour être pote avec les coureurs. Même si j’adore Pogačar en tant qu’athlète, je suis avant tout journaliste de sport et commentateur. »

Gabriel Richarlot (chef du service des sports pour Le Monde) : « La spécificité du Monde n’est pas l’expertise, L’Équipe le fait très bien. On a surtout développé une plateforme sur laquelle nos lecteurs peuvent échanger avec nous. 90 % des gens qui viennent sur les lives du Monde viennent pour le ton décalé. »

« Pour pallier au manque d’images, nous partageons les vidéos relayées par les diffuseurs notamment. Nous nous reposons aussi sur le travail photo des agences de presse. Nous utilisons aussi des GIFs. » 

« Certains moments nécessitent un vrai décryptage journalistique avec de l’analyse et des informations. Quand il s’agit de partager l’émotion du sport, je ne vois pas d’objection à se laisser aller. Il y a un petit côté théâtre et stand-up dans le commentaire de sport. »

« Nous avons énormément de lectrices de sports qui échangent avec nous. Dans leurs réactions, elles nous éloignent des clichés « beaufs » parfois relayés autour du sport. »

« Même si les outils de l’intelligence artificielle sont utilisés pour traiter les données statistiques, il ne faut pas compter dessus pour l’émotion. »

À retenir

Le commentaire de sport est avant tout un exercice journalistique dont la mission est de transmettre des informations. Cependant, la théâtralité et les moments hors du temps que le sport offre sont propices aux envolées lyriques. Un seul mot d’ordre : s’enflammer tout en restant mesuré et en gardant à l’esprit l’importance de l’impartialité. En presse écrite, à la radio ou à la télévision, il faut se mettre au service des publics.

Cette discipline journalistique n’est cependant pas exempte de problème. La place des femmes dans le commentaire de sport reste une question centrale. Dans un milieu encore trop masculin tant côté journalistes que côté public, les femmes s’imposent doucement. Les mentalités évoluent et des changements profonds ont lieu. Plusieurs femmes commenteront des épreuves majeures de JO de Paris pour France Télévisions.

Théo Lheure (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] JO de Paris 2024 : des dispositifs médiatiques exceptionnels

Retrouvez l’essentiel de l’événement « J.O de Paris 2024 : des dispositifs médiatiques exceptionnels »

Luc Bourrianne, Pierre Galy, Géraldine Pons et Jean-Philippe Leclaire. Photo : Julien Grohar/EPJT

Avec Pierre GALY, chef du département des sports de l’AFP; Jean-Philippe LECLAIRE, directeur adjoint de la rédaction de l‘Équipe, Géraldine PONS, directrice des sports d’Eurosport France, Hélène Lecomte, rédactrice en chef du service sport de Francetélévisions et Luc Bourrianne, rédacteur en chef de La Nouvelle République

Animé par Antoine DENÉCHÈRE, rédacteur en chef adjoint de France 3 Centre-Val de Loire. 

 

Les enjeux

Comment couvrir un événement mondial et qui va faire de Paris le centre du monde ? Pour nombre de médias, il s’agit d’un moment clé, aussi bien sur le plan éditorial qu’économique. 

Ce qu’ils ont dit

 
Jean-Philippe Leclaire (directeur adjoint de l’Équipe) :
 
« Nous tiendrons un cahier quotidien des résultats de 12 pages pendant les JO. »
 
Géraldine Pons (directrice des sports d’Eurosport) :
 
« Nous serons 100% exhaustif pendant les JO et nous en diffuserons l’intégralité. »
 
« Nous aurons plus de 800 collaborateurs pendant les JO, nous travaillerons avec des journalistes de CNN. »
 
« Il y a du JO bashing avant tous les JO mais les habitants finissent toujours par être contents de faire la fête. »
 
« Warner est détenteur des droits et accréditations des jeux Olympiques et les distribue »
 
Hélène Lecomte (rédactrice en chef du service sport de France Télévisions) :
 
« Nous allons utiliser France 2, France 3 et une chaîne web pour diffuser en continu les JO. »
 
« L’idée est de proposer au public le maximum d’événements des JO paralympiques. Nous aurons une chaîne dédiée. »
 
Luc Bourrianne, (rédacteur en chef de La Nouvelle République) :
 
« Nous ferons un cahier sur les JO de 8 pages par jour et nous commenterons les événements sportifs en live écrit. »
 
« Il y a effectivement l’envie dans les rédactions de participer à cet événement du siècle. »

À retenir

Dans chaque rédaction, des dispositifs exceptionnels ont été mis en place. En fonction du nombre d’accréditations, de journalistes et des partenariats possibles, les différents médias pourront plus ou moins suivre les Jeux Olympiques de Paris 2024. Eurosport couvrira les JO de manière exhaustive, France télévisions consacrera ses chaines aux jeux Olympiques, avec sur France 2 les épreuves courtes, sur France 3 les épreuves longues, et sur la chaine Web les nouvelles disciplines. Les journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures seront délocalisés dans un studio installé sur le toit du musée de l’Homme au Trocadéro. Les rédactions se préparent à couvrir les jeux Olympiques et les journalistes se privent volontiers de vacances, et parfois même de jour de repos. En effet, certains médias demandent des dérogations pour que les journalistes puissent enchainer le suivi des jeux durant les deux semaines

 

Juliette HUVET (EPJT)

 

 

À retenir

Dans chaque rédaction, des dispositifs exceptionnels ont été mis en place. En fonction du nombre d’accréditations, de journalistes et des partenariats possibles, les différents médias pourront plus ou moins suivre les Jeux Olympiques de Paris 2024. Eurosport couvrira les JO de manière exhaustive, France télévisions consacrera ses chaines aux jeux Olympiques, avec sur France 2 les épreuves courtes, sur France 3 les épreuves longues, et sur la chaine Web les nouvelles disciplines. Les journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures seront délocalisés dans un studio installé sur le toit du musée de l’Homme au Trocadéro. Les rédactions se préparent à couvrir les jeux Olympiques et les journalistes se privent volontiers de vacances, et parfois même de jour de repos. En effet, certains médias demandent des dérogations pour que les journalistes puissent enchainer le suivi des jeux durant les deux semaines

 

Juliette HUVET (EPJT)

 

 

[INTERVIEW] Charlotte Clavreul, sur l’indépendance de la presse : « Il y a eu une prise de conscience »

Charlotte Clavreul, directrice exécutive des Fonds pour la presse libre. Photo libre de droit.

Le Fonds pour une presse libre est la première structure en France à avoir été reconnu mission d’intérêt public pour la protection de l’indépendance du journalisme. Charlotte Clavreul est la directrice exécutive.

Pourquoi le Fonds pour une presse libre a-t-il été créé ?

Charlotte Clavreul. Le Fonds pour une presse libre (FPL) a été créé fin 2019 à l’initiative des cofondateurs de Mediapart avec deux objectifs. Le premier, monter cette structure pour rendre indépendant leur capital. La structure juridique s’inspire du Guardian. Le FPL contrôle le capital de Mediapart via une holding, c’est-à-dire une société pour la protection de l’indépendance du journal. Nous sommes propriétaires de ce capital. Il n’est ni cessible, ni spéculatif. Le second objectif est de protéger le pluralisme de la presse et l’indépendance de l’information.

Comment le Fonds pour une presse libre agit-il pour l’indépendance de la presse ?

CC. Nous accordons des aides financières aux médias indépendants qui candidatent à nos appels à projets. Nous en publions un par an. Ces propositions peuvent impliquer une innovation éditoriale ou des développements techniques. Cela peut être une création de podcasts, la réalisation d’enquêtes longues ou l’amélioration d’une newsletter.

De manière plus précise, comment accordez-vous des aides financières ?

CC. Nous pouvons accorder des aides financières de deux manières différentes. D’abord, sous la forme de subventions qui tournent en général autour de 15 000 euros ou par le biais d’avances remboursables qui débloquent des sommes plus importantes. Dans ces cas-là, cela peut aller jusqu’à 45 000 à 50 000 euros. Nous avons mis en place ce dispositif car les médias n’ont très peu voire pas du tout accès aux établissements bancaires. Quand ils obtiennent des prêts, ce sont à des taux assez élevés. C’est pourquoi nous faisons des avances de trésorerie sans taux d’intérêt. Mais l’organisme n’apporte pas seulement une aide financière, il sensibilise aussi les grands publics. C’est dans cette démarche que sont inscrits les États Généraux de la presse indépendante.

Était-ce une volonté d’inscrire les États généraux de la presse indépendante en même temps que les États généraux de l’information lancés par l’Élysée ?

CC. Oui, Emmanuel Macron a lancé les États généraux de l’information (EGI) le 3 octobre 2023, mais la méthode utilisée n’était pas la bonne. Il n’aurait pas dû lancer ces EGI sans consulter au préalable les journalistes et les syndicats de la profession. Il n’y a pas de transparence sur cette démarche. Les rapporteurs des groupes ont été nommés de façon opaque. Nous avons organisé ces États généraux de la presse indépendante pour montrer que des réformes sont en cours d’élaboration depuis des années. Certaines sont vieilles de trente ans. Il y a une exaspération des journalistes sur les conditions de travail et la mainmise des médias.

Vous avez été auditionnés par les différents groupes qui composent les États généraux de l’information. Est-ce que cela peut influencer leurs conclusions ?

CC. Même si nous avons été auditionnés par le groupe 2 intitulé « citoyenneté, information et démocratie », le 3 sur “l’avenir des médias d’information et du journalisme » et le 5″ spécialisé sur l’État et la régulation », nous ne croyons pas trop aux EGI. Nous voulons qu’une vraie loi sur la presse soit mise en place. C’est une demande commune. La preuve, nous avons réussi à réunir 100 signataires dont des médias indépendants, des organisations syndicales et des associations de défense des droits pour écrire 59 propositions. Ensuite, nous nous sommes mis d’accord sur 16 recommandations à défendre devant les parlementaires. Récemment, nous avons été auditionnés à l’Assemblée Nationale par Violette Spillebout. Nous avons été agréablement surpris du rapport parlementaire sur la Loi Bloche, car des propositions des États généraux de la presse indépendante ont été reprises, comme l’existence juridique des rédactions. Pourtant, rien ne bougeait il y a encore un an, voire six mois à peine. Il y a eu une prise de conscience avec les États généraux de la presse indépendante.

Les prochains États généraux de la presse indépendante se tiendront à Lille le 3 avril prochain. Avez-vous remarqué une différence avec ceux organisés à Paris ?

CC. Oui, contrairement à ceux organisés à Paris, nous avons des échanges avec le public pour préparer l’événement. À Marseille, des rapporteurs sont allés sur la Cannebière pour interroger les habitants de la ville sur leurs ressentis vis-à-vis des médias. Pour certains, ce qui ressort, en plus de la défiance envers les médias, c’est d’être noyé sous l’information. L’indépendance des médias était aussi un sujet d’inquiétude.

Recueilli par Inès FIGUIGUI et Noé GUIBERT

 

 

[RÉSUMÉ] Sensibilisation antiraciste à la couverture des sports dans les JO

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Sensibilisation antiraciste à la couverture des sports dans les JO »

Émeline ODI et Gnamé DIARRA. Photo : Julien GROHAR/EPJT

Avec Émeline ODI, journaliste de sport, pigiste et membre de l’association des Femmes journalistes de sport (FSJ) et Gnamé DIARRA, étudiante en M2 Journalisme à l’Université de Cergy, alternante chez Society, et journaliste de sport en devenir.

 

 

Les enjeux

Cet atelier vise à former les journalistes à une couverture antiraciste des jeux Olympiques de Paris 2024. A travers des extraits et des explications, l’AJAR (Association des journalistes antiracistes et racisé.e.s) propose des outils de sensibilisation pour améliorer la conscience des biais racistes.

Ce qu’ils ont dit

Émeline ODI (journaliste de sport, pigiste et également membre de l’association des femmes Journalistes de Sport (FSJ) :

« En moyenne, les athlètes sud-coréens font 1 mètre 80 et certains les ramènent à des stéréotypes tels que tous les Asiatiques sont petits. »

« Il ne faut pas banaliser ce genre de commentaires dans les rédactions. Il faut réagir. » 

Gnamé DIARRA (étudiante en M2 Journalisme à l’Université de Cergy, alternante chez Society, et journaliste de sport en devenir) :

« La première étape est de ne pas nier que des biais racistes sont présents dans le sport. »

« Il faut stopper d’animaliser les athlètes noirs. »

« Il ne faut pas se laisser avoir par les discours dans le journalisme qui prônent la neutralité. Le racisme, ce n’est pas une opinion, c’est un délit. »

« En tant que journaliste, on a une responsabilité. On ne doit pas laisser passer ce genre de choses et encore moins à la télé. » 

À retenir

Une partie de l’intervention portait sur des exemples de biais ou de clichés racistes et faisait remonter des commentaires problématiques qui ont eu lieu dans le sport. Les intervenantes ont souligné l’importance de ne pas véhiculer des stéréotypes. Un point crucial abordé était la nécessité de lutter contre l’animalisation dans le domaine du sport des athlètes noirs. Le symbolisme des bananes a été discuté dans le contexte des incidents racistes survenant sur les terrains.

L’importance de l’histoire coloniale dans la compréhension des enjeux actuels a été mise en avant lors des échanges. Il a été souligné que des commentaires « misogynoirs » (discriminations racistes et sexistes subies par les femmes noires, Ndlr) ne devraient pas être tolérés et que les journalistes ont une responsabilité à cet égard. Les intervenantes ont insisté sur l’importance de réagir et de reprendre les personnes concernées lors des débordements racistes. Des cas de discrimination et de stigmatisation ont été relevés, mettant en lumière la nécessité d’une plus grande sensibilisation. Des références culturelles inappropriées ont été diffusées et les intervenantes ont parlé du racisme anti-asiatique qui est encore bien présent.

Juliette Huvet-Dudouit (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] L’Agora des États généraux de l’Information (1re partie)

Retrouvez l’essentiel de l’événement « L’Agora des États généraux de l’Information (1re partie) »

Christopher Baldelli, Marc Epstein. Photo : Julien Grohar/EPJT 

Avec Pascal RUFFENACH, président du directoire du groupe Bayard, Christopher BALDELLI, président de la chaîne Public Sénat et de nombreuses associations et syndicats de défense des journalistes.

Animé par Catherine BOULLAY, journaliste à La Lettre

 

Les enjeux

Indépendance des médias et des rédactions, modèle économique, liberté d’expression et secret des sources… La crise économique que vivent les médias français place les titres et les journalistes en grande difficulté. Quels dangers et quelles pistes pour garantir une presse indépendante au service des citoyens ?

 

Ce qu’ils ont dit

Christopher Baldelli (Président de la chaîne Public Sénat) : « En ce qui concerne la ligne éditoriale d’un média, selon moi, l’actionnaire peut avoir son mot à dire. »

« Dans la presse écrite, tout relève essentiellement du privé. La presse quotidienne régionale survit grâce aux aides à la presse. Si vous les retirez sur tous les titres détenus par des milliardaires, vous aurez des effets sur ces médias et les journalistes qui y travaillent. »

« Il y a une différence entre l’audiovisuel et la presse écrite. L’Arcom est compétente pour l’audiovisuel. Il n’y a pas de même autorité prévue par la loi pour la presse écrite. »

Pascal Ruffenach (président du directoire du groupe Bayard) : « Est-ce que les citoyens sont bien informés, suffisamment informés aujourd’hui ? C’est le rôle des États généraux de l’information de s’interroger là-dessus. »

« L’objectif c’est de maintenir la pluralité en France. Il y a un lien direct entre qualité de l’information et la démocratie. En revanche, il n’y a pas de lien entre pluralisme et actionnaire. La taille de l’entreprise n’a pas d’importance. »

« Investisseur, concentration, pluralisme… Ce sont trois sujets, il ne faut pas les mélanger. Il n’y a pas de mal à investir. »

Ariane Lavrilleux (Journaliste d’investigation indépendante) : « La France se dit amie de la liberté de la presse. Mais dans les faits, elle a demandé à ce que la loi « Media Freedom Act » soit la plus restrictive possible et permette la surveillance des journalistes. »

Emmanuel Vire (représentant du SNJ-CGT) : « Les citoyens estiment que les journalistes ne sont plus compétents. Les journalistes, eux, sont dégoûtés. Les jeunes journalistes quittent le métier seulement après sept ans. »

À retenir

Les médias ont toujours plus de difficultés économiques, en particulier la presse écrite, papier ou numérique. Dans ces conditions, la présence d’acteurs privés, qui peuvent être peu scrupuleux vis-à-vis des titres qu’ils achètent, posent de nombreuses questions. Face à certains actionnaires, journalistes et associations se battent pour garder leur indépendance, à l’image de la récente polémique autour du titre La Provence.

C’est l’objectif des États généraux du journalisme de mettre fin au malaise qui semble s’installer au sein de la profession et à la méfiance des citoyens. Les jeunes journalistes qui entrent dans la profession n’y restent que 7 ans en moyenne, une situation intenable dénoncée par le Syndicat national des journalistes (SNJ). L’information n’est pas un produit capitaliste comme les autres, selon le point de vue défendu lors de cet Agora des États généraux de l’information. « Comment réussir à réformer les aides à la presse sans faire fuir les investisseur tout en renforçant la pluralité ? » se questionne Christopher Baldelli, président de la chaîne Public Sénat. 

 

Lucas Gault (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Comment former au journalisme sportif des jeunes peu représentés dans les médias ?

Retrouvez l’essentiel de l’atelier-débat « Comment former au journalisme sportif des jeunes peu représenté.e.s dans les médias ? »

Samba Doucouré, journaliste, coordinateur de la formation. Photo : Julien Grohar /EPJT

Avec Tatiana KALOUGUINE, directrice pédagogique de l’École des métiers de l’information (ÉMI) ; Samba DOUCOURÉ, journaliste, coordinateur de la formation et Magda SASSI, diplômée de la formation « Devenir reporter sportif sur les réseaux sociaux »

Animé par Tatiana KALOUGUINE, directrice pédagogique à l’EMI-CFD.

Les enjeux

Le métier de journaliste manque de représentativité. Des formations comme l’ÉMI-CFD essayent de pallier ce besoin.

 

Ce qu’ils ont dit

Tatiana KALOUGUINE, directrice pédagogique de l’École des métiers de l’information (ÉMI) : « C’était la première fois que nous accueillons des jeunes. Il n’y a eu aucun examen ou concours, seulement des entretiens. C’était pour nous un pari un peu risqué mais nous étions satisfaits de la réponse qui était la leur. »

« Des rédacteurs en chef nous ont tout de suite dit oui pour des stages. Ils ont conscience de manque de représentativité de la profession. »

Samba DOUCOURÉ, journaliste, coordinateur de la formation : « C’était un public assez particulier et différent des étudiants en école de journalisme. Ils n’avaient pas le même parcours. Certains ne sont pas allés au niveau du bac. Il fallait un accompagnement personnalisé. Pas mal d’entre eux avait un rapport difficile avec l’école. On a dû réadapter les horaires pour que cela soit plus facile d’accès. Nous avons aussi travaillé sur la légitimité et le fait de s’exprimer en public. »

« Certains tentent les concours d’écoles de journalisme. Un de nos élèves a été admissible à l’EDJ Sciences Po. »

Magda SASSI, diplômée de la formation « Devenir reporter sportif sur les réseaux sociaux » : « Pour la question de l’avenir, le fait que l’on me donne la possibilité d’en imaginer un plus brillant, c’est déjà un cadeau de l’école. »

À retenir

Plusieurs formations qualifiantes sont proposées par l’ÉMI, notamment celle de journaliste plurimédia qui permet de maîtriser à la fois la photo, la vidéo, le son, le montage et les réseaux sociaux. L’objectif à la fin du cursus est de savoir travailler dans une rédaction numérique et d’être capable de créer son propre média. Il y a aussi le diplôme de journaliste secrétariat de rédaction multimédia pour apprendre à « Affiner, vérifier, corriger et mettre en scène l’information ». 

Inès Figuigui (EPJT)

 

 

[ENQUÊTE] Ces médias citoyens veulent porter la voix des quartiers populaires

L’Association intergénérationnelle de La Rabière est une radio locale de Joué-lès-Tours qui se veut collaborative. Nezrina Prelic, Sylvie Aliti, Karim Arbia et Bertino Pinas sont au micro. Photo : Julien Grohar/EPJT

Dans les médias, les quartiers populaires sont régulièrement racontés sous l’angle du fait divers. A Tours, des médias citoyens tentent de porter la voix des quartiers.

Depuis l’arrêt de tram Jean-Jaurès, au cœur de Tours (Indre-et-Loire), cinq minutes de transport suffisent pour arriver au Sanitas. Rien de plus simple, mais il semblerait que les journalistes trouvent difficilement leur chemin jusqu’à ce quartier populaire du centre-ville. Ingrid Chemin, employée au centre social Pluriel(le)s, le déplore. En juin 2023, lorsque les premières révoltes urbaines gagnent Tours, après la mort de Nahel Merzouk, son lieu de travail menace d’être incendié. Elle s’apprête à partir lorsque des journalistes de La Nouvelle République (NR) débarquent pour couvrir l’événement. Lorsque le calme revient, aucun reporter ne songe à l’interroger. Elle regrette que le journal ne vienne « que quand ça crame ». Excepté les faits divers, « il peut se passer des semaines sans que l’on entende parler du Sanitas ».

De l’autre côté du Cher, Burhan Aliti fait un constat similaire. Président de l’Association Intergénérationnelle de la Rabière, il a été marqué par le traitement médiatique d’un fait divers qui a touché son quartier de Joué-lès-Tours en 2014. Un jeune homme qu’il connaissait a été tué par des policiers après les avoir attaqués au couteau. BFMTV avait diffusé des témoignages de personnes se présentant comme amies du défunt. Sur la seule vidéo trouvée sur la chaîne YouTube de la rédaction, le visage du témoin est dissimulé et sa voix modifiée, mais Burhan Aliti est catégorique : « Ce n’était pas ici, ce n’est pas notre quartier, ce n’est pas dans Joué-lès-Tours. » Pour parler de juin 2023, il ne révoque par le terme d’émeutes car « ce qu’il s’est passé, c’est de l’auto-destruction […] c’est une émotion ». Il déplore en revanche que les médias ne se soient pas davantage penchés sur la dimension sociale de l’événement, rapportant essentiellement les scènes de violences et les classant dans la rubrique faits divers. « C’est comme si vous aviez quelqu’un dans votre salon qui était en train de se tailler les veines et que vous détourniez le regard », illustre-t-il.

À La Rabière, les habitants ont rebaptisé le quotidien régional « La Nouvelle répugnante » et détournent globalement leurs regards des colonnes du journal. Le manque de points de distributions de la presse papier dans les quartiers populaires et le coût du journal à l’unité (1,50 €) ou à l’abonnement (40,70 € par mois pour le print et le web) s’ajoutent à une confiance en déclin. Les quartiers populaires de la métropole tourangelle ne sont pas censés passer sous les radars de ce journal. Alexandre Métivier, journaliste pour les pages de Joué-lès-Tours de la NR, se défend : « Ceux qui pensent que la NR vient uniquement lorsque les voitures brûlent sont ceux qui ne lisent pas le journal. » Le reporter reconnaît toutefois ne « pas avoir accès à tous les interlocuteurs » lorsqu’il se rend sur le terrain, car « beaucoup de personnes ne souhaitent pas répondre aux journalistes. »

Des représentations négatives

Pour Sarah Rétif, sociologue à l’université de Tours spécialiste de l’engagement des femmes dans les quartiers populaires, « les médias classiques entretiennent des représentations négatives, stéréotypées autour de l’idée d’anomie, de dangerosité, de délinquance ou même de montée du communautarisme et de l’islamisme ». Sanitas comme La Rabière sont classés quartiers prioritaires de la métropole de Tours. Ils abritent une forte densité de population aux revenus proches du seuil de pauvreté. La spécialiste précise que la stigmatisation des quartiers populaires est aujourd’hui « contestée par les travaux sociologiques qui montrent justement l’épaisseur sociale et historique de ces quartiers ». Pour inverser la tendance, améliorer l’image de leurs quartiers et se réapproprier l’espace de parole, des habitants prennent part à des initiatives de médias participatifs. Pepiang Toufdy, le fondateur du média citoyen Wanted TV, a mis un point d’honneur à installer son nouveau projet dans un grand appartement du centre historique de Tours : « Je veux que les jeunes sortent des quartiers. »

Sa Fabrique d’images citoyenne va proposer des ateliers d’éducation aux médias (ÉMI). Il a envie d’aller plus loin, en aidant les jeunes à « mieux comprendre la fabrication médiatique. » Wanted TV est un média aux 17 000 followers sur Instagram, à la ligne éditoriale urbaine, qui comble ce que son créateur décrit comme un vide : « Les médias ne sont pas partout. Ils ne peuvent pas tout couvrir. Donc il fallait avoir un média de proximité. » Ce média diffuse aussi sur TV Tours des reportages réalisés tout au long de l’année par ces jeunes, accompagnés d’un journaliste reporter d’images.

Journal de quartier

De l’autre côté de la gare, autour de la place Neuve et des grands ensembles, Ingrid Chemin et d’autres travailleurs sociaux ont repris « le journal de quartier », le Sanitamtam, qui existe depuis 20 ans. L’objectif est de publier quatre numéros par an pour couvrir l’actualité du Sanitas différemment. Cependant, le manque de budget, les difficultés à trouver des contributeurs et des lecteurs rendent la cadence difficile à tenir. « Les médias citoyens restent fragiles car soumis à des subventions publiques aléatoires », explique la sociologue Sarah Rétif. Malgré le manque de moyens, la volonté du monde associatif de porter la parole des habitants a continué de s’amplifier depuis juin 2023. À La Rabière, Burhan Aliti envisage aussi de mener des projets avec Pepiang Toufdy et tente de faire vivre une webradio de quartier ouverte à tous. Entre médias citoyens, la solidarité prévaut sur la concurrence. « On a trop souvent parlé à notre place, dit-il. Il fallait être notre propre média. »

 

Camille AMARA, Susie BOUYER et Marie-Camille CHAUVET/EPJT

[INTERVIEW] Me Pierre-Eugène Burghardt : « La presse reste assez mal vue par le législateur »

Me Pierre-Eugene Burghardt constate que les procédures bâillons sont désormais quasiment systématiques. Photo : collection personnelle Me Burghardt

Me Pierre-Eugène Burghardt est élu au Conseil scientifique de l’association des avocats praticiens du droit de la presse. Il déplore le manque de protection juridique contre les procédures-bâillons.

Depuis une dizaine d’années, les poursuites judiciaires à l’encontre de journalistes se multiplient. On les nomme « procédures-bâillons ». Elles servent à faire taire ceux qui parlent et à dissuader ceux qui voudraient parler. Pour les journalistes et les médias visés, c’est une charge financière et mentale très lourde.

Pour intimider les journalistes visés, les procédures-bâillons multiplient souvent les poursuites, à la fois en droit pénal (diffamation…) et en droit civil (concurrence déloyale…). Comment la loi française les protège contre elles ?

Burghardt Pierre-Eugene. L’appréhension des procédures-bâillons en matière de presse est assez lacunaire en droit français, quel que soit le type de droit traité. Il y a des dispositions du Code de procédure civile qui sanctionnent les accusations abusives, mais elles sont peu appliquées car les juges y sont réticents. Seul le droit d’accès à la justice est primordial. Du côté du droit pénal, l’article 475- du code de procédure pénale permet à celui qui attaque la partie civile, d’obtenir le remboursement de ses frais d’avocat. Toutefois, cette disposition n’est pas au bénéfice de la personne qui est prévenue ou poursuivie, même abusivement. Mais les choses évoluent légèrement. La 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement qui a condamné Konbini à 6 000 euros de dommages et intérêts pour procédures abusives contre La Lettre A. Elle a dégagé pour la première fois des critères permettant d’identifier une procédure-bâillon. C’est un jugement qui suit la volonté européenne d’encadrer les procédures-bâillons, avec notamment un projet de directive sur cette question.

Est-ce que ce projet de directive de l’Union européenne qui vise à mieux encadrer les procédures-bâillons est un réel progrès ? Pourra-t-elle améliorer la protection des journalistes une fois transposée dans le droit français ?

P.-E. B. La directive elle-même me paraît assez insuffisante. Elle ne s’applique qu’en matière civile et commerciale. C’est un problème car le vrai cœur du sujet en France est le caractère pénal. Généralement, les procédures en diffamation relèvent du droit pénal et ne sont donc pas concernées par la directive.

Pourquoi la France attend que le droit communautaire se saisisse de ces questions plutôt que de se saisir directement du problème en droit interne ? 

P.-E. B. Peut-être que nos députés manquent d’imagination ! Mais je ne pense pas. La classe politique a dans la tête que les journalistes sont un peu des empêcheurs de tourner en rond. La question qui se pose pour les pouvoirs politiques est de savoir s’ils ont vraiment envie de protéger efficacement les organes de presse contre ces procédures abusives. Quand on voit la révélation de l’affaire Benalla ou de l’affaire Cahuzac, on peut se dire que malgré les discours favorables à la liberté de la presse, elle reste en réalité assez mal vue par le législateur. D’où l’immobilisme de la France sur cette question.

Quels sont les dispositifs qui pourraient être mis en place en France pour assurer une protection efficace des journalistes ?

P.-E. B. Je pense qu’il faudrait d’abord contraindre les juridictions à étudier le bien-fondé d’un recours avant d’en examiner le fond. Quand une procédure de presse est engagée, le juge d’instruction a assez peu de pouvoir. Il peut uniquement mettre en examen l’auteur des propos, qui sont ensuite examinés devant les juridictions correctionnelles. Il faudrait permettre au juge d’instruction d’examiner ou de recueillir les observations des parties sur le caractère abusif, ce qui pourrait éventuellement conduire à une irrecevabilité. Ensuite, je pense qu’il faudrait créer des délits de manipulation de l’information pour lutter contre cette fabrique d’information afin de permettre aux personnes abusivement poursuivies de se constituer partie civile pour obtenir réparation, que ce soit lors d’une relaxe ou si la procédure venait à être annulée pour non-respect des dispositions de la loi de 1881. Aujourd’hui, si vous obtenez une nullité, vous ne pouvez même pas recouvrer vos frais de justice. Vous avez juste la nullité et ça, ça me paraît un peu léger.

Propos recueillis par Noé Guibert (EPJT)

[EN PLATEAU] Renate Schroeder : la loi sur la liberté des médias « n’est pas assez ambitieuse »

Renate Schroeder est la directrice de la Fédération européenne des journalistes (FEJ), qui rassemble les associations professionnelles et les syndicats de journalistes à l’échelle européenne. Elle s’exprime sur l’adoption par le Conseil européen, mardi 26 mars, de la loi sur la liberté des médias (Media Freedom Act). Parmi les enjeux, la lutte contre l’utilisation de logiciels espions à l’encontre des journalistes.

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[ENQUÊTE] Public visé, rentabilité… Les médias face au dilemme de l’esport

Les évènements d’esport rassemblent des dizaines de milliers de personnes de façon constante. Photo : Flickr/EPJT

L’esport est un domaine en pleine explosion mais il peine encore à s’affirmer dans les rédactions de presse nationale. De leur côté, les grands médias adoptent des stratégies qui divergent.

50 000 billets en quatre jours, 12 000 spectateurs pour la finale à Bercy, victoire d’une équipe française… Mais seulement 200 signes dans le journal l’Équipe du 22 mai 2023. Avec de telles statistiques, n’importe quelle compétition sportive aurait bénéficié d’une couverture spéciale. Du moins n’importe quelle compétition de sport traditionnel… Car ces chiffres, ce sont ceux de la finale du major de Counter-Strike à Paris en mai dernier. Si l’esport a déjà conquis un public large, les grands médias de presse nationale peinent encore à y accorder un suivi conséquent.

Il serait faux de dire que ces derniers ne sont pas sensibles au raz-de-marée que représente l’esport. La finale du major représente même un marqueur de ce développement, que ce soit du point de vue des publics, mais aussi des médias. Plusieurs journalistes, y compris des rédacteurs en chef – à l’Équipe, au Monde ou au Figaro – témoignent de l’importance de l’évènement : « Il faut le voir de ses propres yeux pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène et de la popularité des joueurs », raconte Paul Arrivé de l’Équipe, seul journaliste 100 % esport dans les médias de Presse quotidienne nationale (PQN).

L’esport comme laboratoire

Mais c’est le traitement qu’on accorde à l’esport qui pose encore question dans les rédactions. Surtout pour les grands médias de PQN, habitués aux longs textes qui peuvent faire peur au public de l’esport. « Il y a deux barrières qui se posent pour les jeunes qui suivent l’esport : l’habitude de la gratuité et la barrière psychologique des articles payants, puis le rapport à la lecture difficile pour la plupart », évoque Paul Arrivé. Pour lui, cette génération ne basculera pas vers la presse écrite : « Il faut qu’on se révolutionne. Je vois l’esport comme un laboratoire pour le journalisme, car c’est l’avenir de la profession qui se joue ici. Il faut tenter des nouveaux formats, avec de la vidéo notamment, si on veut toucher cette génération. Il faut faire le pari maintenant parce que ce sont eux les futurs consommateurs. »

Entre le journaliste, qui essaie d’anticiper, et ses supérieurs, les visions ne sont pas forcément les mêmes. « On fait nos calculs et on se méfie beaucoup de la gratuité. Oui, c’est bien mais les formats vidéo sont difficilement rentables. La presse écrite ne va pas bien mais on ne peut pas se lancer partout, embaucher plus de spécialistes esport etc. », justifie de son côté Jean-Philippe Leclair, rédacteur en chef-adjoint de l’Équipe.

La quête de la rentabilité freine beaucoup ces médias. Si l’esport dispose d’une vraie audience, ce n’est pas encore suffisant pour des journaux comme Le Figaro. « Tant que mes articles ne rapportent pas d’abonnements, on ne va pas se lancer à fond sur le sujet », souffle Cédric Cailler, qui reste très pragmatique sur la situation. « L’esport n’est pas encore assez structurant socialement et économiquement. Ça reste un domaine en construction. Même si c’est massif en audience, il y a encore beaucoup d’interrogations », ajoute Olivier Clairouin, chef du service Pixels du Monde.

Fossé générationnel

Certains médias ne cherchent pas forcément à attirer un nouveau public, mais plutôt à parler de ces thématiques à leurs lecteurs. « Les articles sont plutôt adressés aux parents, pour qu’ils comprennent ce à quoi s’intéressent leurs enfants », témoigne Olivier Clairouin. Le quotidien reste fidèle à sa ligne éditoriale quand il traite de l’esport. Les articles vont au-delà de l’aspect purement sportif et évoquent tout ce qui englobe l’univers esportif, que ce soit de façon économique, écologique, politique ou sociale. Une vision que partage Jean-Philippe Leclair : « On a l’ambition de couvrir tout le sport : du joggeur à Kylian Mbappé, en passant par le dopage et l’esport. Le fait de traiter l’esport comme n’importe quel autre sport, cela nécessite de l’évoquer sous tous les angles possibles. Pas seulement les résultats. » Cédric Cailler du Figaro s’adapte aussi à son journal : « Je cherche beaucoup l’humain dans mes sujets, sur des portraits notamment. Puis je parle souvent de chiffres, ou de « success story ». Je m’adapte à mon public. »

Cette question des publics visés est difficile. Si Le Monde ou Le Figaro s’adressent majoritairement à leurs lecteurs, Paul Arrivé a pour stratégie d’aller chercher le public de l’esport : « J’ai abandonné l’idée de toucher le grand public. C’est tellement complexe et le fossé générationnel est trop grand. Je pense qu’on ne convaincra jamais tout le monde. J’essaie de plus en plus de faire des sujets de profondeurs, qui apportent de la valeur ajoutée à ceux qui suivent l’esport. Le but, c’est de les attirer ensuite vers la marque l’Équipe, car ce public s’intéresse au sport en général. »

Mais si les articles paraissent sur le web, très peu arrivent dans les pages du journal. « Je trouve ça dommage car notre rôle est aussi d’éduquer le grand public sur ce qu’il se passe dans la scène sportive, et l’esport en fait partie. J’ai un peu arrêté de me battre pour cela, mais avoir 200 signes sur le major CS (Counter-Strike, ndlr) à Paris je ne trouve pas ça normal. Ça fait six ans qu’on ne s’est pas renouvelé sur le traitement de l’esport », se désole le journaliste de l’Équipe.

Le traitement médiatique de l’esport dans les grands médias de PQN relève d’une problématique bien plus générale à la profession : comment toucher un public jeune, qui boude ces journaux mais qui représentera bientôt la majorité de la population ? D’un sujet niche, l’esport devient petit à petit un sujet central que les rédactions observent de plus en plus près, véritable reflet de la fracture générationnelle dans les médias.

Jules Bourbotte et Florian Pichet/EPJT

[RÉSUMÉ] Les priorités pour les États généraux de l’information

Retrouvez l’essentiel de l’atelier « Les priorités pour les Etats généraux de l’information »

Corinne Vanmerris, Pascal Guénée et Arnaud Schwartz Photo : Noé Guibert/EPJT

Avec Corinne VANMERRIS, directrice adjointe et directrice des études à l’ESJ Lille, Pascal GUÉNÉE, président de la Conférence des Écoles de Journalisme, directeur de l’IPJ Dauphine-PSL et Arnaud SCHWARTZ, directeur de l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine.

 

Les enjeux

L’insertion professionnelle des jeunes journalistes est une préoccupation de la Conférence des Ecoles de Journalisme (CEJ) depuis plusieurs années. Ses recommandations aux Etats généraux de l’information tentent de saisir cette question.

Ce qu’ils ont dit

Corinne Vanmerris (directrice adjointe et directrice des études à l’ESJ Lille) : « Nos recommandations aux Etats généraux de l’information ne tombent pas du ciel et découlent de nos propres Etats généraux, organisés depuis deux ans. »

« On constate un fort engouement pour l’apprentissage de la part des étudiants, la quasi-totalité d’entre eux souhaitent le faire. Cela a modifié le rapport au cursus et à l’école. Ils gagnent une maturité par rapport au monde du travail, mais on ne voit pas de différence en termes d’insertion professionnelle. »

Pascal Guénée (Président de la Conférence des Ecoles de Journalisme, directeur de l’IPJ Dauphine-PSL) : « Nous demandons, par exemple, la création d’un passeport professionnel de la bonne pratique du journalisme pour tous les titulaires de carte de presse non passés par un cursus reconnu, afin de s’assurer que la question de la responsabilité professionnelle soit bien traitée. »

« L’objectif est de comprendre comment répondre aux aspirations des jeunes journalistes et leur proposer des conditions de travail qui leur conviennent. »

« Il y a chez nos étudiants l’idée que le métier-passion n’excuse pas tout. C’est une chose à laquelle on adhère totalement. On a l’impression qu’on pourrait exiger plus sous le prétexte que l’on fait un métier passion : pour nous, ce n’est pas acceptable. »

Arnaud Schwartz (directeur de l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine) : « Nous avons mené une enquête auprès des 4 dernières promotions de diplômés. Il en ressort plusieurs constats, notamment sur la formation en alternance. Il ne s’agit pas de dire que l’alternance n’est pas bien, mais elle a pris tellement d’importance ces dernières années que la question du curseur peut se poser et surtout la qualité de l’accompagnement »

À retenir

La Conférence des écoles de journalisme (CEJ) a adressé une liste de 36 propositions aux Etats généraux de l’information, tirés de deux années de réflexion au sein de ses propres États généraux. Parmi les idées principales, le refus d’un métier-passion qui excuserait toutes les pratiques professionnelles, au détriment des jeunes journalistes.

La CEJ souhaite être un interlocuteur des pouvoirs publics et plusieurs de ses propositions ont déjà été mises en place. Une des principales préoccupations concerne la question de l’alternance, pratique qui doit être questionnée afin de mieux accompagner les étudiants. Elle propose notamment une formation particulière pour les tuteurs et tutrices.

Noé Guibert (EPJT)

[PORTRAIT] Nora Bouazzouni, un combat contre « le syndrome de l’imposteur »

Photo : Juliette HUVET-DUDOUIT/EPJT

Nora Bouazzouni, journaliste et écrivaine, évoque les difficultés à se sentir légitime durant son parcours et son changement de classe sociale.

Elle a le regard déterminé d’une femme qui a dû se battre toute sa vie pour grimper l’échelle sociale. Nora Bouazzouni, 38 ans, est journaliste freelance et écrivaine. En 2019, elle crée Paye ta pige, pour centraliser et partager les prix des feuillets. « Il y a quelques années, j’ai vu un de mes collègues qui obtenait ces informations sur son groupe Facebook de promo d’école de journalisme », s’emporte-t-elle.

En 2017, Nora Bouazzouni publie son premier livre, Faiminisme : quand le sexisme passe à table (ed. Nouriturfu). En 2023, elle en publie un troisième, Mangez les riches (ed. Nouriturfu). Cet ouvrage aborde la sociologie complexe du lien entre alimentation et revenus. Une victoire pour elle qui s’est longtemps privée de lire de la sociologie car elle se pensait trop peu intelligente. « La nourriture est un fait social, il y a toujours des choses à dire là-dessus, souligne cette passionnée. Lorsque je suis arrivée à Paris, je me suis rendu compte que le bon goût est celui des classes dominantes. »

Une sensibilité à l’injustice

Son père est ouvrier, arrivé d’Algérie en Picardie, sa mère assistante maternelle. Au lycée, elle quitte son établissement de secteur pour suivre une classe européenne. De cette époque, subsistent beaucoup de souvenirs amers. Elle se souvient d’un jour où ses amis lui ont proposé de manger au restaurant. Elle refuse et précise qu’elle n’en a pas les moyens. « Tes parents ne te donnent pas d’argent ? », rétorque l’une de ses camarades. La différence de réalités entre elles la foudroie et éveille une sensibilité à l’injustice qui ne l’a jamais quittée. « C’est à la fois un de ses défauts et une de ses qualités », affirme son compagnon. À l’aise et confiante dans la posture, Nora Bouazzouni est une femme de caractère. « Je suis arrivée à Paris en tant qu’étudiante en 2006 et j’avais l’échelon de bourse le plus élevé », explique la femme qui est aujourd’hui « une transfuge de classe », un terme employé par son compagnon, qu’elle réfute.

Après sa licence d’anglais, Nora Bouazzouni devient journaliste. Elle travaille pour Franceinfo, devient indépendante puis pige pour Mediapart et Libération. La Picarde se retrouve propulsée dans une catégorie sociale dont elle n’est pas issue. Plus de 15 ans après, Nora Bouazzouni déteste passer pour quelqu’un de privilégié et considère qu’elle a acquis un « bourgeois passing ». « Est-ce plutôt l’habitus, le cercle social fréquenté ou le quartier de résidence qui détermine l’appartenance à la bourgeoisie ? », se questionne-t-elle. Son sang ne fait qu’un tour lorsqu’on la renvoie à un élitisme qu’elle rejette.

Syndrome de l’imposteur

Pourtant, son entourage la ramène constamment à cette mutation sociale. La plupart de ses amis ne viennent pas du même milieu qu’elle : ils ont déjà un patrimoine, sont propriétaires ou ont fréquenté des écoles privées. Dans les rédactions, elle constate la permanente reproduction sociale sans oublier l’importante domination masculine. « La sacralisation du diplôme reconnu crée un véritable entonnoir. C’est dommage car les écoles de journalisme se privent de nombreux bons profils », regrette-t-elle.

Nora Bouazzouni s’est souvent sentie moins légitime, comme si son parcours atypique la plaçait en marge de la norme. « Pour beaucoup, ce n’est pas une question de légitimité, mais plutôt une interrogation sur qui détermine ce qui l’est et ce qui ne l’est pas », soulève-t-elle. Dans son histoire, le syndrome de l’imposteur est omniprésent, exacerbé par son expérience de vie qui l’a poussée à douter de ses compétences. « Aujourd’hui, ce n’est plus le cas », conclut-la journaliste, fièrement.

Juliette HUVET-DUDOUIT/EPJT

[EN PLATEAU] Manoubi Marouki, secrétaire général du Conseil de presse tunisien, sur la liberté de la presse en Tunisie

En Tunisie, le décret-loi 54 suscite les inquiétudes de Manoubi Marouki, Secrétaire général du Conseil de presse Tunisien. Le décret « sous couvert de lutte contre la cybercriminalité et des « fake news », permet aux autorités tunisiennes d’imposer des restrictions illégales et arbitraires à l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression”, explique la Commission internationale des juristes (ICJ).

Réalisé par Maël Prévost/EPJT.

[RÉSUMÉ] Le journalisme de sport, un journalisme de science qui s’ignore ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le journalisme de sport, un journalisme de science qui s’ignore ? »

 

Marie Thimmonier, Damien Ressiot, Agnès Vernet et Vincent Bordenave. Photo : Julien Grohar/EPJT 

Avec Vincent BORDENAVE, journaliste Sciences, Environnement, Santé au Figaro, Damien RESSIOT, directeur du Département des enquêtes et du renseignement Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), et Marie THIMMONIER, journaliste indépendante sport, genre et société (L’Équipe, Libération, Marie-Claire & Les Sportives).

Animé par Agnès VERNET, vice-présidente de l’AJSPI.

 

Les enjeux

Le journalisme de sport est-il un journalisme de science qui s’ignore ? Voilà la question à laquelle tentent de répondre les trois intervenants. À travers leurs explications, nous comprenons que les journalistes sportifs sont contraints, de plus en plus, de maîtriser les questions scientifiques afin de comprendre les enjeux actuels : dopage, grossesse, blessures, etc. Cette connaissance de la science passe par un intérêt des journalistes sportifs mais aussi par des échanges avec des scientifiques et des spécialistes. 

 

Ce qu’ils ont dit

Vincent Bordenave (journaliste Sciences, Environnement, Santé au Figaro) : « Il faut confronter les sources dans le sport mais comme dans tous les domaines. Le scientifique n’a pas une vérité absolue mais une démarche scientifique basée sur le doute. »

« Quand on relit, il y a un échange. On ne change pas tout. Il y a des tensions et des choix. À la fin, c’est le journaliste qui décide ce qu’il y aura dans le papier. C’est lui qui signe. » 

Damien Ressiot (directeur du Département des enquêtes et du renseignement Agence française de lutte contre le dopage) : « Dans le sport, il y a un aspect affectif très fort. S’occuper de dopage et de corruption n’était pas aisé. Nous passions du copain à fossoyeur de sport. J’étais le seul candidat à me proposer. J’ai suivi un diplôme à l’Université de Montpellier. »

« On ne peut pas traiter du dopage si on ne comprend pas comment fonctionne la physiologie de l’effort. Ce qui est important, c’est obtenir la confiance de personnes compétentes. L’affaire Armstrong, en 2005, n’aurait jamais pu se faire sans l’aide de ces scientifiques et analystes du dopage. »

« Au fil du temps, on découvre assez vite que chez les scientifiques il y a des guerres de chapelles. Il faut donc rester très lucide sur tout ce qui est en jeu. On reste journaliste. Il n’y a pas que des scientifiques honnêtes. »

Marie Thimmonier (journaliste indépendante sport, genre et société pour L’Équipe, Libération, Marie-Claire & Les Sportives) : « Les entraîneurs conseillaient à leurs athlètes de ne pas allaiter pour retrouver leur niveau d’avant grossesse. Je me suis questionnée sur cette tendance afin de comprendre sur quoi ces entraîneurs s’appuyaient. »

« En interrogeant des scientifiques, j’ai compris que tout cela était faux. L’allaitement n’empêchait en rien de continuer une pratique sportive et de retrouver son niveau. »

« Je préfère faire relire mes papiers à des scientifiques pour ne pas écrire de bêtises mais aussi pour ne pas trop vulgariser et perdre les propos initiaux. »

 

À retenir

Pour un journaliste, il n’est pas aisé de parler de sport et de science. En effet, celui-ci se confronte à plusieurs difficultés. Tout d’abord, il doit convaincre les rédactions qui sont souvent davantage intéressées par des portraits de sportifs que par des sujets très spécifiques tels que le dopage. Ensuite, il a besoin de trouver des données scientifiques, parfois rares, et des spécialistes avec le risque que ceux-ci délivrent, volontairement ou involontairement, des erreurs. Le journaliste doit donc réussir à multiplier et vérifier ses sources. Enfin, il doit écrire un papier précis sans trop le vulgariser et sans perdre les propos des scientifiques. 

 

Thomas Langeard (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Éthique, chartes et cartes de presse

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Éthique, chartes et cartes de presse »

Hervé RONY, Kathleen GROSSET, Jacqueline PAPET, Catherine LOZAC’H et Bénédicte WAUTELET. Photo : Clara Lebarbey/EPJT

Avec Kathleen GROSSET, présidente du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), Catherine LOZAC’H, présidente de la Commission de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels (CCIJP), Hervé RONY, directeur de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM), Bénédicte WAUTELET, vice-présidente de la CCIJP et Stéphane JOSEPH, directeur de la communication de la SCAM.

Animé par Jacqueline PAPET, présidente de la section journaliste de la CPNEF audiovisuelle. 

Les enjeux

L’accord ou non de la carte de presse aux journalistes fait débat. Si la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) a accordé plus de 34 000 cartes de presse en 2023, une tribune de journalistes recalés par la Commission a remis sur la table le débat : à qui accorde-t-on la carte de presse ?

 Ce qu’ils ont dit

Kathleen Grosset (présidente du Conseil de déontologie journalistique et de médiatique) : « Au conseil de déontologie, on étudie les actes journalistiques, on ne différencie pas les journalistes encartés et ceux qui n’ont pas de carte professionnelle. »

« Les saisines du conseil de déontologie peuvent viser des médias d’opinions, des médias professionnels : peu importe l’origine du média et sa ligne éditoriale. »

« Au CDJM, on répond aux saisines des requérants qui ont vu des fautes journalistiques. Plus de 70 % viennent du public, les journalistes saisissent le Conseil pour des problèmes de non-citation par d’autres collègues journalistes. »

« On s’appuie sur la charte d’éthique de 1918, la charte de Munich de 1971 et la charte mondiale d’éthique de 2019 adoptée à Tunis. »

Catherine Lozac’h (présidente de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, CCIJP) :« Plus de 34 000 cartes de presse distribuées en 2023 : la Commission est capable de s’adapter aux nouveaux médias, podcasts, newsletters, chaînes Youtube. »

Sur le cas de Victor Castanet, ou d’autres journalistes qui n’ont plus de carte, « il n’était plus dans les clous : il était dans l’édition et non plus journaliste professionnel. »

« Il n’est pas question à la Commission de juger qui est bon ou mauvais journaliste. On est là pour dire qui est un journaliste professionnel et qui ne l’est pas. »

Sur les correspondants à l’étranger : « Ils ont une forme de protection salariale et sont titulaires de la carte de presse, mais ont une grande précarité et insécurité sociale. Il y a un vide juridique : ils peuvent à tout moment perdent leur droits sociaux. »

« On a trois missions : donner une carte à ceux qui correspondent aux critères, être attentif à la situation de chacun, respecter que le bien commun du journalisme reste quelque chose de solide. La carte doit rester un ciment du métier. »

Jacqueline Papet (présidente de la section journaliste de la CPNEF audiovisuelle) « La CCIJP laisse sur le bord de la route beaucoup de journalistes, surtout dans l’audiovisuel avec les documentaristes. »

Stéphane Joseph (directeur de la communication de la Société civile des auteurs multimédia, SCAM) : « Actuellement, on attribue la carte selon le salaire. La SCAM voudrait un couloir secondaire pour examiner les autres cas, elle voudrait qu’on regarde le travail journalistique concret. »

« Ne pas attribuer de carte à un demandeur, c’est nier son travail journalistique. » 

« Neuf fois sur dix, la Commission d’appel de la CCIJP fini par leur accorder la carte. »

Hervé Rony (directeur de la SCAM) : « À la SCAM, on est attentif à la protection des auteurs qui font un travail journalistique. Il faut trouver un consensus, un sésame qui leur permettrait de faire leur travail sans encombre. »

« Vous n’entendrez jamais la SCAM remettre en question la carte et la Commission. »

À retenir

Les sujets d’éthique et des chartes de presse ont été quelque peu oubliés par les intervenants. Sur le question de l’accord des cartes de journalistes professionnels, le débat était houleux entre les intervenants de la SCAM et de la CCIJP. La Commission a défendu ses missions : dire qui est journaliste professionnel et qui ne l’est pas, selon des critères de salaires. La SCAM a répondu qu’elle aimerait que les auteurs qui font un travail journalistique soient aussi protégés.

La présidente du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) a expliqué les missions du Conseil et comment les saisines sont traitées.

Clara LEBARBEY

 

 

[ENQUÊTE] Jeux Olympiques 2024 : comment sont attribuées les accréditations ?

Photo : Julien GROHAR/EPJT
À quatre mois des jeux de Paris 2024, les rédactions se préparent à couvrir l’événement. Qui pourra assister aux épreuves ? Une commission composée en partie de journalistes aide à la distribution des accréditations.

Tous les quatre ans, à l’approche des Jeux olympiques, les rédactions des grands médias sont traversées d’un insoutenable suspense : à qui le CIO (Comité international olympique) distribuera-t-il les fameuses accréditations, précieux sésame pour couvrir l’événement mondial ? 

À chaque édition, le CIO délivre davantage d’accréditations au pays organisateur. Sur les 6 000 délivrées pour Paris 2024, 450 sont réservées à des journalistes et photographes français. C’est trois fois plus que pour les Jeux de Tokyo en 2021. « Ensuite, c’est aux comités nationaux olympiques de choisir les modalités d’attribution des accréditations », explique Étienne Bonamy, journaliste et ancien rédacteur en chef de L’Équipe. Il est lui-même membre du comité de sélection mis en place par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui s’appuie sur l’Union des journalistes de sport en France (UJSF) pour attribuer ces fameux passeports diplomatiques. « C’est une chance car dans d’autres pays, c’est le comité qui gère directement, souligne-t-il. Cela facilite le travail et cela permet une meilleure transparence. »

Dans le détail, il existe deux types de laissez-passer aux JO. D’un côté, les groupes comme France Télévisions qui payent pour diffuser les épreuves et les autres chaînes ou stations (TF1, RTL, etc.) qui achètent un droit de passage aux abords des terrains pour faire des interviews et suivre des conférences de presse. De l’autre, les rédactions de presse écrite et les photographes. Pour eux, il en existe plusieurs catégories : celles qui donnent accès à tous les sites et celles qui permettent de couvrir une seule catégorie de sport.

Représenter le plus de titres possibles

De septembre 2022 à janvier 2023, le CNOSF a demandé à toutes les rédactions le nombre d’accréditations qu’elles souhaitaient obtenir. « Ce travail d’échanges me prend un tiers de mon temps pendant les JO », reprend Étienne Bonamy, étonné d’avoir dû relancer des médias à visibilité importante qui avaient oublié d’envoyer leur demande.

Une question est primordiale pour le comité de sélection : est-ce que les journalistes de ce média ont une carte de presse ? « Il a fallu expliquer à certains que leur demande avait peu de chance d’aboutir, souligne-t-il. L’accréditation n’est pas une récompense pour assister à un événement, mais une obligation de travail. » Des influenceurs ont tenté d’obtenir des accréditations, en vain.

Plusieurs autres paramètres entrent en compte pour délivrer des accréditations, telles que la volonté de représenter le plus de titres possibles sur l’ensemble du territoire et le poids historique des médias. « Nous savons qui a l’habitude de couvrir du sport dans ses pages », complète le journaliste. Pour certains médias, les JO reviennent dans leur agenda tous les deux ans. C’est le cas de L’Équipe, seul quotidien sportif français, et du groupe France Télévisions, diffuseur officiel dans l’Hexagone. Pour d’autres, les JO à domicile sont l’occasion de couvrir cette messe sportive internationale pour la première fois ou depuis bien longtemps. « Beaucoup de médias, même non sportifs, font valoir leur volonté d’obtenir des accréditations », précise Étienne Bonamy.

Alors que chaque journal a découvert durant le mois d’octobre 2023 son nombre d’accréditations, la deuxième phase peut commencer. Elle intervient cette fois-ci du côté des rédactions qui doivent désigner nominativement les journalistes et les photographes qui couvriront les JO. « Si nous avons essayé de donner un petit peu à tout le monde, il n’y a pas assez de place », constate-t-il. Cependant, les JO ne se suivent pas uniquement dans les stades. De nombreux médias obtiendront des autorisations pour se rendre au Club France afin de suivre les conférences de presse et circuler au plus près des acteurs.

Les agences de presse ne sont pas concernées par cette démarche. À elle seule, l’Agence France-Presse a obtenu 120 accréditations pour les Jeux de Paris, bureaux français et internationaux confondus. L’Équipe n’en a eu qu’une quarantaine.

Thomas LANGEARD et Clara LEBARBEY

[RÉSUMÉ] À deux mois du scrutin : quelles approches éditoriales en Europe ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « À deux mois du scrutin : quelles approches éditoriales en Europe ? »

Laëtitia Greffié, Marc Bassets, Ana Navarro Pedro et Véronique Auger ont évoqué la couverture des élections européennes dans leurs médias respectifs. Photo : Julien GROHAR/EPJT

Avec Marc BASSETS (Espagne), correspondant à Paris pour El Pais, Laëtitia GREFFIÉ, rédactrice en chef de Ouest-France, Joël LE PAVOUS (Hongrie), correspondant des médias francophones à Budapest et Ana NAVARRO PEDRO (Portugal), Correspondante à Paris de l’hebdomadaire Visão.

Animé par Véronique AUGER, présidente de l’association Citoyennes pour l’Europe et du Prix Louise Weiss pour le journalisme européen. 

Les enjeux

Participation, montée des extrêmes, répercussions nationales : à quelques mois du scrutin européen, la couverture médiatique des élections est au cœur de l’actualité.

 

Ce qu’ils ont dit

Véronique Auger (présidente de l’association Citoyennes pour l’Europe et du Prix Louise Weiss pour le journalisme européen) :
« Je pense que c’est la première fois qu’on voit une campagne européenne couverte aussi tôt et de manière aussi importante en France » 

Laëtitia Greffié (rédactrice en chef de Ouest-France) : « Les questions européennes font partie de l’ADN de Ouest-France. Notre couverture éditoriale est à la fois locale, nationale et internationale. On a une vision qui va de la commune au monde entier. »

« Les jeunes générations s’intéressent à la question européenne et c’est normal puisque c’est leur avenir. »

Marc Basset (correspondant à Paris pour El Pais) : « L’Espagne est un pays très européen et les partis extrémistes ne sont pas pour autant anti-européen. La campagne en Espagne ne se pose pas en termes de « pro » ou « anti » européen. »

« Je ne pense pas qu’il y ait un espace politique européen vraiment commun pour le moment. »

À retenir

Les élections européennes semblent être plus que jamais des élections très nationales. Au Portugal, où les législatives ont eu lieu il y a quelques semaines, elles vont jouer un rôle de confirmation face aux précédents résultats. En France ou en Espagne, elles peuvent s’apparenter à des élections de mi-mandat. En Hongrie, aucun doute sur l’issue, où le Fidesz de Viktor Orban devrait l’emporter.

La couverture médiatique est plus que jamais importante en France et la campagne n’a jamais commencé aussi tôt, comme si les médias avaient besoin d’un évènement politique majeur, à mi-chemin entre deux élections présidentielles. Radio France, France Télévisions ou Euronews ont tous lancé des émissions spéciales sur le sujet, signe d’une demande des auditeurs et téléspectateurs. Le contexte de la guerre en Ukraine s’ajoute au passé du Brexit et de la crise sanitaire pour rendre ces élections déterminantes.

Hugo Laulan (EPJT)

 

[RÉSUMÉ] Quelle formation au journalisme de sport ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Quelle formation au journalisme de sport ? »

Arnaud Schwartz, Corinne Vanmerris, J ean-Philippe Goron, Camille Micaelli. Photo : Julien Grohar/EPJT

Avec la présence de Jean-Philippe GORON, responsable Masters Radio TV et filière Sport ESJ-Lille, de Camille MICAELLI, étudiante en M1 Information – Communication et membre de Femmes Journalistes de Sports, et de Arnaud SCHWARTZ, directeur de l’IJBA et secrétaire du CEJ.

Animé par Corinne VANMERRIS, directrice des études et directrice adjointe ESJ Lille. 

Les enjeux

Comment devenir journalisme sportif ? C’est la question complexe à laquelle les quatre intervenants ont tenté de répondre en s’appuyant sur leurs expériences. Beaucoup de jeunes sont passionnés par le sport mais les places dans les rédactions sont réduites. L’insertion dépend de plusieurs critères comme par exemple sortir d’une école reconnue ou non, suivre un cursus généraliste ou spécialisé dans le sport, participer à des projets, etc. 

 

Ce qu’ils ont dit

Corinne Vanmerris (directrice des études et directrice adjointe ESJ Lille) : « Pour arriver à l’objectif de devenir journaliste sportif, il y a plusieurs voies possibles. À l’ESJ, nous avons décidé, il y a dix ans, de créer une licence spécialisée dans le sport. »

« À la sortie de la Licence pro sport, 70 % des étudiants travaillent dans un service spécialisé dans le sport. Nous adaptons notre effectif afin de pouvoir insérer, dans le monde du travail, tous nos étudiants à la sortie du cursus. »

« Les écoles n’ont pas la liberté de faire ce qu’elles veulent. Il y a des attendus de la part de la CEJ même s’il y a heureusement une marge de manœuvre pour construire des cursus pertinents afin de ne pas avoir une uniformisation. »

Jean-Philippe Goron (responsable Masters Radio TV et filière Sport ESJ-Lille)« Dans le cursus, il y a plusieurs choses. Pour que l’étudiant soit diplômé, il doit faire au moins trois mois de stage. Chaque week-end, nous avons un intervenant qui vient former les jeunes étudiants dans une spécialité (Radio, TV, presse ou web). »

« L’insertion, ça commence par faire des piges (le contrat à la journée). 43 % des étudiants sont à la pige et 31 % en CDD à la sortie de l’école. »

« Quand tu es spécialiste d’une « niche » comme par exemple l’équitation ou l’automobile, tu as plus de chance de trouver un CDI car il y a moins de concurrence. Il faut bien être conscient de ce milieu. On ne peut pas tous devenir Grégoire Margotton. » 

Camille Micaelli (étudiante en M1 Information – Communication et membre de Femmes Journalistes de Sports) : « Je suis très contente d’être dans un cursus généraliste. Je ne me ferme pas de portes, même si je suis des cours spécialisés dans le sport cette année. Le sport m’intéresse évidemment mais j’ai aussi envie d’avoir des connaissances dans l’économie du sport et dans la science du sport. »

« J’ai visé des cursus généralistes. Après avoir raté les concours de l’ESJ, je suis rentrée à l’EJCAM. Être au sein d’une formation reconnue permet d’avoir accès plus facilement à des professionnels et des intervenants renommés. »

« « Pas de Jeux sans elles » est un projet voué à grandir. Beaucoup de journalistes seront encore là après les JO. Je pense que cela continuera même après l’évènement. »

Arnaud Schwartz (directeur de l’IJBA et secrétaire du CEJ) : « Avec les autres écoles reconnues, nous nous sommes posé la question de ce que nous proposions dans le sport. Selon les écoles, la formation au journalisme sportif peut aller de quelques modules à des rubriques spécifiques. »

« Dans chaque école, il y a des projets périphériques qui ne sont pas dans la maquette. Des médias et des partenaires peuvent avoir besoin d’étudiants pour renforcer leur rédaction le week-end. »

À retenir

Il est évidemment plus facile de devenir journaliste, que ce soit dans le sport ou dans un autre domaine, en sortant d’une école de journalisme. Concernant le domaine sportif, aucune des quatorze écoles reconnues ne propose un cursus à part. Cependant, les étudiants peuvent, à travers des stages, des projets ou une spécialisation, mettre un pied dans ce domaine. Depuis dix ans, l’ESJ a lancé une licence professionnelle sport afin de former de futurs journalistes spécialistes dans le sport. 

Thomas Langeard (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Le Media Freedom Act : un enjeu européen majeur

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Media Freedom Art : un enjeu européen majeur »

Jean-Pierre de KERRAOUL, Pablo AIQUEL, Renate SCHRÖDER, Maciej STYCZEN et Clothilde LE COZ. Photo : Julien Grohar/EPJT

Avec Pablo AIQUEL, secrétaire-général adjoint du SNJ-CGT, JeanPierre de KERRAOUL, European Newspaper Publishers’ Association (ENPA), Renate SCHRÖDER, directrice de la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ) et Maciej STYCZEN, chargé de mission DG Connect de la Commission européenne. 

Animé par Clothilde LE COZ, responsable du développement international de J&C. 

 

 

Les enjeux

Le Media Freedom Act, qui vise à renforcer l’indépendance des journalistes, a été définitivement adopté mais crée des débats au sein de la profession des journalistes. 

Ce qu’ils ont dit

Maciej Styczen (chargé de mission DG Connect) : « Il y a des problèmes avec les médias partout en Europe. En France, il y a par exemple un problème avec la protection des journalistes. Dans cet environnement, il était clair qu’on devait agir. »

« Les médias traditionnels sont devenus beaucoup plus faibles d’un point de vue économique par rapport aux nouvelles plateformes »

« C’est impossible de trouver la solution capable de satisfaire tout le monde. Si nous mettons en place des règles très strictes, elles pourraient avoir des impacts négatifs sur certains pays membres. »

Renate SCHRÖDER (directrice de la fédération européenne des Journalistes) : « Le Parlement européen a fait un grand travail pour renforcer l’Act mais il devrait être encore plus ambitieux. »

« Le point le plus important, c’est l’article 5 sur l’indépendance des médias publics. Notamment pour des pays comme l’Italie, la Pologne et la Slovaquie. »

« Il y a encore des grandes différences entre Europe occidentale et Europe de l’est. Tout régler dans un texte est très compliqué. »

Pablo Aiquel (chargé de mission DG Connect) : « On s’attendait à ce que ce soit la Hongrie qui attaque le MFA mais en fait, Emmanuel Macron l’a fait. »

« Il faut écouter les journalistes professionnels, les syndicats se sont opposés à la certification des plateformes. On voudrait un système dans lequel on puisse comprendre qui sont les vrais médias sans devoir payer. »

Jean-Pierre de Kerraoul (European Newspaper Publishers’ Association) : « En France, on a la loi de 1881, qui est le socle sur lequel on vit depuis ce moment-là. C’est quelque chose qui marche et qui est fondamental. On avait le sentiment que la volonté de l’UE de réguler et réglementer la liberté de la presse risquait de contraindre à une modification de la loi de 1881. »

« On n’a pas du tout réglé le problème des plateformes. Le vrai problème est la disproportion entre les grandes plateformes et les médias européens. »

« Le MFA marque un certain nombre de principes mais il n’est pas efficace avec les éditeurs de presse. » 

À retenir

Alors que le travail des journalistes est de plus en plus menacé par les différents gouvernements des Etats membres de l’Union européenne, un nouveau règlement vient d’être promulgué. Le Media Freedom Act permet en principe une plus grande liberté pour la presse et une limite à la concentration des médias. Il ne s’agit pas d’une norme parfaite mais d’un outil dont les journalistes peuvent se saisir pour faire valoir leurs droits.

Un des grands enjeux de cette conférence était la complexité pour l’UE d’établir un texte qui puisse convenir à la situation de chaque Etat membre. Il y a une grande distinction entre l’Europe occidentale et l’Europe de l’Est. A l’Ouest, le problème se cristallise autour des relations entre les grandes plateformes et les médias. A l’Est, la plupart des médias voient les plateformes comme un lieu de liberté alors que leurs gouvernements respectifs tentent de les en priver.

Saskia JUIGNER DOUBINSKY (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Parasport : le sport retrouvé ?

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Parasport : le sport retrouvé ? »

Julien Soyer, Laure Pécaut-Rivolier, Guillaume Papin et Ryadh Sallem Photo : Julien Grohar/EPJT 

Avec Laure PÉCAUT-RIVOLIER, conseillère ARCOM, Julien SOYER, ex-champion pongiste et journaliste de sport Ouest-France, Ryadh SALLEM, parasportif et membre du comité paralympique et Guillaume PAPIN, journaliste France Télévisions

Animée par Pascal PARSAT, expert du “vivre ensemble” Audiens

Les enjeux

Rendre le handicap naturel au sein de la société est un enjeu important vis-à-vis duquel la couverture médiatique du parasport, en plein développement, a un rôle à jouer.

 

Ce qu’ils ont dit

Laure PÉCAUT-RIVOLIER (conseillère ARCOM) : 

« Du côté de l’ARCOM, nous avons mené plusieurs études sur le parasport, dont une sur l’évolution de sa diffusion. Les courbes sont très très claires et montrent une explosion assez rapide des retransmissions. En 2024, on va atteindre un niveau que nous n’avions jamais eu. »

« Il faut que la diffusion de parasport tout au long de l’année devienne une évidence. Les médias jouent beaucoup dans la représentation que l’on se fait des choses en général. »

Julien SOYER (ex-champion pongiste et journaliste de sport Ouest-France) : 

« Londres a été une véritable révolution, avec le retour des jeux en Europe. Les stades et les salles étaient bondés, je suis sorti de là en me demandant si je n’allais pas reprendre le sport de haut niveau juste pour vivre des moments comme ça. Je ne pensais pas qu’on arriverait à vivre de tels jeux, à avoir un tel engouement pour les paralympiques. »

« Quand on parle d’accessibilité, on espère qu’en sensibilisant les jeunes et en intégrant le handicap au monde ordinaire, ce sera aussi une ouverture dans le monde de l’emploi, dans la société. C’est ce qu’on attend des Jeux de Paris. »

Ryadh SALLEM (parasportif et membre du comité paralympique) : 

« Nous, les athlètes paralympiques, ne sommes pas des exceptions. Nous aussi on a choppé le virus de la passion. Si on nous présente comme des exceptions, les gamins qui ont eu un accident vont se dire que le sport, ce n’est pas pour eux. »

« Grâce aux médias, les gens n’ont plus honte d’être handicapés et ils en parlent. Jusqu’à il y a quelques années, c’était une honte et les gens s’en cachaient. Aujourd’hui ce n’est plus un problème, les gens en parlent librement et sainement. »

« La question est de savoir comment traiter de ces sujets journalistiquement sans tomber dans le voyeurisme. Il faut choisir les bons mots pour ouvrir l’imaginaire sans réduire les personnes. »

Guillaume PAPIN (journaliste France Télévisions) : 

« Il faut parvenir à banaliser le handicap et à le rendre naturel. Je pense que les Jeux de Paris vont nous permettre de passer un cap sur ce point. »

« Pour traiter les jeux Paralympiques, il faut utiliser des mots simples et ne rien changer par rapport au traitement des jeux Olympiques. Il ne faut pas faire de misérabilisme, faire attention à certaines expressions, mais il ne faut pas non plus se mettre des barrières. »

À retenir

La couverture du parasport est en pleine expansion, et les Jeux de Paris devraient marquer une nouvelle étape importante dans son développement. La diffusion du parasport permet de gommer les différences de traitement entre athlètes olympiques et paralympiques, et le dispositif exceptionnel de France Télévisions devrait les rapprocher encore un peu plus.

Banaliser le handicap à travers le traitement du sport, c’est traiter des Jeux paralympiques de la même manière qu’on traite les Jeux olympiques. Cette démarche doit avoir des conséquences sur la société de manière générale, sur la manière dont le handicap est perçu dans l’espace public, dans le monde du travail, etc. Les médias jouent un rôle essentiel dans la représentation que la société se fait du handicap : banaliser son traitement et le rendre régulier permet aux personnes handicapées de sortir de la honte qui pouvait être la leur il y a encore quelques années et d’en parler sainement.

Noé GUIBERT (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Grande soirée débat «Femmes, sport et médias»

Retrouvez l’essentiel de la grande soirée débat « Femmes, sport et médias »

Géraldine CATALANO, rédactrice en chef du magazine l’Équipe; Marie PORTOLANO, ex journaliste de sport et présentatrice de TéléMatin sur France 2 ; ia MOUSSAC-BOUTHIER, joueuse de rugby au Stade Rochelais, maîtresse de conférence à l’Université Rennes 1; Nathalie IANNETTA directrice des sports Radio France ; Sandy MONTAÑOLA, maîtresse de conférence à l’Université Rennes 1 ;Anne-Sophie de KRISTOFFY, ex patineuse artistique et conseillère sport TF1; Laurence PÉCAUT-RIVOLIER, conseillère à l’ARCOM. Photo : Mourjane RAOUX-BARKOUDAH Nom/EPJT. 

Delphine CHAIGNEAU, alpiniste, rédactrice en chef TV Tours, présidente de l’association “A chacun.e son toit” ; Nathalie IANNETTA, directrice des sports Radio France ; Anne-Sophie de KRISTOFFY, ex patineuse artistique et conseillère sport TF1 ; Sandy MONTAÑOLA, maîtresse de conférence à l’Université Rennes 1 ; Mia MOUSSAC-BOUTHIER, joueuse de rugby au Stade Rochelais ; Laurence PÉCAUT-RIVOLIER, conseillère à l’ARCOM ; Marie PORTOLANO, ex journaliste de sport et réalisatrice du documentaire “Je ne suis pas une salope, je suis journaliste”, présentatrice de TéléMatin sur France 2 ; Géraldine CATALANO , rédactrice en chef du magazine l’Équipe.

Animé par Mejdaline MHIRI, co-fondatrice de l’association des Femmes Journalistes de Sport et rédactrice en cheffe du magazine Les Sportives.

 

Les enjeux

Les femmes, le sport et les médias cherchent un terrain d’entente. Dans une discipline longtemps monopolisée par les hommes, elles peinent à trouver leur place. Si elles sont aussi présentes que les hommes sur les terrains, elles ne le sont pas pour autant sur les plateaux des médias. Ou du moins, pas au degré escompté.

Ce qu’ils ont dit

Delphine CHAIGNEAU (Alpiniste, rédactrice en chef TV Tours, présidente de l’association “A chacun.e son toit”) : « L’alpinisme représente pour moi une forme d’engagement. J’aimerais montrer aux femmes que nous sommes aussi capables de réaliser de grands projets ».

Nathalie IANNETTA (Directrice des sports Radio France) : « Être la première si vous êtes la seule ne sert à rien. On m’a renvoyé l’image que les autres sont faibles et que j’étais forte. Ce qui est totalement faux. Si on fait de vous une exception, vous ne pouvez pas devenir un exemple».

Anne-Sophie de KRISTOFFY (Ex patineuse artistique et conseillère sport TF1) : « On n’est pas parfait, mais je pense qu’il y a une évolution. Nous avons largement féminisé nos plateaux, nous avons notamment fait appel à des consultantes et des expertes sportives. Ce n’était pas le cas quatre ans auparavant, il y a quand même une évolution ».

Sandy MONTAÑOLA (Maîtresse de conférence à l’Université Rennes 1 ) : « Le sport n’est pas le seul domaine qui peine à se féminiser, d’autres domaines suivent toujours le même processus : isoler les femmes et en faire des exceptions. On nous présente toujours des nouvelles comme des pionnières, des femmes qui ne sont pas comme les autres. Et, éventuellement, on met à distance la possibilité que d’autres femmes soient intégrées ».

Mia MOUSSAC-BOUTHIER, (Joueuse de rugby au Stade Rochelais) : « On ne fait pas ce sport pour l’aspect pécuniaire, c’est vraiment une passion et un plaisir. On a aujourd’hui un statut d’amatrice alors qu’on doit répondre à des exigences de joueurs professionnels»

Laurence PÉCAUT-RIVOLIER (conseillère à l’ARCOM ) : « Le sport est à la traîne depuis des années et n’avance pas. Il y a un gap monumental au niveau de la retransmission des événements sportifs féminins et masculins. Sur les plateaux, on est à 22% de présence de journalistes, animateurs et invités féminins. Et sur le temps de parole, on n’est qu’à 11%. En plus, 60% des plateaux sont exclusivement masculins. Donc très clairement on est au plus bas et on ne décolle pas. Il est inadmissible qu’on continue comme ça ». 

Marie PORTOLANO, (ex-journaliste de sport et réalisatrice du documentaire “Je ne suis pas une salope, je suis journaliste”, présentatrice de TéléMatin sur France 2) : « J’ai constaté au fur et à mesure dans ma carrière de journaliste que j’avais toujours été l’unique femme sur le plateau. Il n’y en avait jamais deux, sauf quand il y avait une invitée. Et je trouvais cela normal, je ne me rendais pas compte de la gravité du problème »

Géraldine CATALANO , (rédactrice en chef du magazine l’Équipe) : « On avance peut-être un peu lentement, en termes de présence de journalistes femmes, notamment dans le journalisme sportif. Mais aujourd’hui, on privilégie de plus en plus les femmes, on essaie toujours de trouver des profils féminins pour un meilleur équilibre au sein de la rédaction».

«On met chaque semaine en Une de notre magazine des sportives moins connues, des disciplines moins couvertes, ou même des questions dérangeantes qui témoignent d’une réalité très forte du sport féminin. On peut toujours faire mieux, certes, mais on est conscients de la responsabilité que nous avons dans la mise en avant du sport féminin».

 

À retenir

Le sport féminin est sous-représenté dans les médias. Malgré les dispositifs de parité mis en place par plusieurs chaînes pour équilibrer les rédactions ou les efforts déployés pour médiatiser les sports féminins ces dernières années, l’écart avec le sport masculin est loin d’être comblé. 

Le sport féminin a un long chemin à parcourir car la féminisation des plateaux progresse timidement, aussi bien du côté des journalistes que des sportives. Les plus connues sont présentées comme des exceptions. Cette perspective ancrée dans les imaginaires complique leur intégration. Les femmes ne peuvent que s’armer de résistance et de leur passion pour le sport. 



Samia ELACHRAKI (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Le journalisme et l’IA : concrètement, on fait quoi ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement : « Le journalisme et l’IA : concrètement, on fait quoi ? »

Yann Guégan, Carole Chatelain, Xavier Eutrope, Pierre Romera Zhang, Estelle Cognacq et Florent Rimbert étaient réunis pour parler d’intelligence artificielle. Photo : Baptiste Villermet/EPJT
Avec Carole CHATELAIN, présidente de l’AJSPI, Estelle COGNACQ, directrice adjointe de France info (Radio France), Yann GUÉGAN, vice-président du CDJM ; Florent RIMBERT, Responsable du Développement Numérique de l’APIG; Pierre ROMERA ZHANG, chef de la Technologie (ICIJ).

Animé par Xavier EUTROPE, journaliste à La Revue des Médias.

Les enjeux

Depuis un peu plus d’un an et l’arrivée de Chat GPT, l’IA se mange à toutes les sauces, jusque dans les médias. Les promesses sont impressionnantes. Les problématiques et les défis (techniques, éthiques, écologiques…) aussi. Concrètement, face à l’IA, on fait quoi ?

Ce qu’ils ont dit

Yann Guégan (vice-président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation) :« Les différents outils n’ont pas forcément le même impact, la même dangerosité. Le CDJM (Conseil de déontologie journalistique et de médiation) les regroupe dans trois catégories : des outils à risque faible, d’autres à risque modéré et certains à proscrire. »

Estelle Cognacq (directrice adjoint de France Info) : « Il ne faut pas avoir peur de l’IA. C’est une grande révolution de notre monde industriel, comme il y a pu avoir l’automatisation dans les années 1910-1920. »

« Les IA génératives font beaucoup d’erreurs. D’après ma bio sur ChatGPT, je suis morte en 1950 ! »

Carole Chatelain (présidente de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information) : « Il faut avancer très doucement dans ces domaines. Rien ne remplacera jamais l’humain. »

« L’IA nous pose un certain nombre de problèmes et de questions en tant que journaliste. »

À retenir

L’intelligence artificielle est l’un des enjeux les plus cruciaux pour les médias aujourd’hui. Pour autant, cela fait déjà plusieurs années que de nombreuses rédactions l’utilisent, sous des formes très diverses. Il n’existe pas une IA mais bien des IA, engageant des enjeux, des intérêts et des conséquences différents. Là où une IA qui aide à la retranscription ne présente que très peu de problèmes, les intelligences artificielles génératives posent de nombreuses questions en termes de déontologie et d’éthique.

C’est également au niveau de la législation que de nombreux enjeux se jouent. L’Union européenne a adopté l’AI Act il y a quelques semaines, afin de poser les bases d’une réglementation. Mais les rédactions sont aussi inquiètes du poids des GAFAM et autres géants du numérique, notamment sur la question des droits d’auteurs. L’accord de partenariat signé entre la rédaction du Monde et Open Ai soulève la question de l’indépendance future des médias face à l’intelligence artificielle.

Hugo Laulan (EPJT)

Voici les gagnants des prix EMI 2024

La cérémonie de remises des prix EMI 2024 récompense des initiatives sur l’éducation aux médias et à l’information dans six catégories différentes. La journaliste et présentatrice Marie Portolano est présidente du jury.

Marie Portolano et les lauréats des six catégories récompensées lors de la remise des prix EMI 2024. Photo : Susie Bouyer / EPJT

Les membres du jury 2024 étaient nombreux : Marie-Laure Augry (J&C), Serge Barbet (CLEMI), Christophe Boutin (La Nouvelle République), Carole Canette ( Région Centre-Val-de Loire), Elodie Cerqueira (Club de la presse centra-val de Loire), Marie-Laure Chérel (BNF), Marie-Anne Denis (Milan Presse), Sylvain Disson (DAVL) Damien Fleurot (Fondation TF1), Marco Gicquel (Jets d’encre), David Groison (Bayard), Tristan Goldbronn (la chance pour la diversité), Albéric de Gouville (France 24), Patricia Loison (France TV), Olivier Magnin (Ligue de l’enseignement), Charlotte Ménégaux (ESJ Lille), Etienne Millien, Christine Moncla (Radio France), Karen Prevost-sorbe (Clemi), Christophe (Provins CFI), Valérie Robin (Ministère de la culture) et Thierry Vallat (CFI).

La remise des prix a été présentée par Emilie Tardif, directrice déléguée de TV Tours-Val de Loire et responsable de production audiovisuelle du Groupe Nouvelle République, et animée par Marie Portolano. 

Les gagnants

Le prix de la catégorie Rive Sud de la Méditerranée, parrainé par CFI, est adressé à Rabemi, Burundi. Dans le but de promouvoir l’Education aux Médias et à l’Information (EMI) les associations burundaises actives dans le domaine de l’Education aux Médias et à l’Information (EMI) veulent conjuguer les efforts en créant un réseau nommé RABEMI. Ce dernier va aider dans la sensibilisation et la promotion de l’EMI au Burundi afin d’éradiquer les discours de haine et la propagation des fausses informations via les réseaux sociaux. Le prix a été remis par Thierry Vallat, président du CFI. 

Le prix de la catégorie Région Centre-Val de Loire, parrainé par la région Centre-Val de Loire, est adressé au Lycée Rémi Belleau de Nogent le Rotrou -R2B. Par l’éducation aux médias et à l’information (EMI), les élèves apprennent à devenir des citoyens responsables dans une société marquée par la multiplication et l’accélération des flux d’information. Ils développent leur esprit critique et sont capables d’agir de manière éclairée pour chercher, recevoir, produire et diffuser des informations via des médias de plus en plus diversifiés. Le prix a été remis par Gaëlle Lahoreau, vice présidente de la région Centre-Val de Loire, docteure en écologie et rédactrice scientifique.

Le prix de la catégorie Média, parrainé par le CLEMI – Réseau Canopé, est adressé à Milan Presse – Mon permis Smartphone. L’ambition est de comprendre les technologies embarquées, d’acquérir les bons réflexes sur Internet et sur les réseaux sociaux, de éviter les contenus inadaptés, de protéger son image, de maîtriser son temps d’écran, mais aussi de veiller à respecter la vie de la famille et le temps des repas partagés. Mon permis smartphone doit apprendre aux enfants à utiliser intelligemment son premier téléphone.  Le prix a été remis par Serge Barbet.

Le prix de la catégorie Association, parrainé par France Médias Monde, est adressé à Radio Pulsar. Radio Pulsar est une radio FM associative, curieuse et citoyenne basée à Poitiers, diffusant ses programmes dans le département de la Vienne. Créée en 1983, peu après la libéralisation des ondes, par René Cateau et un groupe d’élèves du Lycée des Feuillants, Radio Pulsar émet, depuis 2010, à partir de La Maison des Étudiants, située sur le campus de l’Université de Poitiers. Elle est portée par une centaine de bénévoles, une équipe de quatre salariés, un volontaire en service civique, un Conseil d’Administration et son Bureau. Le prix a été remis par Albéric de Gouville, le président de France 24. 

Le prix de la catégorie bibliothèque, parrainé par le ministère de la Culture, a été adressé à la Médiathèque Le Phénix – Colombelles. C’est une nouvelle catégorie pour les prix EMI.

Le prix de la catégorie École, parrainée par TF1, a été adressé au collège Ali Halidi de Chiconi à Mayotte. Le prix a été remis par Christelle Chiroux, Directrice déléguée de la fondation TF1. 

 

Ce qu’ils ont dit

Marie Portolano (Présidente du jury EMI 2024) : « Je salue tous les projets. Soixante-cinq dossiers ont été sélectionnés. J’ai été heureuse de prendre connaissance de tous les projets. »

Thierry Vallat (PDG de Canal France International (CFI), l’agence française de développement des médias) : « On travaille surtout avec l’Afrique et le monde arabe, on pense souvent que ce qui se passe au-delà de la Méditérannée ne nous concerne pas. Or, c’est le contraire. Nous sommes liés à eux. Il est bon à ce moment précis de s’en rappeler. »

Emilie Tardif (responsable de la cérémonie) « Il a été très difficile pour le jury de choisir les six lauréats.»

Marie-Laure Augry  (journaliste) : « L’éducation aux médias s’est développée dans les établissements scolaires. Il y a une évolution, des initiatives extraordinaires car il y a des projets beaucoup plus ambitieux aujourd’hui. »

Albéric de Gouville  (rédacteur en chef de France 24) : « Faire de l’éducation aux médias dans les prisons c’est essentiel. »

À retenir

La journée consacrée à l’Éducation aux Médias et à l’Information marque l’ouverture des Assises Internationales du Journalisme de Tours. Les Assises, qui se tiennent du 25 au 29 mars 2024, renouvellent une fois encore leur engagement autour de cet enjeu majeur de société et lancent dès aujourd’hui l’appel à candidatures pour les Prix 2024 de l’Éducation aux Médias et à l’Information. Ces prix seront décernés par un jury pluridisciplinaire composé de professionnels des médias, de l’éducation nationale et de l’éducation populaire, avec la participation de collégiens et de lycéens.

Camille Amara

 

 

[INTERVIEW] Jean-Marc Duret : « Je ne serais pas à l’aise en couvrant une rencontre de mon club »

Jean-Marc Duret dans les locaux de La Nouvelle République, lundi 25 mars 2024, avec son article sur la victoire d’Alexis Lebrun lors des championnats de France de tennis de table. Photo : Paul Vuillemin/NR
Jean-Marc Duret découvre le journalisme en devenant pigiste, en rubrique sport, à Nantes, à l’âge de 17 ans. Depuis 2009, il est journaliste sportif à La Nouvelle République et joue au tennis de table à Saint-Avertin, en Régionale 3 dans la catégorie Vétérans 2 (+ 50 ans).

Le journalisme et le sport occupent chacun une place importante dans votre vie. Si vous deviez choisir l’un ou l’autre, que feriez-vous ?

Jean-Marc Duret. Je choisirais les deux. J’ai toujours été très sportif et intéressé par la presse. Le sport, c’est une passion. J’ai joué au basket pendant plus de 20 ans avant de me lancer dans le tennis de table, que j’ai découvert il y a une dizaine d’années, en inscrivant mon fils. J’ai rapidement accroché et commencé la compétition.

J’étais aussi attiré par l’actualité et j’ai demandé à être correspondant sportif à Presse Océan, où j’ai travaillé pendant quatre ans en parallèle de ma licence d’histoire. Puis j’ai décroché un premier poste professionnel dans l’hebdomadaire Courrier du pays de Retz, au sein duquel je traitais l’actualité générale. En réalité, c’est quand je suis arrivé à La Nouvelle République, en 2000, que je me suis réellement spécialisé dans le journalisme sportif.

En tant que joueur de tennis de table, vous avez sûrement plus de relations dans ce sport-là. Arrivez-vous à critiquer des clubs et des joueurs que vous affectionnez particulièrement ?

J-M D. Je connais bien les deux clubs professionnels de tennis de table, masculin et féminin, de Tours. Je les couvre régulièrement et ils savent que je fais la part des choses. Si certains ne me connaissent qu’en tant que joueur, je les préviens en arrivant que je suis là en tant que journaliste. Il y a un bon feeling. Ce n’est pas un star system.

Couvrez-vous les rencontres de votre club ?

J-M D. Au club de Saint-Avertin, nous ne jouons pas à un niveau suffisant pour qu’il y ait régulièrement des articles. Mais je ne serais pas à l’aise de couvrir une rencontre de mon club. Si je n’étais que joueur, je pense que je pourrais. Mais je suis aussi vice-président et je suis donc directement impliqué dans le fonctionnement du club, ce qui entraînerait une situation délicate.

 

Edgar Ducreux 

[RÉSUMÉ] Procédures-bâillons : c’est quoi ? Comment réagir ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Procédures-bâillons : c’est quoi ? comment réagir ? »

Pauline Delmas, Dorothée Archambault, Hugo Coignard et Cécile Dolman. Photo : Annabelle Boos/EPJT

Avec Pauline DELMAS, chargée de contentieux et plaidoyer de Sherpa, Dorothée ARCHAMBAULT, directrice du développement de Media Défense et Hugo COIGNARD, journaliste indépendant. 

Animée par Cécile DOLMAN, journaliste audiovisuelle, enquêtrice notamment chez Off Investigation et Premières lignes Télévision.

 

 

Les enjeux

La difficulté à l’heure actuelle est de trouver la juste définition juridique des procédures-bâillons. Les journalistes pourront ainsi s’en prémunir et garantir le rejet rapide de ces procédures des tribunaux.

Ce qu’ils ont dit

Pauline Delmas (Chargée de contentieux et plaidoyer de Sherpa) : « À l’heure actuelle, il n’existe pas de définition juridique pour parler des procédures-bâillons. »

« L’idée est de donner aux juges plusieurs facteurs qui leur permettraient d’identifier une procédure-bâillon. »

Dorothée Archambault (Directrice du développement de Media Defence) : « Depuis 2-3 ans, la situation des attaques contre les journalistes en France a beaucoup changé. »

« 2022 a été une année record pour les procédures-bâillons en France, qui est même, cette année-là, le pays dans lequel on en recense le plus en Europe. »

Hugo Coignard (Journaliste indépendant) : « L’Ofalp (observatoire français des atteintes à la liberté de la presse) a été créé pour tenter de recenser et d’identifier toutes les procédures-bâillons dont les journalistes et les médias font l’objet. »

« Il ne faut pas pour autant avoir peur de publier un contenu, tant que les informations sont recoupées et vérifiées »

 

À retenir

Aujourd’hui, les procédures-bâillons, c’est-à-dire le fait pour une entreprise ou une institution « d’instrumentaliser la justice pour sanctionner l’expression d’une opinion qui lui serait préjudiciable, en impliquant notamment la personne qui formule cette opinion » selon le ministère de la Culture, se multiplient de plus en plus en France.

Ce phénomène interroge les médias sur l’évolution de la liberté de la presse, normalement garantie en France depuis les lois de 1881. « En arrivera-t-on à un point où les médias vont devoir faire relire toues leurs enquêtes par les avocats ? » s’interroge le journaliste indépendant Hugo Coignard, qui constate que 85 % des procédures-bâillons touchent les médias indépendants. Des médias moins nombreux et avec moins de moyens financiers que les médias traditionnels, placés dans une position plus vulnérable après la publication de leurs enquêtes. Tout l’enjeu pour les journalistes est aujourd’hui de définir ces « procédures-bâillons » pour pouvoir ensuite s’en prémunir. C’est l’objectif de l’Ofalp (Observatoire français des atteintes à la liberté de la presse).

David ALLIAS

 

 

[RÉSUMÉ] Masterclasse autour du Factoscope

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Masterclasse autour du Factoscope »

De gauche à droite : Laurent Bigot, Clémentine Billé et Mariana Grépinet. Photo : Annabelle Boos/EPJT.

Avec Laurent BIGOT, directeur de l’École publique de journalisme de Tours (EPJT), Mariana GRÉPINET, rédactrice en chef de Factoscope et Clémentine BILLÉ, directrice des opérations de Nothing2hide.

 

 

Les enjeux

De plus en plus de fausses informations circulent dans le monde. La vérification des informations et l’éducation aux médias deviennent, dans ce contexte, un enjeu mondial majeur. Créer des outils adaptés à différents publics, comme les journalistes, les militants ou un public élargi, s’impose.

 

Ce qu’ils ont dit

Laurent Bigot (directeur de l’EPJT) : « Factoscope est un outil que nous avons créé au sein de l’EPJT, qui a vocation à mettre en pratique certains savoir-faire journalistiques comme la vérification des informations et l’éducation à l’information. »

« Il y a aussi une partie recherche dans Factoscope, dans un outil appelé faussoventaire. On retrouve toute une base de données qui peut compiler des contenus académiques, une filmographie ou des rapports institutionnels. »

Mariana Grépinet (rédactrice en chef de Factoscope) : « Nous avons quatorze médias partenaires francophones dont huit sur le continent africain. Ils produisent sur des thèmes très variés. Certains sont spécialisés sur la santé ou la science. »

« Il y a énormément de fake news qui circulent sur le continent africain, comme des remèdes miracles ou des vaccins qui rendent malade. »

« Les étudiants de l’EPJT produisent leurs propres papiers de fact-checking et participent à ce travail d’agrégation. »

Clémentine Billé (directrice des opération de Nothing2hide) : « Nothing2hide, c’est une association pour défendre la liberté d’informer. »

« À Nothing2hide, nous savons que nous sommes une petite structure et que nous ne pouvons pas former tout le monde. L’idée est de former des personnes qui pourront elles-mêmes former. »

« On aime bien tout ce qui est open source. Le code est accessible, c’est très participatif. On essaye de ne proposer que des outils gratuits. »

 

À retenir

Factoscope a été créé pour faire face à la prolifération des fausses informations. C’est un portail d’information qui met à disposition de tous des ressources destinées à la vérification des faits et à l’éducation aux médias et à l’information (ÉMI). Le portail est animé par des journalistes en formation de l’École publique de journalisme de Tours (EPJT) en partenariat avec, notamment, Nothing2hide.

Edgar Ducreux (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] Urgence climatique et responsabilités journalistiques : comment les médias s’engagent ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Urgence climatique et responsabilités journalistiques : comment les médias s’engagent ? »

Valérie Martin, Pierre Petillaut, Laurie Debove, Christelle Chiroux, Virginie Énée, Gilles Van Kote. Photo : Arthur Charlier/EPJT

Avec Valérie MARTIN, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’Ademe, Pierre PETILLAUT, directeur de l’Alliance de la Presse d’information générale (Apig), Virginie ÉNÉE, journaliste et co-pilote du réseau Ouest-France, Laurie DEBOVE, co-rédactrice de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique et rédactrice en chef de La Relève et La Peste et Christelle CHIROUX de la Fondation TF1. Gilles VAN KOTE, directeur délégué chargé du développement pour le groupe Le Monde est également présent.

Animé par Jean SAUVIGNON, trésorier et responsable du baromètre de Quota Climat.

 

 

Les enjeux

Qui, dans la salle, est convaincu que le dérèglement climatique est d’origine humaine ? Évidemment, toutes les mains se lèvent. Le sujet de l’urgence climatique doit être davantage traité, et ce dans tous les services d’une rédaction. Des clés sont à disposition des médias, mais le traitement parfait n’existe pas encore. En cause, l’éco-anxiété des lecteurs, le financement des médias et les publicités vers des énergies fossiles, le pluralisme d’opinions ou le climatoscepticisme…

 

Ce qu’ils ont dit

Valérie Martin (cheffe du service mobilisation citoyenne et médias de l’Ademe)  : « On s’est associé aujourd’hui pour travailler sur un commun. Ce commun sera l’élaboration d’un baromètre, sur la façon dont les médias se saisissent de ces enjeux (climatiques, ndlr). Ce commun sera accessible et on en saura plus au mois de septembre prochain. »

Pierre Petillaut (directeur de l’Alliance de la Presse d’Information Générale, Apig) : « Sur les articles consacrés à l’écologie à titre principal, on observe une croissance continue sur ce thème. Notre 3eme vague d’étude montre une progression de 17% sur la période 2021-2023, avec environ 187 000 articles consacrés à ce sujet. »

Laurie DEBOVE (co-rédactrice de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique et rédactrice en chef du média indépendant La Relève et la Peste) : « La charte paraissait nécessaire face au sentiment d’isolement des journalistes qui voulaient traiter de ces sujets-là. Elle vise à réinterroger nos pratiques journalistiques mais aussi à changer la manière dont on aborde ces sujets. »

Virginie ÉNÉE (journaliste et co-pilote du réseau environnement Ouest France) : « Globalement, ça va dans un bon sens. Il reste plein de chemin à parcourir mais depuis un an, beaucoup plus de sujets sont traités et aussi en qualité. »

Gilles VAN KOTE (directeur délégué chargé du développement pour le groupe Le Monde à propos de la Charte Climat & Environnement) : « Comme Ouest-France, on préfère se fixer nos objectifs avec nos lecteurs. Nous par exemple, on a voulu faire disparaître les publicités qui émanaient des énergies fossiles. On a aussi pris des mesures concrètes pour arrêter de faire des reportages en avion. »

 

À retenir

La responsabilité journalistique face à l’urgence climatique ne fait plus débat et ce, depuis une dizaine d’années. L’équation n’est cependant pas résolue : les publicités pour les énergies fossiles posent encore question, tout comme le pluralisme d’opinion, le climatoscepticisme ainsi que la couverture médiatique d’événements militants pour le climat.

Clara Duchêne

 

 

[EN PLATEAU] Marie Portolano : « Le sport est le dernier bastion des hommes »

Marie Portolano est coprésentatrice de Télématin sur France 2. Elle a réalisé un documentaire sur le sexisme dans le journalisme sportif, « Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste », en 2021, et vient de publier un livre sur le même sujet : « Je suis la femme du plateau », en mars 2024. Elle se dit optimiste quant à l’évolution des mentalités dans le milieu.

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[EN PLATEAU] Léandre Leber : « Il faut un lien de proximité entre les médias et les clubs de sport »

Léandre Leber est journaliste fondateur de La Gazette des Sports, un média situé à Amiens (Somme). Il promeut l’Education aux médias et à l’information (EMI) dans les clubs de sport. L’objectif : améliorer les relations entre ces clubs et les journalistes pour contribuer à une meilleure information.

Réalisé par Anne-France Marchand/EPJT

[RÉSUMÉ] La mort de Nahel : quelles leçons éditoriales ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Mort de Nahel : quelles leçons éditoriales ? »
Akli ALLIOUT, Héléna BERKAOUI et Erwan RUTY, de gauche à droite. Photo : Arthur Charlier/EPJT
Avec Akli ALLIOUT, directeur de Kaïna TV (Montpellier), Héléna BERKAOUI, rédactrice en cheffe du Bondy Blog, Erwan RUTY, ancien directeur du Medialab 93, auteur d’Une histoire des banlieues (éditions Les Périgrines). Animé par Nordine NABILI, responsable du master Journalisme de l’IHECS.

Les enjeux

La mort de Nahel Merzouk, 17 ans, tué par un tir policier, représente une énième rupture entre les quartiers populaires et les médias. Le traitement médiatique, télévisé notamment, a insisté sur la violence des jeunes sortis dans la rue et scandant « Justice pour Nahel ». Comment les médias peuvent-ils retrouver la confiance des habitants des quartiers populaires ? Quel rôle ont les médias locaux et les citoyens dans cette démarche ? Quelles lacunes les journaux traditionnels doivent-ils combler pour être à la hauteur de la couverture médiatique ?

Ce qu’ils ont dit

Héléna Berkaoui (rédactrice en cheffe du Bondy Blog) : « Au Bondy Blog, à la mort de Nahel, il y a une énergie folle qui se dégage de la rédaction. En tant que rédactrice en cheffe, je ne voulais pas qu’on fasse d’éditorial. Il y en avait déjà trop. On avait besoin d’entendre la voix des personnes des endroits où ça pète. »

« Quelle colère est légitime ? On n’a pas dit des gilets jaunes et des agriculteurs qu’ils étaient des émeutiers. »

 « Il y a un besoin de renouer une relation avec les médias. C’est très compliqué. Cette relation est très violente et violentée tous les jours sur les plateaux télévisés. »

Erwan Ruty (ancien directeur du Medialab 93, auteur d’Une histoire des banlieues, éd. Les Périgrines) : « L’extrême droitisation politique de certains médias a pour objectif de créer des conditions de rupture dans le récit sur les banlieues. »

« Une presse fragilisée ne va pas faire des expérimentations avec des personnes qui sont elles-mêmes fragiles. Elle va là où elle peut trouver de l’argent. »

« Après 2005, le contre-coup, c’est Nicolas Sarkozy au pouvoir deux ans plus tard. Il a fait un mandat essentiellement contre les banlieues. »

Akli ALLIOUT (directeur de Kaïna TV, Montpellier) : « La question de la jeunesse dans les quartiers populaires n’est pas prise en compte par les pouvoirs publics. Forcément, il y a une dégradation et une amplification de la misère. »

Nordine NABILI (responsable du master Journalisme de l’IHECS) : « On oublie souvent que le journaliste fait d’abord un travail collectif. »

« Les médias sont finalement la synthèse de la société. Mais si la société grince, les médias ne doivent pas forcément grincer à leur tour. »

À retenir

La mort de Nahel est un évènement représentatif du manque de dialogue entre les médias et les quartiers populaires. Cette rupture semble bien avancée : les habitants ne se sentent ni  représentés, ni écoutés. Selon eux, les journaux ne respectent pas leur récit et ne sont présents que dans des moments de conflits intenses comme les révoltes urbaines de 2005.

Le choix des images et des mots a un impact irréversible. Utiliser le mot « révoltes urbaines » au lieu d’« émeutes » apparait comme une solution non-négligeable dans la rédaction des papiers, selon Héléna Berkaoui, rédactrice en cheffe du Bondy Blog. Le traitement médiatique de ces lieux a besoin de travail de proximité et de terrain. Les rédactions doivent aussi se réapproprier les thématiques sociales en se dotant de journalistes spécialisés. Au delà du discours médiatique sur les quartiers populaires, c’est la voix de la jeunesse qui a été mise en sourdine.

Lou Attard

 

[RÉSUMÉ] Journalistes et lanceurs et lanceuses d’alerte : comment travailler ensemble ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Journalistes et lanceur.euse.s d’alerte : comment travailler ensemble ? »
Ariane DENOYEL, Daniel IBANEZ, Nassira EL MOADDEM, Alexandre BUISINE, Agnès NAUDIN. Photo Jules Bourbotte/EPJT
Animé par Ariane DENOYEL journaliste indépendante, Daniel IBANEZ co-fondateur de la Rencontre annuelle des lanceurs d’alerte, Nassira EL MOADDEM journaliste pour Arrêt sur images, MAlexandre BUISINE journaliste et membre du Syndicat national des journalistes et Agnès NAUDIN ex-capitaine de police, journaliste et lanceuse d’alerte. 

 

Les enjeux

Les lanceurs d’alerte sont à l’origine de grands scandales relayés dans les médias. Ce sont eux qui choisissent à un moment de prendre le risque de s’exposer pour faire valoir le droit de savoir. Les journalistes sont leurs relais. Leur bonne collaboration est essentielle.

 

Ce qu’ils ont dit

Daniel Ibanez (co-fondateur de la Rencontre annuelle des lanceurs d’alerte) : « Être lanceur d’alerte, c’est transmettre une information d’une gravité certaine, et attendre des mesures derrière. »

« Il y a une vraie différence entre journalistes et lanceurs d’alerte. Le journaliste interroge la contradiction alors que le lanceur d’alerte ne peut pas l’interroger. »

Agnès Naudin (journaliste, lanceuse d’alerte, ex-capitaine de police) : « Le trait commun des lanceurs d’alerte est l’aversion à l’injustice. »

« C’est quand nous rentrons dans le système des représailles que nous devenons lanceur d’alerte. Pourtant, juridiquement je n’ai toujours pas ce statut-là. »

Alexandre Buisine (journaliste et membre du Syndicat national des journalistes) : « La pierre angulaire du journalisme et des lanceurs d’alerte est la protection du secret des sources. »

« Il doit y avoir une relation de confiance entre eux et une culture du doute de la part du journaliste. Cela demande du temps. »

« Un journaliste lanceur d’alerte se doit de vérifier ses informations mais aussi d’être vérifié. Le fait de passer par un média agit comme un filtre qui protège le lanceur d’alerte. »

Ariane Denoyel (journaliste indépendante) : « Dans les rédactions, il existe une allergie à la complexité et nous, les lanceurs d’alerte, nous arrivons avec des sujets complexes. »

« J’arrive souvent avec d’énormes sujets, mais les médias ne savent pas où me placer. Des scandales de santé publique, il y en a tout le temps. Mais les rédactions ont peur d’alimenter le complotisme. Le Covid a encore tout re-vérouillé. »

 

À retenir

Pour un lanceur d’alerte, convaincre une rédaction qu’il possède une bombe entre ses mains relève du combat. Accusés de complotisme, soumis aux doutes permanents des journalistes et devant faire face aux murs administratifs, les lanceurs d’alerte sont vulnérables. Reconnu juridiquement, ce statut met du temps à être obtenu. Selon Agnès Naudin, les journalistes sont soumis à trop de contraintes hiérarchiques qui les empêchent d’être des lanceurs d’alerte.

Susie Bouyer

 

 

[EN PLATEAU] Aziza Naït Sibaha : « Les médias sont essentiels pour promouvoir le sport au féminin »

Aziza Naït Sibaha est journaliste et présentatrice sur France 24 et la fondatrice du média Taja sport, qui traite du sport « au féminin » dans les régions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Dans le cadre des Assises internationale du journalisme de Tours, le 26 mars 2024, elle s’exprime sur les représentations des sportives dans les médias.

Réalisé par Laura Blairet/EPJT.

[RÉSUMÉ] Les clubs de sport : un nouvel enjeu pour l’éducation aux médias et à l’information

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les clubs de sport : Un nouvel enjeu pour l’éducation aux médias »

Marie-Laure Augry, Léandre Leber, Amar Sy et Damien Fleurot. Photo : Arthur Charlier/EPJT

Avec Léandre LEBER, journaliste à La Gazette des Sports, Amar SY, coordinateur socio-sportif de l’association Drop de Béton : le rugby au cœur de la vie, et Marie-Laure AUGRY, vice-présidente de l’association Journalisme et Citoyenneté.

Animé par Damien FLEUROT, rédacteur en chef adjoint chez TFI/LCI et président de l’association Lumières sur l’info.

 

 

Les enjeux

Quelles mesures adopter pour que les clubs de sport intègrent l’éducation aux médias à leurs programmes ? Comment faire pour que l’éducation aux médias et à l’information devienne une priorité des éducateurs dans les clubs de sport ? Comment faire comprendre aux infrastructures sportives que leur communication est un outil clé dans leur développement et leur rayonnement ? Comment agir pour qu’à l’avenir chaque espace de socialisation (clubs de sport, établissements scolaires…) possède son propre référent EMI ?

 

Ce qu’ils ont dit

Damien Fleurot (rédacteur en chef adjoint chez TFI/LCI et président de l’association Lumières sur l’info) : 

« L’EMI, c’est aussi l’ouverture à la diversité dans les structures. »

« Dans l’EMI, il faut aussi prendre en compte ce qu’il se passe sur les boucles privées sur les réseaux sociaux. Car la désinformation peut aussi commencer là-bas. »

« Il faut faire de l’EMI pour les jeunes, mais également pour les éducateurs qui vont aussi pouvoir transmettre à leurs jeunes ce qu’on leur apprend. »

Amar Sy (coordinateur socio-sportif de l’association Drop de Béton : le rugby au cœur de la vie) :

« Nos générations ont besoin d’ouverture et il faut faire comprendre aux clubs qu’il n’y pas que les performances physiques qui sont importantes. »

« Avoir un éducateur et un journaliste permet d’avoir un discours plus puissant auprès des jeunes. »

« Le paradoxe de cette génération très connectée est qu’elle est particulièrement déconnectée de la société. L’EMI est indispensable. »

Léandre Leber (journaliste à La Gazette des Sports) :

« Les clubs sont les premiers concurrents des médias. C’est important de bien communiquer et cela permet d’ailleurs aux clubs d’augmenter leur nombre d’adhérents. »

« On a une formation passive à l’éducation aux médias. Cela serait bien que les ligues se saisissent du sujet. »

« Parfois, les clubs ne sont pas prêts à ce qu’on intervienne. C’est un travail de fond. »

 

À retenir

L’EMI ne doit pas seulement intervenir dans les écoles, mais doit également être dispensée dans les clubs de sport. Ce sont des structures qui ne sont pour l’instant que peu sensibles à la communication alors qu’elles y sont paradoxalement très exposées. De plus, l’EMI peut permettre aux enfants de se retrouver dans autre chose que le sport s’ils ne font pas carrière. Pour l’instant, les médias manquent de moyens pour généraliser cette pratique sur tout le territoire et de manière pérenne. Mais peut-être qu’à l’image de la semaine de la presse dans les écoles, un mois de l’information dans les clubs de sport verra le jour prochainement, espèrent Damien Fleurot et Marie-Laure Augry.

 

David Allias et Annabelle Boos

 

 

[EN PLATEAU] Romain “Caelan” Albesa : « Les médias traditionnels parlent de plus en plus d’e-sport »

Romain Albesa, dit « Caelan », est le fondateur et manager général de l’équipe e-sport de Solary, basée à Tours. À l’occasion des Assises 2024, il était invité à une conférence dédiée à la couverture médiatique du e-sport en France. Il répond aux questions de Zacharie Gaborit.

Réalisé par Zacharie Gaborit/EPJT.

[RÉSUMÉ] Le journalisme de sport vu du sud de la Méditerranée

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Le journalisme de sport vu du sud de la méditerranée »

Youssef CHANI journaliste de sport chez 2M, Frédéric SUTEAU rédacteur en chef adjoint du service des sports de RFI ; Aziza Nait SIBAHA journaliste chez France24 et fondatrice de TAJA Sports ; Mehdi DAHAK directeur de la publication chez DZFoot. Photo : Susie BOUYER/EPJT
Frédéric SUTEAU rédacteur en chef adjoint du service des sports de RFI ; Youssef CHANI journaliste de sport chez 2M; Mehdi DAHAK directeur de la publication chez DZFoot ; Aziza Nait SIBAHA journaliste chez France24 et fondatrice de TAJA Sports.

 

Les enjeux

Universel, le langage du sport dépasse les frontières. Mais comment est-il parlé du côté de la rive sud de la Méditerranée? Entre information et rentabilité, censure et liberté d’expression, la presse sportive cache des réalités au-delà du jeu.



Ce qu’ils ont dit

Frédéric Sureau (rédacteur en chef adjoint du service des sports de RFI) : «On met beaucoup en avant le storytelling. on nous écoute beaucoup en Afrique donc on parle d’eux.»

«On a en permanence cette volonté de sortir du prisme du football, on essaie de couvrir les championnats d’Afrique d’athlétisme, de basket, etc. mais la question qui se pose : est-ce que cela intéresse le public? Il n’y a pas assez d’études sur la question.»

Youssef Chani (journaliste de sport chez 2M) : « Le traitement de l’information est différent entre médias publics et privés, parce que le premier a une vocation informative et le deuxième est dans une optique de rentabilité ».

«Nous ne faisons pas d’auto-censure. On ne s’arrêtera que quand ils nous demanderont d’arrêter».

Mehdi Dahak (directeur de la publication chez DZFoot) : «Tant qu’on est dans le commentaire, il n’y a pas de souci. Mais dès qu’il y a des enquêtes, cela peut déranger. Nous avons pu parler de certains problèmes de corruption dans le football. Mais il est  vrai que quand il y a une implication politique, il se peut que le journaliste soit censuré. Je n’ai pas d’exemple de média algériens qui ont fermé pour ces raisons-là, mais cela peut arriver».

« Après le printemps arabe, il y a eu une ouverture du paysage médiatique en Algérie, notamment des télévisions privées. Il y avait une liberté pendant près de 3 ans, puis une refermeture après 2014. Les stades sont donc devenus un lieu d’expression».

Aziza Nait Sibaha (journaliste chez France24 et fondatrice de TAJA Sports) : «La Can féminine a montré quelque chose qui rejoint tous les autres sports : quand on a commencé à s’y intéresser, on a enregistré des records dans les gradins». 

«On a encore un grand souci avec le handicap, les handisports sont très peu couverts, alors que les médailles et les drapeaux hissés à la fin sont les mêmes».

 

À retenir

Dans le sud de la Méditerranée, le journalisme sportif peine à couvrir d’autres disciplines que le football par souci de rentabilité. Les médias voient leur volonté d’indépendance et d’ouverture se heurter aux besoins de financement. Mais cela ne les empêchent pas de tenter de conquérir de nouveaux publics. La couverture du sport féminin, en l’occurrence, se développe timidement mais fait déjà son effet dans les gradins. 

Quant à la liberté d’expression, la presse sportive peut être limitée par des lignes rouges quand il est question d’enquêtes et de décryptages sportifs. Une censure parfois implicite et à des degrés différents selon les pays et les différents médias. Pour y faire face, les journalistes estiment qu’il faut chercher d’autres moyens de sensibilisation, notamment par le biais de l’éducation aux médias.

 

Samia ELACHRAKI (EPJT)

 

 

[RÉSUMÉ] « Esport : un nouveau terrain pour le journalisme »

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Esport : un nouveau terrain pour le journalisme ».

Antoine Burbaud, journaliste et co-fondateur des Cafés du sport tourangeau, Paul Arrivé, journaliste spécialisé esport à L’Equipe, Romain « Caelan », Albesa, fondateur et manager de la l’équipe esport tourangelle Solary et Nicolas Thouet, journaliste aux Cafés du sport tourangeau. Photo : Annabelle BOOS/EPJT

Avec Paul ARRIVÉ, journaliste spécialisé esport à L’Equipe et Romain « CAELAN ALBESA », fondateur et manager de l’équipe esport tourangelle Solary.

Animé par Antoine BURBAUD, journaliste et co-fondateur des Cafés du sport tourangeau et Nicolas THOUET, journaliste pour les Cafés du sports tourangeau

Les enjeux

En plein boom en France, l’esport est encore trop souvent associé à des clichés qui n’ont plus lieu d’être. Loin de s’en être affranchis, les médias traditionnels peinent à définir et mettre en place une couverture médiatique efficace du paysage esportif. Entre la communication des clubs et les médias spécialistes déjà existants, se faire une place peut sembler compliqué.

 

Ce qu’ils ont dit

Paul Arrivé (journaliste spécialisé esport à L’Equipe) : « A partir du moment où il y a un affrontement compétitif, des règles et des résultats, on peut considérer ça comme un sport. Le sport électronique à niveau professionnel en est une nouvelle forme ».

 « Le public esport ne cherche pas à être représenté dans les médias traditionnels du fait d’une histoire conflictuelle entre les jeux vidéo et ces médias. On n’en est même pas aujourd’hui à respecter la discipline. »

« Les principaux concurrents des médias dans l’esport sont les éditeurs [de jeux vidéo, Ndlr] et les clubs qui produisent leurs propres contenus ».

« La vraie difficulté est d’avoir à suivre les résultats complets de plusieurs compétitions, dans plusieurs pays, le tout sur une dizaine de jeux différents. Les compétitions se chevauchent souvent aussi. Il fait hiérarchiser. »

« On essaye de traiter de sujets profonds, sociétaux autour de l’esport. C’est dur en termes de temps. Tout bouge très vite, il faut être réactif, tout en étant intéressant. »

Romain « Caelan » Albesa (fondateur et manager de l’équipe esport tourangelle Solary) : « L’esport englobe toutes les compétitions qui touchent aux jeux-vidéo. La seule limite est celle du développement de la ”scène“ de ces jeux, par ses créateurs mais aussi ses spectateurs ».

« L’esport est un milieu très jeune, en train de se former et de se construire. Le développement des joueurs ne suit pas le schéma traditionnel que l’on peut rencontrer dans le sport. Le profil type du joueur est celui d’un jeune qui arrête ses études pour se consacrer entièrement à la discipline avec entre 10 et 12 heures de travail par jour.

« Les qualités d’un bon joueur esport, on les retrouve dans tous les milieux compétitifs : la gestion du stress, la préparation mentale et physique, l’hygiène de vie. En tant que structure, on doit accompagner les jeunes joueurs dans leur développement. »

« Les journalistes doivent être bien informés pour vulgariser et doivent convaincre en interne de l’intérêt du sujet. Beaucoup de combats à mener pour des équipes très peu nombreuses. »

« On pourrait gagner dans l’esport à avoir plus de « statrification » des athlètes. Il y a énormément d’histoires à raconter, des parcours hors du commun. Il s’agit de créer un univers ».

À retenir

La démocratisation de l’esport dans les médias traditionnels doit passer par une refonte de la manière de couvrir ces contenus sportifs. Le public intéressé a déjà ses habitudes de consommation bien définies. L’enjeux pour les médias dit « traditionnels » est d’aller chercher ce public sur son propre terrain à défaut de pouvoir le convertir à une consommation plus conventionnelle des contenus. Il est plus compliqué de convertir un public non intéressé, le décalage est très important.

Jules Bourbotte (EPJT)

 

 

[PORTRAIT] Pepiang Toufdy, l’amour de l’image et de l’éducation aux médias

Pepiang Toufdy a installé le local de « La Fabrique d’Images citoyenne » dans le centre historique de Tours pour « faire sortir les jeunes des quartiers » Photo : Baptiste Villermet / EPJT

Pepiang Toufdy, cinéaste engagé, guide les jeunes des quartiers prioritaires vers l’expression narrative. Avec sensibilité, il forme une nouvelle génération à l’éducation aux médias à travers des projets comme Wanted TV. Son héritage, façonné par un parcours international, ouvre de nouveaux horizons cinématographiques.

Dans le monde du cinéma et de la réalisation, Pepiang Toufdy se tient comme un phare, guidant les jeunes des quartiers prioritaires vers la lumière de la narration. Sa silhouette, forgée par une sensibilité exacerbée aux récits humains, se dresse avec opiniâtreté et détermination. Tel un maestro, il dirige son orchestre d’idées et d’initiatives pour faire résonner la voix de jeunes qui ne se sentent pas toujours écoutés. « Les images diffusées à la télévision ne reflètent pas la réalité de ce qu’ils vivent », explique-t-il, conscient des ombres qui voilent le quotidien de ces habitants dans la presse traditionnelle. Sa critique reste nuancée, respectueuse du travail journalistique, mais il pointe les lacunes de la représentation médiatique de ces réalités.

 

À la tête de l’association Prod’Cité, il érige un pont entre les mondes, offrant aux jeunes la possibilité de s’approprier la caméra pour raconter leurs histoires. Dans ce laboratoire d’expression nommé La Fabrique des Images citoyenne, il forme les jeunes à l’éducation aux médias. Grâce à l’émission Wanted TV, en collaboration avec TV Tours et diffusée deux fois par an, les jeunes sélectionnés travaillent la maitrise de l’image et du journalisme. Pour Sébastien Brangé, journaliste indépendant et réalisateur, formateur à Wanted TV, « Pepiang veut favoriser l’accès aux médias. Il est très pédagogue et sait guider les jeunes puisqu’il connait bien ces quartiers ».

 

Une persévérance payante

Tenace et volontaire, Pepiang est à l’initiative de plusieurs projets qui se succèdent en France et ailleurs. Né à N’Djamena, capitale du Tchad, en 1988, il est resté très attaché à son pays d’origine, quitté à 15 ans pour aller étudier en France. Un an plus tard, il tombe amoureux du cinéma en participant à des ateliers à l’éducation audiovisuelle portés par Sans canal Fixe. Ses premiers pas sont une révélation. Lettres de l’étranger, son premier court-métrage, est un message d’amour à sa mère, un témoignage poignant de son arrivée en France. En 2013, son premier long métrage, Esclavage moderne de Fatou, a donné voix aux silences oppressants de l’injustice. Récompensé au festival Écrans Noirs au Cameroun, il a gravé son nom dans les annales du cinéma africain.

 

Pepiang ne s’est pas arrêté là. Il a érigé un temple dédié au septième art, avec le festival Toumaï Film International. Cette détermination lui a été transmise par des professionnels durant sa formation. Une formation qui l’a mené jusqu’en Chine, à la Beijing Film Academy. Il y a appris un nouvel aspect de l’écriture cinématographique et de la nécessité de faire du social dans son travail. Nicolas Sourisce, ancien directeur de l’EPJT, a été amené à collaborer avec Wanted TV et estime que « Pepiang est avant tout tourné vers l’aspect sociologique du documentaire.»

 

Camille Amara-Bettati

[EN PLATEAU] Jérôme Bouvier : « On ne peut pas ignorer le massacre des journalistes à Gaza »

Jérôme Bouvier est le président de Journalisme & citoyenneté, association organisatrice des Assises du journalisme de Tours. Il lance le mardi 26 mars 2024 la 17e édition des Assises. Au programme cette année : le sport, l’éducation aux médias et la situation des journalistes sur les théâtres de guerre.

Réalisé par Maël Prévost/EPJT.

[RÉSUMÉ] « Le journalisme de sport dans l’éducation aux médias et à l’information »

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le journalisme de sport dans l’éducation aux médias et à l’information »

Karen PREVOST SORBE, Romane PELLEN, Myriam ALIZON, David ALLAIS et Assia HAMDI. Photo : David Allias/EPJT

Avec Myriam ALIZON, créatrice et rédactrice en cheffe du magazine A Fond! ; Assia HAMDI, journaliste et intervenante à La Chance pour la diversité formée avec le Collectif Les Incorrigibles ; Romane PELLEN, journaliste intervenante à La Chance et ancienne bénéficiaire de la Prépa Égalité des Chances ; Karen PREVOST SORBE, coordinatrice académique CLEMI, formatrice et professeure.

Animé par David ALLAIS, directeur général de La Chance pour la diversité dans les médias.

 

Les enjeux

À quelques mois du lancement des jeux Olympiques, le journalisme de sport est au centre de l’éducation aux médias et à l’information. Les membres du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (CLEMI) s’allient aux journalistes sportifs et aux lieux d’enseignement pour former les jeunes élèves.

 

CE QU’ILS ONT DIT

Karen Prevost Sorbe (coordinatrice académique CLEMI ) : « Il y a urgence à développer l’éducation aux médias et à l’information dans les écoles. C’est un enjeu sociétal d’éduquer nos jeunes sur les questions de l’information et des médias. On a besoin des médias pour y arriver. »

« Il faut aussi aller dans les zones rurales et enclavées. C’est important de faire un focus aussi dans ces zones-là et pas seulement dans les grandes villes. »

« La visée de l’EMI est de faire des citoyens, pas des apprentis journalistes. Ils doivent avoir le goût de l’information et avoir les outils pour se tenir informés. »

Romane Pellen (journaliste intervenante à La Chance) : « Parler du sport, c’est parler d’autres sujets. Il faut montrer que la pratique sportive est disponible pour tous. Il y a une ouverture de la parole parce qu’on vise des jeunes qui ne s’expriment pas forcément en classe. »

« Pendant les ateliers, on voit une certaine évolution chez quelques élèves. Quand tout fonctionne et que tout le monde se met à fond dans le projet, ça permet de faire grandir les élèves mais nous aussi, journalistes sportifs. »

Assia Hamdi (journaliste et intervenante à La Chance) : « Certains professeurs ne se sentent pas légitimes de parler de sport alors qu’il n’y a pas besoin de tout savoir sur le sujet pour le faire. »

« La problématique principale des enseignants est de captiver les élèves. Le sport est un très bon moyen pour ça et j’espère que les associations vont continuer à agir. Mais la rémunération est indispensable, autant pour les journalistes que pour les athlètes. »

Myriam Alizon (créatrice et rédactrice en cheffe du magazine A Fond!) : « Le sport permet des récits. Il n’y a pas de raison que l’EMI ne s’applique pas au sport puisqu’il fait partie de la vie. Le sport fait partie de la vie des jeunes. »

« Les champions sont là et sont plus accessibles que pour les grands journaux. Les sportifs sont contents de pouvoir s’adresser à des jeunes. Ils nous répondent souvent positivement. C’est motivant pour les élèves. »

À retenir

Le journalisme sportif est un outil qui permet aux élèves d’apprendre à s’informer. Ces ateliers sont aussi l’occasion de renouer des liens entre les jeunes et les journalistes. Ce mouvement est poussé par l’arrivée des jeux Olympiques cet été mais tous les porteurs de projets semblent prêts à continuer l’aventure dans un but précis : former des futurs citoyens.

La question de la rémunération représente un point central de cette coopération. Les journalistes demandent à être payés, tout comme les sportifs qui participent aux compétitions olympiques et qui vivent parfois dans la précarité. La thématique du sport permet aux élèves de parler de sujets qui les accompagnent au quotidien.

Arthur Charlier (EPJT)

 

 

[INTERVIEW] Quentin Müller : « J’ai fait mon travail, raconter des faits et les prouver »

Quentin Müller est désormais rédacteur en chef de la rubrique International de Marianne. Photo : Lou Attard/EPJT

Début 2024, TotalEnergies Yémen a été assigné en justice pour avoir pollué les sols de la région de l’Hadramaout. Cette plainte intervient après une enquête dans L’Obs de Quentin Müller. Il revient sur l’enquête qui lui a valu le Grand Prix Varenne de la presse magazine 2023. 

Parlez-nous de votre attrait pour la péninsule arabique et particulièrement pour le Yémen.

Quentin Müller. J’ai eu un déclic lors de mon premier reportage en Galilée, dans le nord d’Israël. J’ai été pigiste pendant dix ans dans les pays du Golfe. Je n’avais pas envie d’errer de pays en pays, y passer deux semaines et après passer à autre chose. Je voulais me poser dans une région et comprendre les dynamiques géopolitiques. Avec mon collègue Sebastian Castelier, on a travaillé sur Oman et beaucoup d’histoires ressortaient sur le Yémen qui partage une frontière avec ce pays. J’ai commencé à faire des allers-retours pendant deux ans avant de finir par y aller plus longtemps. Quand je suis arrivée à Socotra, une île du Yémen, je ne pouvais pas croire que de tels paysages existaient. Plus tard en 2022, je prends connaissance de pollutions d’entreprises pétrolières étrangères. Beaucoup de personnes meurent de cancer à cause de ça. Je me dis tout de suite qu’il fallait y aller.

Dans votre une enquête, vous mentionnez « une brillante étude du think-tank américano-yéménite Sana’a Center, sans laquelle cette enquête n’aurait pas démarré ». Comment avez-vous pris connaissance de cette étude ?

QM. En 2020, après un reportage à Bagdad, en Irak, je suis tombé sur cette étude qui parlait de pollution dans l’Hadramaout, une région magnifique. Un chercheur parlait d’entreprises pétrolières, sans mentionner que c’était TotalEnergies. Il y avait beaucoup de problèmes listés de manière précise sur une zone d’exploitation pétrolière appelée le bloc 10. Je me dis tout de suite que c’est quelque chose d’énorme. Je me promets que si un jour je vais au Yémen, je vais faire un reportage là dessus.

Comment avez-vous déjoué les éléments de langage du service de communication de TotalEnergies ?

QM. Les multinationales ne vont pas reconnaître avoir fait des erreurs. Je les ai contactés très tard pour consolider tout ce que j’avais sur le dossier. Au-delà de la déontologie journalistique, ce qui était très important, c’était de voir où est-ce qu’ils allaient se prendre les pieds dans le tapis. Je voulais voir leurs contradictions en leur posant des questions dont j’avais les réponses. Ça n’a pas été très compliqué pour moi de prouver que c’était des mensonges. Au début, je me disais qu’ils allaient peut-être me jeter le doute, qu’ils allaient produire des rapports qui me causeraient des maux de tête. Quand j’ai vu leurs réponses, j’ai su que c’était bon. J’étais convaincu que j’avais vraiment quelque chose de concret parce que leurs arguments étaient totalement à côté de la plaque. Ils n’ont même pas répondu à certaines questions. J’avais des preuves tellement solides: des rapports gouvernementaux officiels yéménites, des extraits d’échanges entre Total et des plaignants yéménites et des témoignages d’ingénieurs et de personnes sur place.

Qu’est-ce que ça vous fait de savoir que votre enquête a donné la force à ces personnes de témoigner après un premier échec de plainte en 2015 ?

QM. C’est très gratifiant. Ça arrive peut-être quelquefois dans la vie d’un journaliste, c’est très rare que ça aboutisse à un procès et en même temps, je joue ma crédibilité. Je suis très heureux d’avoir donné un peu d’espoir. Malgré toute la souffrance que j’ai pu voir durant cette enquête, je n’ai pas franchi cette limite. J’ai juste fait mon travail, c’est-à-dire raconter des faits et les prouver avec des documents.

Propos recueillis par Lou ATTARD

[ENQUÊTE] Quand journalistes sportifs et clubs de football se livrent au match de l’info

La démocratisation des outils numériques, des plateformes de partage ont nettement participé à la prise de poids des créateurs de contenus sportifs. Photo : Axel Monnier/EPJT
Le journalisme sportif est-il en danger ? C’est ce que laisse penser la mainmise croissante des clubs sur leur communication dans le football français. Des entreprises qui s’appuient sur le crédit des journalistes pour bonifier leur image et se développer comme de véritables marques.
Après une semaine éprouvante, Matthieu Lecharpentier, alias Mattcharp sur X, entame « son deuxième boulot ». Responsable sécurité santé et environnement en Bretagne, il contribue, 35 heures par semaine, à Rouge Mémoire. Un site de référence pour les supporters du Stade Rennais, né en réponse aux railleries des finales perdues par le club breton entre 2009 et 2014. Aucun signe distinctif ne l’identifie comme un site de supporter. Un look moderne, aux couleurs rouge et noir, de Rennes qui pourrait tout aussi bien être une extension d’un journal régional. « On collecte les infos et on les introduit sur le web. Je me demande pourquoi je ne suis pas devenu journaliste », sourit Matthieu Lecharpentier. Au total, il a récolté, recoupé et classé près de 700 000 archives sur le Stade Rennais. « Notre but, explique Mattcharp, c’est de communiquer sur le club et d’en parler de façon positive. » Des datas infinies des effectifs, du nombre de buts, de saisons ou de scores mais aussi des « entrevues » aux allures d’interview avec des anciens joueurs mythiques, participent à cette mise en valeur.  Ce qui rend la frontière entre le journalisme et la communication de plus en plus poreuse et compromet le travail et les relations des journalistes avec les clubs.

Le Paris Saint-Germain, Rennes et d’autres équipes de Ligue 1 produisent des entretiens sur YouTube. Très actifs sur les réseaux sociaux, ils bénéficient d’une audience toujours plus importante et dont tout l’écosystème du football français souhaite profiter. « Nous ne sommes pas fous, les journalistes nous sauteraient dessus si on s’asseyait à leurs côtés en tribune de presse. Nous n’avons pas de lien direct avec les joueurs », assène Matthieu Lecharpentier. Aujourd’hui, les neufs contributeurs de Rouge Mémoire sont tout de même invités à chaque match. À la demande de la direction, ils ont même contribué à la création de la « Galerie des Légendes », un espace qui retrace l’histoire du club depuis 1901. « On supporte et on aide le Stade Rennais. Notre rôle est de reconstruire la narration du club mais nous ne faisons pas de journalisme », poursuit le fan des Rouge et Noir. Le Stade Rennais pose des limites claires entre créateurs de contenus et journalistes.

 

Des clubs juges et bourreaux

Ce qui semble plus difficile au PSG depuis le rachat par les Qataris, en 2011. Le club s’ouvre à d’innombrables marchés internationaux tout en se fermant de plus en plus aux journalistes. Une pratique classique pour Yann Philippin, journaliste à Mediapart et spécialiste de l’institution parisienne : « Verrouiller l’info pour avoir une couverture presse la plus positive possible : toutes les entreprises le font. »

La presse quotidienne régionale n’est pas épargnée, comme l’explique Frédéric Launay, rédacteur en chef des sports de La Nouvelle République. Après un match Nîmes-Tours FC, en 2017, Jean-Marc Ettori, président du club tourangeau, passe le mot à son chargé de communication : « Les joueurs ne parleront plus à Monsieur Launay. » En cause, un papier critique sur l’entraîneur Jorge Costa.

Il semble que le PSG aille plus loin dans la stratégie de « la carotte et du bâton », confie Yann Philippin. Lorsque tout se passe bien, le club récompense. Dans le cas contraire, il sanctionne. L’Équipe en a fait les frais peu après l’arrivée de Lionel Messi au club, en 2021. Après que la rédaction ait divulgué le salaire de la star argentine, les dirigeants se sont braqués et ont fermé temporairement les portes des conférences de presse et des entraînements aux journalistes de L’Équipe. Selon Yann Philippin, l’enjeu pour les journaux sportifs réside dans un échange de bons procédés. « Au foot, la presse spécialisée a besoin du club. Ces derniers ont donc un moyen de pression. Et le PSG sanctionne tous les écarts. » Un engrenage auquel il est fier d’échapper avec Mediapart, puisque le pure player ne traite pas des résultats sportifs.

Le PSG fait encore plus pour s’attirer les bonnes grâces des journalistes, a révélé Yann Philippin dans son enquête. D’abord, il permet à certains d’entre eux d’intégrer, sur invitation, le « carré vip » où se mélangent politiques, hauts-fonctionnaires et célébrités. « Une façon peu coûteuse pour le club de s’attirer les faveurs de certaines personnes », poursuit-il. Pour Jean-Martial Ribes, ancien directeur de la communication du PSG, c’est le « power of football ».

 

L’important c’est de participer

Après un voyage de presse organisé par le club, l’ancien rédacteur en chef de France Football, Pascal Ferré, a écrit des articles élogieux sur le PSG et son écosystème, dont un portrait flatteur du président, Nasser Al-Khelaïfi. Aujourd’hui, l’ancien journaliste de France Football occupe le poste de responsable de la communication de l’équipe parisienne. Pour Nelson Monfort, commentateur du patinage artistique sur France Télévisions, cette pratique nuit au journalisme. « Les agences de communication, les fédérations ou autres organisateurs de tournoi engagent de plus en plus des commentateurs et chroniqueurs à leurs bottes. Il faut être très intelligent pour engager quelqu’un qui peut être amené à nous critiquer. » Le PSG n’est pas le seul à l’avoir fait. Jacques Cardoze, ancien journaliste du service public, désormais chroniqueur dans l’émission de Cyril Hanouna, « Touche pas à mon poste », sur C8, a également occupé le poste de directeur de la communication à l’Olympique de Marseille.

Le football français entretient le flou entre communication et journalisme. Les clubs recrutent des influenceurs, des community managers qui ont un accès exclusif aux joueurs. Une véritable remise en question de la place et du rôle du journaliste sportif. Mais, Yann Philippin conserve tout de même l’espoir « que la communication du club ne se substitue complètement à sa couverture par les journalistes ».

David Allias, Théo Lheure et Jules Rouiller

[INTERVIEW] Sophie Rolland : « Les compétitions doivent intégrer les enjeux environnementaux pour de vrai »

Sophie Roland est formatrice aux enjeux de climat et de biodiversité pour les rédactions. Photo : Irène Prigent/EPJT.

La charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence climatique le démontre : la volonté de traiter des sujets environnementaux est de plus en plus forte au sein des rédactions. Des cellules dédiées ou des rubriques environnement ont vu le jour. Mais cette thématique concerne tous les services, sport inclus. 

Comment forme-t-on aux enjeux climatiques ?

Sophie Rolland.  Le but de la formation est de proposer de nouveaux angles, pour des sujets d’adaptation. D’abord, on rappelle les bases scientifiques. On explique ensuite l’importance d’intégrer cette question à tout traitement médiatique. Je prends toujours l’exemple du sport. Interroger le choix des sportifs, c’est aussi éclairer le débat public.

Comment aborde-t-on la question des enjeux climatiques dans le sport ?

S.R. Les Jeux olympiques, ça pourrait être le moment-clé pour s’intéresser aux enjeux. Au-delà de l’organisation de la compétition, c’est le régime des athlètes par exemple qu’on peut interroger. Questionner l’empreinte carbone des touristes, le climat mais aussi la biodiversité. Les compétitions doivent intégrer les enjeux environnementaux pour de vrai. Le rôle des journalistes, c’est d’aller voir jusqu’au bout la manière dont elles l’intègrent ou pas.

Les rédactions sont-elles assez sensibilisées ?

S.R. Pour l’instant, les rédactions ne s’emparent pas assez de ces questions. Il s’agit en fait de remettre en cause des décisions politiques en amont des compétitions. Pour le Qatar par exemple, la décision avait été prise il y a trop longtemps, c’était trop tard. Pour les futures grandes compétitions, dont la Coupe du monde de 2030 qui devrait s’organiser sur trois pays, on devrait déjà remettre en question ce choix dans les rédactions. On devrait se poser ce genre de questions : est-ce qu’on peut organiser des manifestations sportives comme ça ? Est-ce qu’on ne devrait pas renoncer à organiser une compétition avec un impact environnemental aussi élevé ? Le Shift Project a récemment publié un rapport sur la décarbonation des stades. On pourrait par exemple poser la question dans nos articles : comment décarboner les stades ? La formation donne les bases. Maintenant, les réflexions actuelles portent sur une formation plus spécifique.

                                                                                                       Propos recueillis par Clara Duchêne et Victoire Renard Dewynter (EPJT)

[PORTRAIT] Nelson Monfort, des terrains à la scène

Photo : Arthur Charlier/EPJT

Nelson Monfort, journaliste et commentateur sportif, prépare son clap de fin pour se consacrer à toutes ses autres passions. Retour sur un parcours marqué par quatre « H ».

Du courage, il en faut pour l’arrêter. Aussi bavard que téméraire, Nelson Monfort s’apprête à dire au revoir aux caméras après les Jeux olympiques de Paris cet été. Pourtant, à 71 ans, il n’est pas encore prêt à tirer sa révérence. Derrière sa personnalité unique et son hyperactivité, l’animateur vedette de France Télévisions prépare sa nouvelle vie sur les planches. Au sous-sol d’un hôtel parisien, Nelson Monfort se met en scène dans une salle de théâtre aux fauteuils en velours rouge, pour l’instant vacants. Une aventure qu’il vit avec son acolyte de toujours, le patineur, devenu commentateur, Philippe Candeloro. Quelques semaines avant la grande première, il revient non sans émotion sur 40 ans de carrière à la télévision.

Humanité. Plus jeune, il se destine à la communication et la publicité. Pourtant, à 35 ans, il entre à France TV. Nelson Monfort voulait travailler en extérieur, « aller à la rencontre des gens et devenir un passeur d’émotions ». Il continuera à le faire avec sa comédie. Entre deux répliques, le journaliste grisonnant s’assoit et se rappelle ses déboires maladroits. En 2012, il propose à une nageuse de dédier sa médaille à sa mère, décédée quelques mois plus tôt. Une question « pleine de compassion » qui l’a abimé : « Je me suis dit « we have a problem ». On m’a dit que j’exploitais sa détresse alors que c’était totalement l’inverse. Je l’ai très mal vécu. » L’émotion le prend, ça ne fait pas partie du spectacle. « C’est quelqu’un qui a le cœur sur la main », assure son grand ami, Philippe Candeloro.

Humour. Le célèbre Monfort doit une partie de son succès à ses plaisanteries raffinées et ses gaucheries. Il n’a d’ailleurs pas changé, puisque quand il s’agit de répéter sa pièce, trous de mémoire et rires intempestifs perturbent dès le premier acte. Déjà en 1995, alors que Michael Chang s’incline en finale du prestigieux tournoi de tennis de Roland Garros, Nelson entre en scène. « Ce jour-là, résonne un brouhaha. Je comprends qu’il remercie, après le match, un certain Luigi, le pizzaiolo du coin, enfin j’en sais rien. J’apprends après qu’il remercie Jésus après chaque match, explique le passionné de sport. Mais à l’antenne, on ne peut pas se contredire. Je me dis que je vais être viré. Finalement, 25 ans après, on en rigole encore. » Drôle, le commentateur l’est bien plus qu’on ne l’imagine, « on a l’impression que c’est un garçon un peu chicos, coinços à l’anglaise mais il rigole tout le temps », s’amuse Philippe Candeloro.

Humilité. Nelson Monfort a bataillé pour s’imposer. Quand il débute, l’héritage linguistique de son père américain et de sa mère néerlandaise lui permettent de couvrir de grandes compétitions. « En athlétisme, comme il y a davantage d’athlètes étrangers que français, il fallait parler anglais. I’m an American citizen so I can speak English very well. »

Toute sa vie, il a pratiqué le hockey sur glace, le ski, le tennis et la natation. Mais le patinage, jamais. Pour Paul Peret, rédacteur en chef adjoint à France TV, le célèbre commentateur a été assigné au patinage artistique notamment du fait de son attrait pour l’art : « Il va pouvoir parler de musique, de mouvements, c’est artistique donc il peut très bien en parler. »

Honnêteté. « Si tout était à refaire, je ne recommencerais pas. » Gorge nouée, anxieux, mains moites, l’icône de France TV n’oublie pas les « petites blessures qui [l]’ont marqué ». Nelson ne parle plus avec sa tête, c’est son cœur qui le fait. Pour lui, les réseaux sociaux ou « fléaux sociaux » ont créé un éloignement entre journaliste et athlète. Ça lui manquera, c’est certain, même s’il espère encore ajouter à son palmarès le Tour de France masculin. Loin de se tourner les pouces en attendant sa chance, monsieur Monfort s’adonne au théâtre. Pour celui qui adore chanter du Sinatra, ou les Beatles, « l’essentiel c’est de ne pas s’ennuyer  ».

 

Arthur Charlier et David Allias

Nos publications 2024

Mardi 26 mars débutent les 17e Assises internationales du journalisme à Tours. A cette occasion, les étudiants en première année du master de l’EPJT réalisent La Feuille, dont les numéros seront distribués lors des Assises mais que vous pouvez également trouver ci-dessous.

Bonne lecture

 

 

 

 

[REPORTAGE] Le TFIEJ, l’événement sportif préféré des futurs journalistes

Photo : Susie Bouyer/EPJT

Le tournoi de football inter écoles de journalisme s’est déroulé samedi 23 mars. L’occasion pour les futurs journalistes de se rencontrer autour d’un événement sportif et de développer un esprit de solidarité.

Ambiance festive, chants et fumigènes… Les quatorze écoles de journalismes reconnues par la profession arrivent au complexe sportif du Vieux Melchior à Sassenage, samedi 23 mars. Environ un millier d’étudiants se sont rassemblés pour participer au Tournoi de Football Inter Écoles de Journalisme, plus communément nommé le TFIEJ. Organisé chaque année depuis 2008, il s’est déroulé cette année dans la banlieue grenobloise, à la suite de la victoire de l’École de journalisme de Grenoble l’an passé.

Unique événement où toutes les écoles se rencontrent durant l’année, le TFIEJ est un moment important dans le cursus d’un étudiant en école de journalisme. Un tournoi de football certes, mais pas que. Le classement général du TFIEJ ne prend pas uniquement en compte les résultats de la compétition sportive. D’autres épreuves sont également organisées pour tenter d’inclure les élèves qui ne souhaitent pas participer au tournoi en tant que joueur.

Avant la rencontre, un concours de la meilleure photo de capitaine et du meilleur teaser est organisé sur les réseaux sociaux afin de préparer les face-à-face et faire monter l’engouement autour du tournoi. Une préparation qui prend plusieurs mois, notamment pour organiser la venue de chaque promotion dans la ville hôte, qui se trouve parfois à l’autre bout de la France. Un prix de l’ambiance et de la meilleure mascotte sont également décernés en fonction des nombreuses animations proposées par les différentes écoles lors de la pause-déjeuner. Au programme, danses, musiques et défilés pour maintenir la bonne ambiance durant toute la journée. Alexis Cécilia-Joseph, journaliste pigiste à France TV et LCI et ancien étudiant du CUEJ à Strasbourg, est allé deux fois au TFIEJ. Pour lui, c’est surtout l’occasion de « de tous se rencontrer pour jouer au foot dans une ambiance sympa ».

Un aspect fédérateur

Mais le TFIEJ, c’est également un événement qui permet de montrer son attachement à son école. S’il s’agit d’un moment de rencontre entre futurs collègues, la journée permet également aux différents étudiants de développer un esprit de corporation de la profession. « C’est sûr que ça fédère » explique le jeune journaliste, qui a terminé son cursus en 2022. Une certaine fierté de l’école qui s’étend également sur les années d’après. Alexis Cécilia-Joseph est venu soutenir son école en 2023 à la suite de son cursus au CUEJ. « Je voulais venir soutenir les M2, dont on était proche et revoir des personnes qu’on avait parfois croisées dans nos stages. Il y a aussi une certaine fierté de voir leur parcours au sein de la compétition. » Cette année, à l’issue du tournoi, c’est finalement École de Journalisme de Cannes (EJC) qui remporte le TFIEJ 2024 et qui organisera la prochaine édition.

Annabelle Boos