[Podcast] “The Female English Podcast” interroge les thématiques des Assises

« The Female English podcast » est un projet mené par les étudiantes de plusieurs écoles de journalisme, dans le cadre des Assises internationales du journalisme de Tunis. Ensemble, Awatef Ouni, Thouraya Rimeni (Ipsi, Tunisie), Laure D’Almeida, Irène Prigent et Clara Jaeger (EPJT, France) se sont réunies pour parler des problématiques transversales à l’événement. Chacun des épisodes revient sur l’une des thématiques des Assises et fait intervenir ses actrices.

Parler d’investigation

Dans ce premier épisode, Clara Jaeger, Irène Prigent et Thouraya Rimani sont parties à la rencontre de Caroline Hayek, grand reporter pour L’Orient le jour.

Parler de genre

Dans ce second épisode, Laure D’Almeida et Awatef Ouni s’interrogent sur la façon dont les médias parlent des violences faites aux femmes et des questions de genre. Les deux jeunes journalistes en profitent pour analyser la façon dont les médias tunisiens et français traitent de ces sujets.

Réalisé par Awatef Ouni et Thouraya Rimeni/Ipsi
Laure D’Almeida, Irène Prigent et Clara Jaeger/EPJT

[Podcast] Le regard des participants

Mondher Ben Ibrahim, réalisateur de cinéma et de télé à la Nefzawa TV en Tunisie, Marwa el Ariky, directrice de rédaction du Hodaj au Yemen et Célina Braidy journaliste à la LBC et étudiante à l’Université Libanaise, ont échangé leurs points de vue sur les Assises. Est-ce que les Focus Yémen, Liban et Tunisie ont bien représenté la situation et les problèmes des journalistes dans leurs pays ? Les participantsont partagé leurs expériences et problèmes, surtout l’urgence du journalisme en cas de guerre et crises économiques, ainsi que le journalisme associatif. Débat en arabe animé par Ilda Ghoussain, étudiante de l’Université libanaise

Réalisé par Ilda Ghoussain/Université libanaise.

[INTERVIEW] Caroline Hayek : «Beaucoup de journalistes franco-libanais ont songé à partir»

Photo : Irène Prigent/EPJT

Caroline Hayek est une journaliste franco-libanaise installée au Liban. Après sa série de reportages sur les explosions qui ont touché Beyrouth, elle a été récompensée du prix Albert Londres 2021. Elle continue aujourd’hui d’enquêter sur des sujets de société au sein du quotidien francophone L’Orient-Le jour. Elle évoque les difficultés rencontrées dans ce pays marqué par la guerre civile et la crise économique.

Pourquoi avoir choisi de travailler au Liban ?

Caroline Hayek. Parce que c’est mon pays, je suis franco-libanaise. Je suis née au Liban et j’ai grandi au Liban. Quand je suis rentrée [au Liban] fin 2010 après mes études en France, je n’avais pas en vue le métier de journaliste. J’ai travaillé auprès d’architectes dans le design. A un moment donné, je me suis dit : « stop », il faut que je revienne auprès de ce que j’aime faire, c’est-à-dire écrire. Je me suis lancée en tant que pigiste pour des magazines notamment culturels. J’ai ensuite trouvé un poste à l’Orient-Le-Jour. On m’a fait confiance alors que j’avais vraiment très peu d’expérience. Cela fait sept ans maintenant que je travaille là-bas et j’en suis très heureuse.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux reportages de société ?

C. H. Au début, je couvrais essentiellement la guerre syrienne depuis Beyrouth. On n’y allait pas pour des raisons sécuritaires et notamment budgétaires. Quand je suis passée aux informations locales, je me suis intéressée à plusieurs problématiques. Juste après les explosions du port de Beyrouth, j’ai voulu donner la parole aux Beyrouthins mais également aux réfugiés syriens qui ont souffert de ces explosions. De fil en aiguille, j’ai couvert plusieurs thématiques de société, notamment la pédophilie au sein de l’église au Liban. Je suis aussi beaucoup les élections législatives qui vont se dérouler en mai normalement. C’est une période assez intéressante et enrichissante au Liban.

Quels obstacles rencontrez-vous dans l’exercice de votre métier quand vous vous confrontez à de tels sujets ?

C. H. Au sein de la rédaction, je ne suis pas entravée. On a vraiment le champ libre parce qu’on est un média indépendant. Nos actionnaires ont leurs business à l’étranger donc on ne dépend pas des partis politiques, ni de pays étrangers. Ils n’interfèrent jamais dans nos choix rédactionnels. En revanche, on a parfois des réactions assez terribles de la part de nos lecteurs. Je reprends le cas de la pédophilie au sein de l’église. Quand on s’attaque à un membre au sein d’une communauté religieuse, c’est toute la communauté qui monte au créneau et c’est assez compliqué à gérer. Quand je traite la question des réfugiés syriens, il y a beaucoup de racisme. C’est très dur de faire bouger les lignes et de combattre les stéréotypes au quotidien.

Avez-vous déjà subi des pressions ou des menaces ?

C. H. Jamais de menaces. Des pressions, oui. Des appels ici et là…Des personnes qui demandent : « Qu’est-ce que tu prépares ? » ou bien qui disent « Ça on préfère ne pas en parler ». J’ai quelques procès sur le dos notamment de business men syriens, proches du régime de Bachar Al Assad. Je ne suis pas trop inquiète. On va bientôt sortir une enquête sur les écoles financées par le Hezbollah. Pour cet article, on s’est heurtés à plusieurs obstacles, mais sans jamais recevoir de menaces, parce que tout le monde sait déjà la plupart des informations que l’on a rassemblées.

Comment avez-vous procédé lors de votre enquête sur les familles réfugiées syriennes victimes des explosions ?

C. H. En couvrant la guerre syrienne pendant six ans, j’ai monté un grand réseau en Syrie et au Liban. De fil en aiguille, j’ai interrogé une personne puis une autre. Je me suis laissée guider jusqu’à trouver des familles qui ont malheureusement été touchées. Les réseaux sociaux sont aussi des outils merveilleux parce que tout le monde partage ses expériences. C’est comme ça que j’ai pu trouver certaines familles endeuillées.

Les explosions du 4 août ont-elles marqué un changement dans la profession de journaliste ?

C. H. Je ne dirais pas après les explosions. C’est surtout à cause de la crise économique. Parce que vivre en tant que journaliste au Liban quand vous êtes payés des cacahuètes, ce n’est plus possible. J’ai de la chance parce qu’avec notre rédaction, on tient le coup. Nos actionnaires investissent beaucoup pour nous garder. Mais beaucoup de journalistes franco-libanais ou qui ont une autre nationalité ont été nombreux à songer à partir pour trouver pour trouver un emploi à l’étranger.

On sait que la guerre du Liban a marqué le pays. Pourtant, on ne l’apprend pas à l’école. Quelle est la place des journalistes dans la transmission de l’histoire de la guerre civile libanaise?

C. H. Bien sûr, il faut en parler ! Moi j’aime beaucoup l’évoquer avec les anciennes générations qui l’ont connue [la guerre] de près. Mais c’est encore un sujet très tabou. Chaque Libanais a sa version, c’était une guerre entre frères. J’ai constaté au moment de la révolution en octobre 2019 que les jeunes ont très peu de notions de cette guerre. Ils ne savent pas vraiment ce qu’il s’est passé parce qu’on ne l’apprend pas à l’école. Notre rôle à nous en tant que journaliste, c’est de couvrir l’actualité mais aussi de rappeler toutes les horreurs qui se sont passées pour que cela ne se reproduise plus.

L’État essaye-t-il d’effacer les traces de la guerre ?

C. H. Pas d’effacer les traces mais en tout cas, il occulte tout ce qu’il s’est passé.

 

 

 

Recueilli par Irène Prigent/EPJT et Nadia Vossen/IHECS

[PORTRAIT] Basma Nasser a fui un pays « où le journalisme est un péché »

Basma Nasser, journaliste yéménite, au centre et Darline Cothère, directrice de la maison des journalistes à droite. Photo : Océane Ilunga/IHECS

Basma Nasser est une journaliste yéménite réfugiée en France. Persécutée dans son pays à cause de sa couleur de peau et des habits qu’elle porte, elle quitte le Yémen en 2017 et est accueillie en France, à la Maison des journalistes. Dans un arabe puissant d’émotion, elle raconte les raisons de sa fuite.

« J’ai traversé sept pays avant d’arriver en France ». Du Soudan à la Turquie en passant par la Grèce, Basma Nasser témoigne d’un parcours déterminé par une conviction : celle de fuir le Yémen, le pays dans lequel elle a grandi. La guerre qui fait trembler sa terre natale n’est pas l’origine de son départ : « J’ai toujours été discriminée à cause de ma couleur de peau et des habits que je porte ». Basma est noire, féministe et journaliste.

Alors qu’elle a grandi dans une famille aux valeurs conservatrices, Basma se fait renier par la plupart de ses proches au moment où elle décide de ne plus porter le hijab et de devenir journaliste. « Vouloir étudier le journalisme au Yémen est perçu comme un péché. L’école dans laquelle je voulais me former avait mauvaise réputation ». Fille unique, Basma aurait dû être accompagnée par un tuteur ou se marier pour qu’elle puisse voyager librement.

En désaccord avec ces principes, Basma continuera à défendre les valeurs libérales qui finiront par planifier son départ : « Un beau jour, alors que je rentrais de mes cours de journalisme, le directeur de mon foyer m’attendait avec deux gendarmes qui m’ont obligée à signer un papier qui voulait que j’arrête de porter des habits colorés. A leurs yeux et ceux de ma famille, j’étais une mécréante. Ils ont fini par me menacer de mort. » Basma quitte le Yémen et n’y retournera jamais.

Accueillie par la Maison des journalistes

Après plus de deux ans passés dans une prison turque, la militante féministe arrive à Paris où elle est accueillie par la Maison des journalistes. « On accueille et héberge des journalistes persécutés dans leur pays pour avoir exercé une presse libre », explique Darline Cothère, directrice de l’établissement.

 

La Maison des journalistes, c’est un peu comme une photographie des conflits dans le monde : les résidents ont vécu des violences en raison du métier qu’ils exerçaient, dans des pays aux tensions politiques difficilement supportables. Créée sur le principe de la solidarité confraternelle et celui de la reconnaissance de la profession, le lieu d’accueil a deux missions : accueillir et héberger des journalistes réfugiés, et sensibiliser aux valeurs de la liberté de la presse.

Informer des conflits dans le monde et partager des expériences, c’est le but de l’initiative « Renvoyé Spécial » à laquelle Basma participe : « Je me souviens avoir raconté mon témoignage dans un collège de Bordeaux et avoir vu un élève en larmes. Ca m’a touchée de voir une personne sensible à mon histoire ». Le président de la Maison des Journalistes, Albéric de Gouville, ajoute : « Voir une telle émotion, c’est la preuve que l’action de témoigner permet de sensibiliser aux conflits et à la condition de la presse à travers le monde. »

Basma vit désormais en France. Elle a quitté la Maison des Journalistes et continue de militer : « Je voudrais poursuivre le journalisme. J’étudie le français à la Sorbonne. Pour le moment, je travaille bénévolement pour des organisations telles que Feminist Yemen Voice ». La plupart des réfugiés qui sont passés par la Maison des Journalistes abandonnent la profession. En cause, la barrière de la langue ou des traumatismes encore trop ancrés. Pour Basma, retourner au Yémen est impensable même si elle y songe dans ses rêves : « Malgré les discriminations que j’ai vécue, le Yémen aura toujours une place de choix dans mon cœur».

Laura Dubois/IHECS

[LE RÉSUMÉ] Violences faites aux femmes, le rôle des journalistes

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Violences faites aux femmes, le rôle des journalistes »
Photo : Lucas Turci/EPJT

Animé par Darline Cothière, directrice de la Maison des Journalistes (France), avec Ahlem Bousserwel, secrétaire générale de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Kerim Bouzouita, docteur en anthropologie, chercheur spécialiste en médias et communication, Wafa Saleh, journaliste à Neswan Voices (Yémen).

Les enjeux

Vendredi après-midi, la parole était aux femmes. Dans les pays arabes, elles sont très peu représentées dans les contenus mais aussi dans les rédactions. Le cas du traitement médiatique des féminicides a également été évoqué.

Ce qu’ils ont dit

Wafa Saleh : « Avant la guerre au Yémen, les femmes n’avaient pas la parole dans les médias. Après la guerre, la situation a empiré. Il y a très peu de femmes journalistes. Nous avons été chassées de nos rédactions et nous devions rester à la maison. »

« Au Yémen, les femmes ne veulent pas témoigner par peur des autorités. »

« Pendant la guerre, les organes de presse yéménites ont exploité la souffrance des femmes pour incriminer les opposants. »

Ahlem Bousserwel : « Il y a eu du progrès en Tunisie, une prise de conscience. Mais on n’arrive pas à traiter convenablement les violences faites aux femmes. Ce n’était pas un bon sujet car cela fait mal à l’autorité patriarcale présente en haut du pouvoir. »

« La formation ne donne pas de réponses immédiates. Il faut un cycle réfléchi au sein d’une rédaction. Rien ne tolère de fermer les yeux sur les violences faites aux femmes. Il faut donner la parole aux femmes parce qu’elles parlent de leur soucis mieux que les autres. »

« En 2014, moins de 15 % de femmes étaient à la tête de médias. Il y a de nombreuses violences faites aux femmes journalistes. C’est le moment pour elles de s’organiser en tant que journalistes et en tant que femmes. »

Kerim Bouzouita : « Le traitement des violences faites aux femmes représentent moins de 1% des contenus. »

« Les raisons de ce traitement médiatique sont le modèle économique des médias privés qui cherchent le sensationnalisme, la position des journalistes qui sont avant tout des citoyens et la difficile marge de manœuvre de la société civile qui pourrait pousser à une régulation politique. »

À retenir

Ce débat a fait ressortir deux difficultés principales : être femme et être femme journaliste. Au Yémen, le travail de Wafa Saleh est largement entravé. En 2019, elle a participé à la création du réseau Neswan Voices pour diffuser des informations sur les réseaux sociaux pour mettre en lumière la situation des femmes yéménites. En Tunisie, les contenus qui parlent des femmes et qui leur donnent la parole sont encore très rares, ce que dénonce Ahlem Bousserwel.

Chloé Plisson (EPJT)

[INTERVIEW] François M’Bra II : « La sécurité des journalistes est un problème crucial »

Les Assises du journalisme de Tunis sont un moment d’échange entre des journalistes des quatre coins du monde. Comme François M’Bra II, journaliste d’une webtélé de la diaspora ivoirienne. Pour lui, de tels événements représentent l’occasion de rencontrer d’éventuels partenaires pour contribuer à l’amélioration des conditions de travail.

Hasna Saad/Ipsi, Myriam Karrout/IHECS, Victor Broisson/IHECS

[INTERVIEW] Syrine Attia : « Etre authentique peut défaire ce sentiment de défiance contre les journalistes »

A gauche, Syrine Attia. Photo : Laure d’Almeida/EPJT

Tunisie, Maroc et depuis deux mois, l’Égypte. Ce n’est pas le programme d’un tour opérateur, mais l’implantation de Brut en Afrique du Nord. Le média français, créé en 2016, exporte sa maîtrise des réseaux sociaux de l’autre côté de la Méditerranée. Pour coordonner le tout, il y a la rédactrice en chef de Brut Tunisie. Rencontre avec Syrine Attia.

Parmi les grands thèmes de Brut, on retrouve le féminisme ou encore la discrimination envers les minorités. Comment parler de ces sujets dans des pays où ces droits sont plus précaires qu’en Europe ?

Syrine Attia. Je me rends compte qu’on peut rapidement être étonné par les réactions de l’audience, qu’on penserait beaucoup plus réfractaire à ces sujets-là, et qui en fait l’est beaucoup moins qu’on l’on pensait. Surtout sur des plateformes où on touche les plus jeunes.

Sur Instagram par exemple, les réactions sont tout aussi enthousiastes que celles qu’on peut retrouver en France. En fait, les gens ont envie qu’on leur parle de ça, ont envie de faire bouger les choses dans ce sens-là.

Quand on prend le cas de la Tunisie, l’année dernière il y a eu un mouvement social, en janvier, avec principalement des manifestations de jeunes qui se sont exprimés sur ces questions, qu’on retrouve chez Brut. Ces thématiques existent aussi dans les pays qu’on couvre, donc c’est important d’accompagner ces acteurs qui peut-être ne trouvent pas de plateformes qui pourraient les accompagner de la même manière que Brut.

L’image de la presse chez les jeunes a changé depuis que Brut lancé a sa branche tunisienne ?

S.A. Brut est arrivé il y a un an en Tunisie. Entre temps, il y a eu des acteurs locaux qui, comme nous, ont aussi proposé des vidéos sur les réseaux sociaux. On n’a pas la prétention de dire qu’on a été les premiers avec ce format-là en Tunisie. Ce qui fait du bien avec Brut, c’est cette incarnation. C’est-à-dire qu’on reste encore les seuls à vraiment faire du reportage où on va suivre une personne du début à la fin, ne pas mettre en scène, être dans des situations de vie. Et on voit dans les réactions que les gens apprécient cette manière-là de rendre compte de leurs vies. Je pense qu’on se démarque sur ça.

Depuis la révolution, en Tunisie, on s’intéresse aussi beaucoup plus à notre patrimoine culturel et historique, et ça on l’a accompagné. Il y a des événements historiques que je n’ai appris que tardivement et je me suis dit qu’il fallait qu’on en parle. Par exemple, on ne nous dit pas que la Tunisie a été occupée par l’Allemagne nazie pendant 6 mois, qu’il y a eu une rafle des juifs à Tunis… On a fait une vidéo dessus et beaucoup de gens l’ont découvert. C’est important de redécouvrir notre histoire en faisant des vidéos qui peuvent paraître moins impressionnantes qu’un article académique sur le sujet. 

Est-ce qu’on peut se servir des réseaux sociaux et de leurs codes pour sensibiliser un public plus jeune aux violences dont les journalistes sont de plus en plus victimes ?

S.A. Quand on essaye, à travers ces manières de filmer, d’être le plus authentique possible, je pense que ça peut défaire ce sentiment de défiance. On peut le voir à travers le live. On n’en fait pas encore sur nos plateformes africaines mais en France, ça a vraiment permis de se dire : « Ah, c’est sûr que c’est vraiment ce qui est en train de se passer, parce que le journaliste est dans la manifestation pendant des heures. »

J’aimerais beaucoup qu’on le fasse sur nos plateformes africaines. Ca permettrait qu’on arrête de prendre les journalistes pour cible alors qu’ils ne sont là que pour couvrir une information.

Recueilli par Florent Schauss/IHECS

[INTERVIEW] Tenin Samake : «L’idée c’est de comprendre et surtout de découvrir les opinions des femmes»

Source : Womanager

Tenin Samake, rédactrice en chef et fondatrice malienne de Womanager, s’est rendue aux Assises de Tunis pour parler de son média et de son combat pour mettre en avant plus de femmes dans l’espace médiatique.

 Qu’en est-il de la situation des femmes au Mali actuellement ?

Tenin Samake. Si on compare à la situation d’il y a dix, vingt ou trente ans, il y a une évolution. Les choses ont considérablement changé. Ma mère m’a dit qu’à son époque, une fille de mon âge ne pouvait pas s’exprimer dans les médias. Alors que moi je le fais facilement, que ce soit à la télé ou à la radio. Cela montre à quel point les mentalités ont changé.

Il y a aussi des lois qui ont été votées pour les femmes, mais malheureusement, ces lois ne sont pas appliquées. Mais la lutte majeure que mènent les Maliennes de nos jours, c’est la lutte contre les violences basées sur le genre. Cela regroupe les mutilations génitales féminines, le harcèlement ou le féminicide.

Vous avez lancé un projet au Mali, WoManager. Pouvez-vous nous en parler ?

T. S. Il s’agit d’un média féminin et féministe dont je suis la fondatrice et la rédactrice en chef. Nous y abordons les questions d’émancipation et d’épanouissement de la femme. Au départ, c’était un blog sur lequel je parlais de femmes inspirantes quand j’avais 21 ans. Je parlais de ces femmes qu’on ne retrouvait pas dans les médias, mais qui au final font partie intégrante du Mali, de l’Afrique, et qui sont de vraies actrices du développement socio-économique et qui pouvaient servir également de modèle pour les filles plus jeunes. C’est là que j’ai compris l’urgence de les montrer dans un média indépendant.

A l’époque, je n’aurais pas pu me faire embaucher dans une rédaction classique. J’ai donc lancé le blog. Par la suite, c’est devenu un média à part entière, avec une équipe rédactionnelle complète. En plus de cela, on organise des programmes de renforcement de capacités pour les jeunes filles où elles sont formées aux médias, à la politique ou au digital. WoManager est vraiment une plateforme qui est là pour les femmes et pour les aider à être plus impactantes. Elles le sont déjà, mais ici elles apprennent à prendre plus de place au sein de la société.

Ce média met-il en avant uniquement des femmes maliennes ?

T. S. On donne la parole aux femmes de tous les pays. Il y a des Maliennes, des Togolaises, des Ivoiriennes et il y a même des Françaises. On donne la parole à plusieurs femmes et surtout à différents types de femmes. L’idée, c’est vraiment de comprendre et surtout de découvrir des opinions mais aussi de créer un espace inclusif.

Et quel message voulez-vous faire passer aux femmes ?

T. S. Il faut que les femmes sachent qu’elles sont importantes, qu’elles ont du pouvoir. Lorsqu’elles sont quelque part, elles doivent vraiment faire savoir qu’elles sont là. Elles ne doivent pas être timides, elles ne doivent pas se mettre en retrait ou rester à leur place. Mon message se résume en une phrase de Rokhaya Diallo : « Il ne faut absolument pas que les femmes restent à leur place. » Elles doivent sortir des sentiers battus, prendre le pouvoir et assumer qui elles sont réellement.

 

Recueilli par Shirine Ghaemmaghami /IHECS

Womanager

[THE SUMMARY] Spotlight on Yemen : State of journalism and medias

Find out more about the event « Spotlight on Yemen: state of journalism and media​ ».

Picture: Shirine Ghaemmaghami /IHECS

Panelists: Basheer Al Dorhai, Project Coordinator for Internews, Ahlam Al Mekhlafi, Freelance Journalist, Sahar Mohammed, Freelance Journalist. Moderated by Saoussen Ben Cheikh, project director for Internews (Tunisia).

Issues

Since 2014, Yemen has been at war resulting in one of the worst humanitarian crises the world has ever faced. The war has impacted the entire civilian population, namely including journalists. They confront many difficulties and numerous dangers as they try to continue their work of informing the local population. And they can only just about get by financially through the completion of their work.

What they said

Basheer Al Dorhai: “I have a colleague who graduated from university and spent six years in prison. He was not even a journalist yet. It turned his life upside down and he left Yemen. Journalists are killed and murdered regularly. A Yemeni journalist was recently killed while pregnant in a bomb attack. It’s incredibly tragic.”

“There was an attempt to create a new law that was supposed to help the media gain greater autonomy in 2013 but unfortunately it failed. As a result, there is no real independent media in Yemen. Media output is mostly politicized and government-controlled.”

Ahlam Al Mekhlafi : “Female journalists face even greater challenges. [We] don’t have the same rights as men as a simple citizen, but journalism is also a male-dominated profession. As women, we don’t have the right to travel, to express ourselves, to dream. (…) If you publish something that people don’t like, you can be attacked in your own home. (…) This is a very sensitive profession in our society.”

“Internet connections are very unreliable. When we are looking for information, it is difficult to communicate with other journalists. Sometimes the internet cuts out for several days.”

Sahar Mohammed: “Few Yemeni journalists speak English and that’s a problem. If a Yemeni wants to meet a person from another country, there is a [language] barrier. This means that the war in Yemen has little international media coverage.”

“I believe that training programs are the primary need for journalists. […] We need quality programs, training reporters who know our communities so that they can reflect locals’ views effectively.”

In brief

Currently, there is no real independence of the media in Yemen. Output is usually government-controlled and highly politicized. The situation is further complicated by the fact that no real law exists to protect the press. Yemeni journalists take huge risks when they decide to express their voices in news-making because censorship and government control are common place. Regarding education, there are only a few regions that offers training programs in journalism and, in general, they don’t offer appropriate education. That’s why Yemen is in need of funding and support to provide better education in the field of journalism.

Shirine Ghaemmaghami (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] Comment favoriser l’inclusion et la participation citoyenne en utilisant les médias numériques ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Comment favoriser l’inclusion et la participation citoyenne avec les médias numériques ? ».

Photo : Oujari Lamisse/ISIC

Animé par Inès Khelif, consultante (Erim, France) ; avec notamment Divina Frau-Meigs, titulaire de la chaire « Savoir Devenir » à l’Unesco ;  Mouna Trabelsi, présidente de l’Association tunisienne des médias associatifs (ATMA).

Les enjeux

Pour le projet Jamil.net (Jeunesse Active, Médias Inclusifs et Littératie numérique), l’heure est au premier bilan. Cette initiative a pour but de favoriser la participation citoyenne des jeunes tunisiens par le biais des médias. Certaines porteurs du projet, ainsi que des partenaires et des jeunes qui en ont bénéficié, se sont rassemblés pour parler de leurs expériences avec Jamil.net.

Ce qu’ils ont dit

Divina Frau-Meigs : « Les conditions sanitaires ont beaucoup compliqué les choses, mais nos équipes ont su rester efficaces et organisées, ce qu’il est important de souligner. »

Sara Manai (bénéficiaire du programme) : « J’ai vraiment pu développer des compétences et un esprit critique, dans un contexte où les fake news circulent de plus en plus. »

Nada Oueslati, coach en média et information : « Les avancées technologiques en termes de communication sont à la fois une bénédiction et une malédiction. L’environnement médiatique peut être très nocif pour ceux qui n’ont pas une certaine éducation aux médias. »

Riadh Ben Marzou, expert en communication : « Le marché de la publicité est très petit en Tunisie ; toutes les radios privées en souffrent. Diplômé en entreprenariat, je défends cette cause et, à travers Jamil.net, j’essaie de trouver des solutions qui mêlent l’aspect média, l’événementiel et l’aspect digital. Pour moi, c’est la seule issue pour essayer de sauver ces radios. »

Inès Khelif : « Jamil.net, c’est pas juste de l’insertion socio-professionnelle ou de l’éducation aux médias. C’est un programme qui permet à chacun de suivre son propre chemin. Que ce soit pour de l’information, de l’éducation ou avoir un cadre favorable au développement personnel. »

À retenir

Jamil.net est un projet transversal et pluridisciplinaire. Il ne se contente pas de proposer de l’éducation aux médias, il participe également au développement de nombreux projets personnels. Geek Girl Digital en est un excellent exemple : avec un tel accompagnement, sa fondatrice, Rahma Rejab, a pu rendre viable son idée d’entreprise de communication digitale, dans un contexte où il est difficile pour une femme, seule qui plus est, de se faire entendre.

Si l’on a parlé de « bilan » lors de la conférence, Jamil.net n’est pas fini pour autant. Ses membres espèrent pouvoir le faire perdurer jusqu’en 2025 mais ce qui est sûr, c’est qu’il est encore sur les rails jusqu’à la fin de l’année 2023.

Oujari Lamisse (ISIC), Victor Broisson (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] « Focus Yémen » : l’état du journalisme et des médias

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Focus Yémen – l’état du journalisme et des médias »

Photo : Quentin Thévignot / IHECS

Animé par Saoussen BEN CHEIKH, directrice de projet pour Internews (Tunisie), avec Basheer AL DORHAI, coordinateur de projet pour Internews ; Ahmal AL MEKHLAFI, journaliste indépendante ; Sahar MOHAMMED, journaliste indépendante

 

Les enjeux

Cela fait plus de dix ans que la guerre fait rage au Yémen, entre une coalition menée par l’Arabie saoudite soutenant le gouvernement en place et les rebelles houthis. Selon les Nations unies, près de 400 000 personnes ont perdu la vie dans le pays depuis 2014, que ce soit lors des combats ou en raison de la famine et du manque d’eau. 24 millions de Yéménites vivent sous le seuil de pauvreté et dépendent entièrement de l’aide humanitaire.

Dans ce contexte, les journalistes (et particulièrement les femmes) font face à de nombreuses menaces en exerçant leur métier.

Ce qu’ils ont dit

Basheer AL DORHAI : « L’information au Yémen est la propriété des politiques. Nous luttons pour une information indépendante. »

Ahmal AL MEKHLAFI : « « Les souffrances des femmes journalistes sont deux fois plus importantes que celles des hommes. (…) Nous n’avons pas le droit de voyager, de nous exprimer, ni de rêver. »

Sahar MOHAMMED : « Il y a très peu de journalistes qui travaillent à plein temps. Beaucoup abandonnent leur profession car il n’y a pas de pérennité. »

À retenir

Les journalistes yéménites sont constamment sous pression, souvent arrêtés et parfois même menacés de peine de mort. Ils ne peuvent plus vivre entièrement de leur profession, car il est impossible d’avoir un revenu décent en tant que journaliste. Celles et ceux qui n’ont pas abandonné leur métier travaillent à temps partiel et vivent dans une situation très précaire financièrement. Les femmes journalistes font partie des premières victimes du conflit. Elles ont moins de revenus, moins de droits et moins de protection que les hommes. L’accès à l’information dans le pays est extrêmement limité, en raison du faible nombre de journalistes encore en activité et de l’accès à Internet quasiment inexistant dans le pays.

Quentin Thévignot-Dunyach (IHECS)

Les prix TANDEM MEDIA AWARDS pour récompenser des médias au service de la culture

Les finalistes du concours TANDEM MEDIA AWARDS. Photo : Samia El ACHRAKI/Isic

Depuis l’inauguration de la deuxième édition des Assises de Tunis jeudi 17 mars, la liberté d’expression a été au coeur des débats, des ateliers, des panels, et même du concours Tandem Media Awards.

Nous sommes à l’Institut Français de Tunis, pas loin de la cité culturelle qui abrite les assises de journalisme. Il est 20 h 30. C’est l’heure de la remise des prix de la toute première édition du TANDEM MEDIA AWARDS, organisé par « EU Neighbours South ». Un concours de contenu médiatique dédié aux journalistes, professionnels et étudiants, mais aussi aux artistes venus du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, de Libye, d’Egypte, de Palestine, de Jordanie, de Syrie et du Liban.

Les binômes attendent le verdict impatiemment et implorent la clémence des pendules. Malgré le brouhaha, leurs battements de cœur raisonnent dans toute la salle. Mais ils sont fiers de leurs travaux. Et le public, lui, n’est pas déçu, puisque la diversité des productions est au rendez-vous. Les participants étaient censés produire, à leur guise, un article web ou print, un reportage, une bande dessinée, une émission radio ou TV. Le support importait peu, l’essentiel est de faire valoir la culture, d’où le slogan « Speak Up Culture ».

Si les organisateurs ont donné libre cours aux tandems pour choisir le support et le genre journalistique, ils les ont par contre orientés quant aux choix du sujet. L’EU Neighbours South préférait que ce soit lié à un projet ou une initiative culturelle, financés par l’UE dans la région du voisinage sud de l’Union européenne.

Le moment tant attendu est enfin arrivé, l’animateur dévoile les heureux lauréats des trois catégories, à savoir, le binôme journalistes homme/femme ; journaliste professionnel et étudiant en journalisme ; et enfin, le duo journaliste et artiste.

Fatima-zahra Jabbour et Wael Bourchachen sont les premiers à entendre leurs noms, et à monter sur scène sous les applaudissements du public. Désignés gagnants dans la première catégorie, ils ne pouvaient que s’en réjouir. Leur capsule vidéo est décrite par la journaliste marocaine comme « un projet artistique et culturel par excellence, portant sur le théâtre de rue ». Son collègue de la même nationalité, nous en dit plus : « C’est aussi un projet à dimensions sociale et sociétale, parce qu’il met en avant le besoin du Maroc en art engagé, et la nécessité de mettre en place des facilités pour promouvoir la création, mais aussi d’en assurer le suivi ».

Les gagnants de la deuxième catégorie, quant à eux, sont palestiniens. A distance, le binôme Mohammed Hasan Al Rifai et Mohammed Al Kahlout ont exprimé leur joie par le biais d’une vidéo projetée dans la salle. De Gaza à la kasbah d’Alger, le trophée Tandem de la catégorie journaliste/artiste s’est retrouvé entre les mains de la journaliste et la créatrice de contenus algérienne Ines Taouint et son binôme l’artiste photographe Abderrezzak Abo Wail.

C’est avec beaucoup de reconnaissance et un sourire jusqu’aux oreilles qu’ils ont reçu leurs prix : « On est hyper fiers de nous et contents de voir qu’ils ont trouvé dans notre travail quelque chose qui méritait un trophée ». « Nous sommes venus d’Algérie, mon binôme Ines et moi. Notre vidéo montrait comment la culture peut changer entre la capitale et à quelques kilomètres de la kasbah d’Alger. On ne s’attendait pas à ce qu’on gagne, mais on est fier et je pense que c’est mérité. En fait, je crois que tous les participants ont fait un bon travail, on l’a vu ».

Leur projet s’inscrit lui aussi, dans un contexte social et humanitaire : « Je pense que ce qui a peut-être plu au jury, c’est la façon avec laquelle nous avons créé un contraste entre un mode de vie traditionnel dans une capitale, qu’est Alger, et ce qui se passait dans les hautes montagnes […] en mettant en exergue l’art, l’amour des jeunes pour leur patrimoine, leur patrie », comme nous l’explique l’heureuse gagnante.

Le jury a réservé une surprise à l’auditoire et aux finalistes. Ils ont exceptionnellement remis le prix « coup de cœur », décerné par le public, au grand bonheur du binôme tunisien journaliste/artiste qui l’a remporté. Il s’agit de l’artiste comédienne Nadia Tlich et la journaliste tunisienne Jezia Nouma.

Celle-ci nous fait part de son projet et nous en dit plus sur sa première collaboration avec un artiste. « Il est assez compliqué qu’un journaliste collabore avec un artiste, et vice versa […] Un projet ne peut se détacher de ses perspectives humanitaires puisqu’il s’est concentré sur un évènement soutenu par l’Union Européenne. Il s’agit du Festival International du Théâtre au Sahara. Sa première édition, organisée l’année dernière, a touché un grand nombre de public, en particulier ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’assister à des spectacles ou des pièces théâtrales. L’événement s’est entièrement déroulé sur le sable du désert, et c’est ce qui fait toute son unicité. Alors que le public de ces régions-là était privé de spectacles, le théâtre s’est invité chez eux ».

Chose promise, chose due. Les finalistes sont restés fidèles au thème de cette édition. Ils se sont exprimés, haut et fort, sur les spécificités de leurs diverses cultures. Outre le trophée, ils avaient tous le même objectif à l’esprit : dire l’urgence de la culture.

 Samia EL ACHRAKI (Isic) Adnane BOULAHIA (Isic)

[LE RESUMÉ] Éduquer à l’information, ça s’apprend !

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Éduquer à l’information, ça s’apprend ! ».

Photo : Laure d’Almeida/EPJT

Animé par Étienne Récamier, auteur-conférencier en EMI, avec Khemais Bouali, directeur général et responsable des inspecteurs au ministère de l’Éducation (Tunisie), Bayan Tal, consultante en éducation aux médias et à l’information (Jordanie) et Divina Frau-Meigs, titulaire de la chaire Savoir Devenir à l’Unesco.

 

Les enjeux

L’Éducation aux médias et à l’information a pour objectif d’aider les citoyens à se repérer dans le flot d’informations et à comprendre comment travaillent les journalistes. Elle est un outil pour rapprocher les citoyens et les médias afin de réduire la défiance. Mais quelles sont concrètement les compétences à acquérir et comment les journalistes peuvent-ils les transmettre ? Plusieurs réponses existent et dépendent autant du public visé que des initiatives d’Éducation aux médias. 

Ce qu’ils ont dit

Khemais Bouali : « En Tunisie, nous visons à élaborer un guide d’éducation aux médias pour les élèves et les instituteurs en partenariat avec la Deutsche Welle Akademie. La Tunisie passe par des mutations sociales et politiques qui influencent l’environnement scolaire. L’élaboration d’un programme d’EMI est le meilleur moyen pour construire un vivre-ensemble.»

Bayan Tal : « En 2019, nous avons élaboré une stratégie nationale d’éducation aux médias en Jordanie. Le gouvernement l’a adopté comme priorité nationale. On met l’accent sur la déontologie en contrecarrant les discours de haine misogynes ou racistes. »

« Le rôle des enseignants est capital. Dans les pays arabes, l’éducation a reculé et l’éducation aux médias et à l’information peut être un moyen pour perfectionner l’enseignement. Elle permet de développer un esprit critique face au danger des populistes. »

Divina Frau-Meigs : « La compréhension des images est essentielle pour limiter les risques de désinformation. Dans l’éducation aux médias, on a une approche assez équilibrée entre les opportunités et les prises de risques. Les jeunes aiment bien faire ce rapport bénéfices/risques. »

« Le risque s’apprend. Il faut accompagner les jeunes dans les erreurs qu’ils peuvent faire sur les réseaux sociaux. Mais c’est surtout les enseignants qui doivent être rassurés quand ils abordent des sujets difficiles.»

À retenir

L’éducation aux médias, au-delà du rôle des journalistes, est en train de se faire une place dans les programmes scolaires. Les actions peuvent être menées de concert avec les enseignants et visent surtout à développer l’esprit critique des élèves et à leur apprendre à analyser les images qu’ils voient passer sur les réseaux sociaux. 

Laure d’Almeida (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Les journalistes, acteurs de l’éducation populaire

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les journalistes, acteurs de l’éducation populaire »
Photo : Laure d’Almeida/EPJT

Animé par Hicham Houdaifa, directeur de la collection Enquêtes au sein de la maison d’édition En toutes lettres (Maroc), avec Hamida El Bour, directrice de l’Institut de presse et de sciences de l’information (Ipsi, Tunisie), Françoise Kadri, adjointe au directeur Maghreb pour l’Agence France Presse (AFP, France), Syrine Attia, rédactrice en chef Tunisie Brut (France)

Les enjeux

Vendredi matin, les invités ont débattu de l’éducation aux médias et plus précisément du rôle du journalisme dans l’éducation populaire.

Ce qu’ils ont dit

Hamida El Bour : « Nous menons plusieurs projets à l’IPSI autour de l’éducation aux médias avec différents publics. Nos étudiants vont notamment à la rencontre des citoyens. »

« On a aussi un club d’éducation aux médias lancé par le journaliste Najeh Missaoui qui fait beaucoup d’activités dans les régions pour former les gens sur le fonctionnement des médias et lutter contre les fake news. »

« L’objectif, c’est le public. L’idée est d’en faire un public conscient, une sorte de cinquième pouvoir. »

Françoise Kadri : « Depuis 2010, plus de 230 journalistes de l’AFP et du groupe Le Monde participent au collectif Entre les lignes. On anime des ateliers dans les écoles pour expliquer aux jeunes la hiérarchisation de l’info ou encore le détournement des images. »

« On leur apprend dans les ateliers à développer leur esprit critique, savoir trouver les bonnes sources. Il ne faut pas être passif vis-à-vis de l’information, il faut aller la chercher. C’est ce qu’on essaye d’apprendre à ces enfants. »

Syrine Attia : « Chez Brut, nous tentons de renouer avec l’audience en investissant les réseaux sociaux et en produisant des contenus qui intéressent les jeunes mais qui ouvrent également le dialogue social. »

« Je pense que l’éducation populaire, c’est aussi valoriser les actions qui font partie de notre patrimoine et de notre culture à travers certains parcours de vie. En mettant en avant certaines initiatives, on met en lumière notre culture populaire. »

« L’idée de Brut n’était pas de dire que Facebook n’est pas capable de préserver la circulation d’une information fiable mais d’aller directement sur la plateforme en tant que journalistes pour proposer des informations vérifiées, Je pense que l’éducation populaire, c’est au-delà de l’éducation académique qui est très importante. »

À retenir

Via l’éducation aux médias, les journalistes participent à l’éducation populaire. Deux dimensions essentielles sont apparues au cours du débat : la formation des citoyens pour s’informer correctement mais aussi regagner la confiance du public en faisant du journalisme pour et avec eux.

Salma Sissi (IPSI) et Chloé Plisson (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Utiliser l’open data pour lutter contre les inégalités femmes-hommes

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Utiliser l’open data pour lutter contre les inégalités femmes-hommes ».

Photo : Lucas Turci /EPJT

Avec Marianne Bouchart, fondatrice et directrice de HEI-DA et Paul- Joël Kamtchang, secrétaire exécutif d’ADISI-Cameroun (Cameroun).

Les enjeux

L’open data, ce sont des données ouvertes auxquelles tout le monde peut accéder. Utiliser l’open data pour questionner la problématique du genre, c’est visibiliser objectivement les inégalités entre les femmes et les hommes. Marianne Bouchart et Paul-Joël Kamtchang, formateurs pour le projet MediaLab pour elles, rappellent l’importance des principes qui définissent l’open data : accessibilité, disponibilité, universalité et gratuité. Mais accéder aux données reste souvent un défi : les chiffres sont disparates, incomplets ou ne sont simplement pas « genrés ». Face à ce problème et face aux inégalités entre les hommes et les femmes, le data journalisme participe à la solution.

Ce qu’ils ont dit

Marianne Bouchart: « Avoir des données sur le genre, c’est permettre de mesurer l’évolution, visibiliser les disparités et les aberrations. C’est aussi donner une information parce que ça nous concerne tous et parce qu’il faut parler des inégalités femmes-hommes pour ne pas oublier qu’elles existent. »

« Tout n’est pas toujours rose. Les initiatives de collectes de données sont souvent disparates, incomplètes, car la collecte sur le terrain est compliquée.»

« Lutter contre les inégalités femmes-hommes à travers le journalisme, c’est aussi intégrer automatiquement la place de la femme à nos questionnements. »

« La formulation des statistiques est importante pour faire comprendre que les chiffres reflètent une problématique liée au genre.« 

Paul-Joël Kamtchang: « Il ne faut pas oublier l’indépendance des organisations qui collectent les données. Leur crédibilité dépend finalement d’un travail consciencieux et indépendant. »

À retenir

Où trouver des données ouvertes? 

  • portail de data de l’OCDE
  • portail de la Banque mondiale
  • EIGE (Institut européen pour l’égalité des genres).
  • Unicef data
  • UN Women
  • Plateformes officielles
  • Sur le terrain
  • Etc.

Comment participer à l’ouverture de données sur les femmes? 

  • Visibiliser les femmes dans les débats publiques ;
  • Lutter pour la parité, à commencer par les rédactions ;
  • Traiter de sujets sur les femmes ;
  • Intégrer systématiquement la place de la femme à son questionnement.

Comment déconstruire les stéréotypes de genre ?

  • Préférer des formulations adéquates (ex : « elle s’est fait agresser », remplacé par « elle a été agressée).
  • Utiliser un langage épicène (ex : « droits humains », à la place de « droits de l’Homme »).

Comment peut-on utiliser l’open data pour lutter contre les inégalités femmes-hommes ?

  • Appuyer la société civile dans le cadre du plaidoyer consacré au genre ;
  • Encourager les médias à se spécialiser dans le traitement des données liées au genre ;
  • Encourager les syndicats professionnels à adopter des politiques en faveur du genre.

Laura Dubois (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] « Focus Niger » : l’état du journalisme et des médias

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Focus Niger: L’État du journalisme et des médias ».

Océane Ilunga/IHECS

Animé par Ousseina HAROUNA, journaliste pour Canal 3 Niger avec Moussa AMMA, journaliste pour la radio Anfani et rédacteur au journal L’Eclosion, Alhassane ABDOU-MAHAMANE, rédacteur en chef du Studio Kalangou, Amina NIANDOU, présidente de l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication (APAC) Section Niger.

Les enjeux

Le Niger, pays secoué par des instabilités et défis sur différents niveaux politiques, médiatiques et sociétaux, essaye de préserver une certaine liberté aux journalistes. Mais les médias nigériens travaillent dans un contexte compliqué et en la présence de financement et mainmise politique sur les associations médiatiques. Les médias nigériens souffrent parfois d’un manque de matériel pour pouvoir offrir au public des productions de qualité alors que le rôle des femmes nigériennes journalistes reste faible.

Ce qu’ils ont dit

Moussa Amma: « On ne peut pas s’attendre à une production d’information de qualité, de liberté et de professionnalisme au Niger puisqu’il y a de plus en plus un manque de formation des journalistes » . 

Alhassane Abdou-Mahamane :« Une des choses que les journalistes doivent savoir, c’est connaître le métier, ses droits et devoirs, afin de présenter un travail de qualité » .

« Si un journaliste ne dérange pas en travaillant sur une matière journalistique, il n’est pas journaliste : donner simplement une information ne suffit pas » .

Amina Niandou : « Les organes de presse au Niger sont confrontés à des difficultés car on n’arrive pas à différencier le service d’information et le service commercial. Nous sommes dans une situation mi-figue-mi-raisin : ce qui n’est pas vendable est en train d’être vendu et les médias deviennent des agences de communication. »

« Au Niger, les organisations féminines sont assez fortes mais les femmes n’ont pas assez de droits. La société nigérienne est une société assez conservatrice et les questions liées aux femmes demeurent absentes des médias. »

À retenir

La question du financement des médias privés est importante car seuls les médias publics bénéficient des financements de l’État, ce qui pose problème au niveau de la pluralité. Les organes de presse nigériens aimeraient se réunir et rassembler leurs compétences afin d’améliorer la qualité de leur travail journalistique et d’offrir au public un contenu riche.

Célina Braidy (UL), Joëlle Ghaby (UL) et Océane Ilunga (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] Déontologie, éthique et autorégulation : quelles bonnes pratiques ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « DÉONTOLOGIE, ÉTHIQUE ET AUTORÉGULATION : QUELLES BONNES PRATIQUES ?».

Photo :Samia EL ACHRAKI/ ISIC

Animé par Ming Kuok Lim, conseiller à l’information et à la communication au Maghreb à l’Unesco, avec Kathleen Grosset, présidente du Conseil de déontologie journalistique et de Médiation (CDJM, France) ; Jean-Jacques Jespers, membre du Conseil de Déontologie Journalistique Belge (Belgique) ; Chadia Khedir, rédactrice en chef du département culturel Watanyia1 ; Atidel Mejbri, présidente du Conseil de Presse Tunisien (Tunisie).

Les enjeux

Dans une ère ou même les plus grands médias peuvent être victimes de fake news, la déontologie devient un sujet de débat de premier plan. Comment doit-elle s’organiser ? Quelle est sa légitimité ? Comment la financer tout en restant indépendant ? Comment la reconstruire dans un contexte post-révolution ? Autant de questions auxquelles un panel d’acteurs du milieu a tenté de répondre.

Ce qu’ils ont dit

Kathleen Grosset : « Le pluralisme, ce n’est pas la diversité d’une publication, mais la diversité des publications. »

Jean-Jacques Jespers : « Dans une société démocratique, il faut que les médias puissent tout dire, mais ils ne peuvent pas dire n’importe quoi. »

Chadia Khedir : « Le public est un acteur principal, qui doit avoir un rôle conscient. Pas comme un consommateur, mais comme quelqu’un qui a le droit d’être bien informé. »

Atidel Mejbri : « On a l’impression que c’est [le conseil de presse tunisien ] un pouvoir sur les médias . Il faut convaincre, amener au débat, mais il reste beaucoup à faire. »

À retenir

​Un maximum d’acteurs impliqués, pas d’interférence des pouvoirs publics et une stabilité financière, voilà la recette d’un conseil d’autorégulation légitime, selon Jean-Jacques Jespers. En Belgique par exemple, où un tel organe existe depuis 10 ans, le financement est assuré de manière égalitaire, d’une part par les médias, et d’autre part via l’Association des Journalistes Professionnels (AJP). De plus, le CDJ reçoit aussi une dotation de l’État, dont l’AJP garantit l’inconditionnalité.

Pour ce qui est du contenu, la plupart des plaintes fondées auprès des conseils de déontologie journalistique concernent le factuel et la véracité des faits. Ce qui n’a pas manqué de susciter des réactions dans le public, certains questionnant la légitimité de ces conseils à établir une vérité. Pour les intervenants, c’est simple : la déontologie se définit hors des tribunaux, et donc au sein de la profession.

Florent Schauss (IHECS)

Samia El Achraki (ISIC)

[LE RÉSUMÉ] Média Loves Tech : découvrez les start-ups qui veulent changer le journalisme en Tunisie

Retrouvez l’essentiel de l’atelier « Media Loves Tech : découvrez les start-ups qui veulent changer le journalisme en Tunisie »

Photo : Lucas Turci/EPJT

Animé par Benoît Faedo et Cyrine Ben Saad, responsable de la Deutsche Welle Akademie et du projet Media Loves Tech, avec les équipes d’Ast’Lab, Blue TN, Econo.brief, FLEN et Malek Khadhraoui, fondateur d’Inkyfada et directeur exécutif de l’ONG Al Khatt (Tunisie)

 

Les enjeux

Jeudi après-midi, les participants tunisiens du projet Media Loves Tech, organisé par la Deutsche Welle Akademie, ont présenté leurs médias ou outils innovants destinés aux journalistes. Ce projet a été mené en partenariat avec l’ONG Al Khatt qui lutte pour la liberté de la presse en Tunisie.

Ce qu’ils ont dit

Malek Khadhraoui : « La Tunisie manque de nouveaux projets innovants. Media Loves Tech a été l’occasion de mettre nos compétences aux services de start-ups. »

Makrem Dhifalli, chef du projet FLEN : « FLEN est une base de données intelligente pour les journalistes qui trient et regroupent des données juridiques, économiques, scientifiques ainsi que des cartes. »

Yémen Saibi, fondateur d’Econo.brief : « Econo.brief est une newsletter pour les professionnels de la finance qui résume l’actualité de la place de Tunis. Nous voulions créer une parenthèse face à l’avalanche d’informations. »

Mayssa Sandli, fondatrice de Blue TN : « J’ai créé un média 100 % écologique et digital pour sensibiliser la population tunisienne à l’environnement. Nous utilisons des techniques de communication pour créer des contenus créatifs qui interpellent. »

Najla Trabelsi and Nouha Ben Lahbib fondatrices d’AST’Lab : « L’Art science technology lab propose de l’aide aux journalistes, professionnels de la communication et artistes pour produire des contenus créatifs et digitaux comme par exemple des vidéos en 360°. » 

À retenir

Media Loves Tech encourage le développement numérique des journalistes. Les participants à ce projet ont partagé leur avis sur cette expérience. En résumé : beaucoup de challenges, des deadlines à respecter mais à la fin des idées plus claires.

Chloé Plisson (EPJT)

[THE SUMMARY] Finding a Cure for Fake News?

Pictures by Lucas Turci/EPJT
Day one of the International Journalism Festival and the discussion took us to the fast spread of fake news as a result, in part, of the Covid-19 pandemic – vaccinating against fake news was at the heart of the debate.
Life is slowly returning to normal following the Covid-19 epidemic. But the evidence is clear, fake news has had a major impact on the debates and on the daily lives of many. Many people have also been concerned about the arrival and spread of fake news. Some journalists have tried to focus on the solutions and the right information they could bring to the population.

In Africa the primary media output is radio, with social media also expanding quickly but equally containing a lot of fake news. The goal of the journalist here was to stay connected and in contact with the public. For example, Miss Godignon from the Hirondelle foundation, noted that a telephone information service proved extremely successful: “We received about 1 million calls per day about medical questions n 4 months”.

Indeed, people want to get informed, and they get so much false news that the real information often is drowned between the fake and propaganda. For Alhassane Abou-Mahamane the key of working in an unstable zone is “balance and editing neutrality”.

“Telling the Nigerians to not go to the mosque is complicated, we have to explain to them that it is a real illness and not only a disease for white people.”

To rid ourselves of fake news, and rumours, it is important to speak the dialect of each region and to be in contact with them: “We have around 52 radio stations and journalists in disguise in the complicated zones.”

In Tunisia, the observation was clear, the absence of fact-checking platforms was noticeable. That’s why the website is here, to ensure independence. For the journalist Ayoub Dhifallah the objective is to remain neutral. Especially after the events that occurred in the Tunisian parliament on 25th July, getting the sources and the right information became more complex.

The work of these journalists and foundations is to make the reception of the news easier for everyone and to ensure objectivity, neutrality, and sharing of knowledge to the population.

Written by Myriam Karrout (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] Quel impact pour le journalisme collaboratif ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « quel impact pour le journalisme collaboratif?».

Photo : Laura Dubois/IHECS

Animé par Sana SBOUAI, journaliste Afrique du Nord pour l’Organized Crime and Corruption Reporting Project, avec Firas AL TAWEEL, journaliste d’investigation et formateur pour Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ) ; Maxime DOMEGNI, éditeur francophone du Global Investigative Journalism Network (GIJN) ; Ignace SOSSOU, journaliste et chargé de communication de la Cellule Norbert Zongo pour le Journalisme en Afrique de l’Ouest (CENOZO)

 

Les enjeux

Le journalisme collaboratif, c’est le journalisme d’investigation qui, porté par le partage d’information entre professionnels, traverse nos frontières locales voire internationales. La concurrence des médias laisse place à la collaboration. Dans un climat où la démocratie se montre de plus en plus fragile, le journalisme collaboratif peut renforcer l’indépendance de la profession.

Ce qu’ils ont dit

Maxime Domegni: « Dans le journalisme d’investigation, il n’y a pas de place pour la concurrence, mais plutôt pour la collaboration. »

« Certaines enquêtes n’aboutissent pas forcément à des changements politiques d’envergure, mais toutes ont un impact sur l’opinion publique qui comprend qu’on lui cache quelque chose. Cela aboutit à un changement de mentalité. »

 » Le journaliste n’a pas de responsabilité sur ce qui se passe après l’enquête. Sa responsabilité, c’est de révéler l’information cachée ».

Ignace Sossou: « Le plus gros impact qu’une investigation peut avoir, c’est de sortir les citoyens de l’ignorance.»

« Pour bien collaborer, il faut s’entourer de journalistes qui partagent les mêmes valeurs. »

Firas Al Taweel: « Il faut accumuler l’information pour qu’elle ait un impact sur demain. »

À retenir

Le journalisme collaboratif a des impacts tant sur la démocratie que sur les mentalités. Les grandes enquêtes auxquelles il a permis d’aboutir ont suscité des vocations dans la profession.

Laura Dubois (IHECS)

[INTERVIEW] Tatiana Mossot : « C’est la violence et la capacité à la gérer qui fera toute la différence »

Photo : Lamisse Oujari /ISIC

Tatiana Mossot est une journaliste qui a travaillé dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Elle est la fondatrice de Mama Project, organisme d’accompagnement et de formation de journalistes francophones.

Comment est né le projet ?

Tatiana Mossot L’idée pour nous était de pouvoir accompagner des confrères et des consœurs – mais plus particulièrement des consœurs – journalistes sur le continent africain.

La raison pour laquelle on a créé Mama project (@MamaprojectA), c’est parce qu’on s’est dit que la formation professionnelle qui était proposé ne correspondait pas forcément à ce qu’il se passait sur le terrain. Ayant été essentiellement journaliste de terrain en Côte d’ivoire et au Sénégal et ayant couvert quasiment toute l’Afrique subsaharienne, je voyais des manques et des besoins. J’ai été sollicitée par des confrères et des consœurs qui me demandaient de l’aide sur plusieurs domaines.

De mon côté, il y a des situations auxquelles j’avais été confrontée, des situations de stress, des situations sécuritaires et des situations de gestion de crise sur lesquelles je m’étais sentie un peu isolée. Si moi j’ai ressenti ça alors que je travaille pour un grand média international, qu’est-ce qu’il en est de mes confrères locaux ? On s’est dit qu’avec cette structure, on pouvait accompagner à notre niveau des groupes d’hommes et de femmes journalistes.

 Quel type d’accompagnement faites-vous ?

T.M. On aborde tous les domaines journalistiques : l’accompagnement technique mais aussi psychologique, l’accompagnement sur les réseaux et finalement un accompagnement de carrière.

Combien de personnes accompagnez-vous ?

T.M. Comme c’est notre première année d’exercice, on a réussi à accompagner une vingtaine de personnes sur des problématiques diverses, de la technique d’investigation ou des questions de harcèlement moral.

La situation est-elle de plus en plus difficile ? 

T.M. Avec les réseaux sociaux, et cette capacité de diffuser sur les supports numériques, les journalistes s’exposent beaucoup plus qu’avant. Avant, il fallait attendre que votre article soit paru dans un journal et vendu en kiosques. Aujourd’hui votre article peut sortir au bout de 3 heures en ligne, et donc les attaques vont être beaucoup plus rapides, beaucoup plus violentes et vont vous poursuivre même au-delà de la publication. On ne peut pas aujourd’hui ne pas protéger les journalistes qui travaillent dans le digital et le numérique, on se doit de les accompagner.

Quelle est la spécificité du harcèlement envers les journalistes ?

T.M. Le harcèlement contre le journaliste est forcément beaucoup plus public, et encore est-ce que c’est vrai ? Pas totalement. Si on prend le harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux, votre image va être exposée publiquement de la même manière qu’un journaliste qui sera harcelé suite à un travail qu’il a fait. Aujourd’hui, les mécanismes du cyber harcèlement sont identifiés par des spécialistes comme étant les mêmes partout. Maintenant, c’est la violence et la capacité à la gérer qui fera toute la différence. On a toujours du mal avec le harcèlement lui-même.

 

Recueilli par Océane Illunga /IHECS et Lamisse Oujari /ISIC

[LE RÉSUMÉ] Journalisme d’investigation : comment gérer le stress, les pressions et les risques ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « journalisme d’investigation : comment gérer le stress, les pressions et les risques ? »

Photo : Irène Prigent/EPJT

Animé par Philippe Couve, fondateur de Samsa.fr et Samsa Africa (France), l’atelier a réuni Rahma Behi, journaliste d’investigation pour Al Qatiba (Tunisie) ; Lyas Hallas, journaliste d’investigation (Algérie) ; Ariane Lavrilleux, journaliste indépendante, spécialiste du Moyen-Orient (France) ; Rana Sabbagh, rédactrice en chef Moyen-Orient et Afrique du Nord pour l’OCCRP (Jordanie).

 

Les enjeux

Le journalisme d’investigation implique un engagement particulier et les journalistes enquêteurs peuvent être confrontés au stress et au sentiment de solitude. Victimes aussi parfois de pressions et sous la menace d’emprisonnement, le quotidien des journalistes d’investigation est fait d’une multitude de risques. Ils apprennent à s’y préparer davantage pour mieux les gérer et se protéger physiquement et moralement.

Ce qu’ils ont dit

Ariane Lavrilleux : « Avec Disclose, on a enquêté sur une opération militaire française en Egypte. Révéler des informations militaires peut être puni d’emprisonnement. J’ai quitté l’Égypte avant la publication de cette enquête. C’était trop dangereux pour moi ou mes proches de rester correspondante là-bas. Je le savais depuis le début. C’était moi ou le sujet. »

« Après l’enquête, j’ai eu besoin de faire une pause quelques semaines. Je n’ai pas repris les enquêtes tout de suite pour préserver ma santé. Il faut penser à autre chose que la mort, la torture etc…il y a une sorte de désintox à mener après avoir travaillé sur un sujet sensible. »

Rahma Behi : « Il y a toujours des risques ou des menaces quand on travaille sur des personnes puissantes. Il faut être prêt à tout pour pouvoir les gérer. » 

« Quand on doit aller dans une zone à risque pour une enquête, on part souvent à deux. Ou bien on partage notre position à quelqu’un… »

Lyas Hallas : « Travailler en réseau (réseaux internationaux ou d’un même pays) nous permet d’économiser du temps et de l’argent. Enquêter sur un sujet dans une région que l’on ne connait pas entraîne souvent un résultat aléatoire, d’où l’importance de bien s’entourer. »

Rana Sabbagh : « Il ne faut pas hésiter à aller voir son patron. On n’est pas dieu, on ne peut pas tout faire. Il faut absolument prendre des pauses. Il faut aussi que les rédacteurs en chef prennent ça en considération, qu’ils laissent leurs journalistes couper pour qu’ils puissent s’extraire de situations épuisantes. » 

À retenir

Le travail d’investigation est éprouvant. Lorsqu’ils enquêtent sur des sujets sensibles, les journalistes s’exposent à des risques physiques et exposent également leurs proches et leur santé mentale. Pourtant, informer reste une absolue nécessité, impliquant un certains sens du sacrifice. Travailler en réseau ou en équipe facilite le travail et permet de décharger en partie le journaliste du poids de l’enquête. 

Irène Prigent (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] « Focus Liban » : l’état du journalisme et des médias

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Focus Liban : l’état du journalisme et des médias »

Manon Modicom/EPJT

Animé par Jad Shahrour, chargé de communication pour Sheyes avec Caroline Hayek, grand reporter pour L’Orient-le Jour (Prix Albert Londres 2021), Alia Ibrahim, co-fondatrice de CEO et de Daraj.com, et Marc Saikali, PDG d’Ici Beyrouth.

 

 

Les enjeux

Entre 2020 et 2021, le Liban a dégringolé de cinq places dans le classement annuel de Reporters sans frontière. Derrière la crise socio-économique qui fissure le pays, se cache une deuxième guerre : celle des médias pour leur liberté. Un climat de tension qui a atteint son paroxysme en février 2021, avec l’assassinat de l’éditeur et commentateur politique, Lokam Slim. Dans de telles conditions, et alors que la jeunesse libanaise fuit le pays vers d’autres horizons, comment les médias libanais parviennent-ils à maintenir leur indépendance et se renouveler ?

Ce qu’ils ont dit

Caroline Hayek : « Ce qui est important pour nous, c’est de modifier notre image d’élite de droite chrétienne. On s’est engouffré dans d’autres brèches pour bousculer notre lectorat. Notre enquête sur la pédophilie n’aurait pas été possible il y a quelques années, par crainte des critiques. Mais aujourd’hui, on arrive à capter de nouveaux lecteurs. »

« L’Orient-le Jour a su se remettre en question et penser contre lui-même pour attirer les jeunes. Ce qui est très important pour nous, c’est cette indépendance, rompre avec cette image d’un média élitiste et recomposer toute notre équipe. »

Alia Ibrahim : « Nous faisons confiance aux lecteurs. Ils savent la limite entre l’opinion et l’enquête. La distinction entre le journalisme et l’activisme est très importante pour la crédibilité de l’organe de presse. Elle touche à la confiance des publics dans les médias. »

Marc Saikali : « Aujourd’hui, tout le monde est sur les réseaux sociaux. Mais on a la prétention de penser que dans un océan d’informations partielles et de fake news, quand vous êtes un média crédible, les jeunes font le tri. »

« La presse libanaise est parfois partisane mais elle reste libre (…) La guerre en Ukraine montre que la presse ne peut avoir une ligne éditoriale objective comme le souhaiteraient les médias anglo-saxons. Cette ligne éditoriale n’est pas objective, mais elle est honnête, et n’est pas financée par des politiques, ni de grosses ONG internationales. »

À retenir

La question de la déontologie journalistique se pose tout particulièrement au Liban, marqué par une importante crise économique et sociale. Les reportages d’investigation menés par les médias libanais sont plébiscités, de même que les nouveaux formats journalistiques permettent d’attirer le jeune lectorat. Si une presse indépendante est possible au Liban, les journalistes se heurtent à des problèmes budgétaires au sein de leur rédaction et souffrent du départ de la jeunesse pour renouveler les contenus.

Clara Jaeger et Irène Prigent (EPJT) 

[LE RÉSUMÉ] Les journalistes face au cyberharcèlement : Quels outils ? Quelles stratégies ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les journalistes face au cyberharcèlement : Quels outils ? Quelles stratégies ? ».

Photo : Lamisse Oujari /ISIC

Animé par Tatiana Mossot, journaliste et fondatrice de MaMaProject (Côte d’Ivoire) et Elodie Vialle, consultante pour PEN America (France).

 

Les enjeux

En 2020, l’Unesco a publié une enquête internationale à propos des violences en ligne contre les femmes journalistes. Les résultats indiquent que 73% d’entre elles y ont fait face dans l’exercice de leur métier. Pour 20% de celles-ci, il y a une connexion entre les violences en ligne et hors ligne. Le cyberharcèlement a donc un impact dans l’espace numérique, mais également dans la vie réelle.

Ce qu’elles ont dit

Elodie Vialle : « C’est un risque professionnel inhérent à la pratique journalistique et donc il y a une obligation pour les rédactions d’y faire quelque chose. (…) On leur demande de reconnaître ce qu’il se passe, d’évaluer le problème (…) et puis ensuite de discuter du protocole à suivre. »

Tatiana Mossot : « C’est un défi de réussir à garder des femmes dans la profession quand elles sont sujettes à des pressions aussi fortes. (…) Réussir à surmonter des pressions, des menaces, déjà pour les journalistes masculins, c’est difficile. Et chez une femme, la pression sociale va s’ajouter et elle va quitter le métier. »

« Ne pas prendre en compte ces menaces potentielles de cybersécurité et de harcèlement, ça a un impact sur la production. A partir du moment où vous avez un, deux, trois journalistes harcelés dans votre rédaction, ce sont des journalistes qui ne peuvent pas être productifs. (…) Ça touche donc à l’économie du média. S’il faut aujourd’hui convaincre les médias que c’est une question qu’ils doivent intégrer pleinement dans leur fonctionnement, c’est en leur parlant de leur portefeuille. »

À retenir

Le cyberharcèlement a un impact conséquent sur les femmes journalistes, les menant parfois à s’autocensurer et à disparaître de l’espace numérique. Pour contrer cette tendance, des associations s’organisent pour soutenir et accompagner les journalistes victimes de violences en ligne. PEN America a d’ailleurs mis en place un manuel de défense contre le cyberharcèlement, traduit en plusieurs langues, dont l’espagnol et le français. Différentes ressources sont actuellement disponibles sur https://onlineharassmentfieldmanual.pen.org/fr/ pour faire face au cyberharcèlement, pour soutenir une personne victime et pour s’informer sur les bonnes pratiques à avoir au sein des rédactions.

Shirine Ghaemmaghami (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] Quel vaccin contre les fake news?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Quel vaccin contre les Fake News? ».

Photo :Lucas TURCI/EPJT

Animé par Sandra FONTAINE, chargée de programme à la Fondation Hirondelle (France), avec Alhassane ABDOU-MAHAMANE, rédacteur en chef du Studio Kalangou (Niger) ; Julie GODIGNON, experte programme Covid-19 de la Fondation Hirondelle (France) ; Ayoub DFIHALLAH, journaliste de TuniFact (Tunisie)

 

 

Les enjeux

L’information est devenue le reflet de notre société : plus rapide, plus captivante, elle s’aligne sur l’urgence de notre impatience. Internet et les médias sociaux peuvent parfois laisser la place aux fake news : cette information non vérifiée qui intervient inévitablement dans les périodes conjointes à l’incertitude. La crise du COVID-19 n’a pas été épargnée par cette nouvelle culture de la désinformation. La Fondation Hirondelle nous rappelle qu’une bonne information commence avant tout avec un droit à l’information.

Ce qu’ils ont dit

Sandra Fontaine : « Le droit à l’information est l’une des bases pour lutter contre la désinformation. Au moindre changement politique, à la moindre instabilité, ce droit peut être fragilisé.« 

« L’information est le reflet de notre société : on est face à une libéralisation de la parole moins cadrée, moins modérée.« 

« Une Fake News est 70% plus susceptible d’être retweetée. »

Alhassane ABDOUMAHAMANE: « Au Niger, l’Internet s’est développé et on ne s’attendait pas à une telle flambée de la désinformation concernant la Covid-19. Face à elle, il fallait expliquer à la population que ce n’était pas qu’une simple maladie de blanc »

« Utiliser les langues minoritaires pour communiquer, c’est permettre le droit à l’information et ce droit est fondamental pour lutter contre la désinformation.»

Julie GODIGNON: « Nous sommes dans une culture du fast food : on est face à une information de plus en plus courte et de plus en plus sensationnelle. C’est la porte ouverte à la désinformation.»

À retenir

Il n’y a pas de remède miracle contre les fake news. Lutter contre la désinformation commence par un journalisme rigoureux, une bonne vérification des faits, une neutralité bien maniée et le respect du droit à l’information. 

Laura Dubois (IHECS)

Des Assises internationales à Tunis pour dire « l’urgence du journalisme »

De gauche à droite Taoufik MJAIED, Jérôme BOUVIER, Thierry VALLAT, Francisco ACOSTA, Amira MOHAMED
Photo : Lucas Turci/EPJT

Les Assises internationales du journalisme de Tunis promettent dès leur ouverture une programmation riche et fructueuse. A l’ordre du jour de cet événement : cinq focus pays, des débats, des ateliers, des concerts et des expositions, rassemblés autour du thème « l’urgence du journalisme ».

Future capitale du journalisme dans la Méditerranée – en tout cas quelques-uns l’espèrent –, Tunis accueille sa 2e édition des Assises du journalisme. Les travaux ont démarré ce jeudi 17 mars à la Cité de la culture et s’étendront jusqu’au 19 mars. Créé par l’association Journalisme et Citoyenneté, cet événement international est, selon son président Jérôme Bouvier, le fruit d’une aventure collective. Un programme soutenu par l’Union européenne, en partenariat avec l’ambassade de France, le CFI et d’autres médias internationaux.

Au moment où l’étau se resserre sur les journalistes un peu partout dans le monde, des professionnels des médias, des chercheurs, des institutionnels et des étudiants se réunissent pendant trois jours, pour penser à voix haute à la situation de cette profession dans la Méditerranée, en particulier, et dans le monde puisque les défis qui se présentent sont universels. Un panel pour rendre au journalisme ses lettres de noblesse, d’où le choix de la thématique « l’urgence du journalisme ».

La question de l’indépendance de la presse

Les intervenants ont insisté sur l’importance du journalisme et son utilité, plus importantes que jamais vu le contexte actuel marqué par la double crise sanitaire et sécuritaire. Dans la même veine, le chef de délégation adjoint de l’Union européenne en Tunisie, Francisco Acosta, a exprimé son soutien – et celui de l’UE – à l’indépendance du journalisme. Une « profession fabuleuse », à ses yeux. Il a par ailleurs mis en avant « l’utilité démocratique » du métier du journaliste, qui facilite l’accès du citoyen à l’information.

Sans surprise, le conflit russo-ukrainien, qui domine l’actualité internationale, s’est invité à la cérémonie d’inauguration des Assises. Le PDG de CFI n’a pas manqué de rappeler la nécessité de contre-carrer les fake news et de vérifier les sources, en faisant référence au traitement médiatique du conflit en Ukraine.

Si la galanterie n’a pas été respectée, la dernière intervention d’Amira Mohammed n’a pas été moins intéressante. Poignante, elle a impressionné l’auditoire. La vice-présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) s’est alarmée de la situation de la liberté d’expression en Tunisie en particulier, pays hôte. Une liberté qui se trouve menacée, selon elle.

La syndicaliste reproche le déclin de la liberté d’expression dans le journalisme aux autorités tunisiennes et pointe du doigt les deux gouvernements précédents et le gouvernement actuel. Amira Mohammed estime par ailleurs que le président de la République participe à la précarité du journalisme indépendant.

On peut se demander si s’interroger sur la question de la liberté d’expression, en dénonçant haut et fort les « responsables » ne serait pas en soi une forme de liberté. Une question à laquelle les participants aux Assises du journalisme pourraient répondre éventuellement, au cours des débats, des « focus » pays et des ateliers programmés tout au long de ces trois jours.

Adnane BOULAHIA de l’Institut supérieur de l’information et de la communication (Rabat) 

[INTERVIEW] Jérôme Bouvier : « Ce rendez-vous de Tunis doit ouvrir de nouveaux chemins »

C’est parti pour trois jours de conférences, débats et ateliers sur « L’urgence du journalisme ». La deuxième édition des Assises du journalisme de Tunis a pris son envol, ce matin, en présence de plus de 700 participants, dans le prestigieux cadre de la Cité de la Culture. Jérôme Bouvier, président de « journalisme et citoyenneté », est passé par la news room des écoles de journalisme pour parler des objectifs et des enjeux de ce rendez-vous euro méditerranéen. Il répond aux questions de Nordine Nabili, président du Master de journalisme de l’IHECS.

Interview réalisée par Nordine Nabili

[LE RÉSUMÉ] Le journalisme face à l’urgence sanitaire : quel dialogue entre journalistes et scientifiques ?

Photo : Chloé Plisson/EPJT

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le journalisme face à l’urgence sanitaire : quel dialogue entre journalistes et scientifiques ? »

Animé par Nouha Belaid, fondatrice du Réseau arabe du journalisme scientifique (Tunisie), avec Ruba Anabtawi, journaliste d’investigation et consultante pour l’Afaq environnemental (Palestine) et Hechmi Louzir, directeur de l’Institut Pasteur de Tunis (Tunisie).

 

Les enjeux

Alors que le monde est bouleversé par l’épidémie de Covid-19 depuis deux ans, Ruba Anabtawi, journaliste d’investigation en Palestine et Hechmi Louzir, directeur de l’Institut Pasteur de Tunis ont confronté leurs expériences sur le traitement journalistique de la pandémie et leur vision du journalisme scientifique.

Ce qu’ils ont dit

Ruba Anabtawi : « Avant la pandémie, l’intérêt des Palestiniens pour l’environnement était très faible. La crise sanitaire a été une aubaine pour mettre en avant le journalisme scientifique. »

« Dans mon pays, il est très difficile d’avoir accès aux informations. Pendant la pandémie, les autorités locales diffusaient des messages pour dire que tout était sous contrôle. Après la publication de plusieurs de mes enquêtes, une circulaire interne a ordonné aux fonctionnaires de ne plus collaborer avec moi. »

« Pour être un bon journaliste scientifique, il faut avoir les connaissances, la passion mais aussi toujours relier les informations à la réalité des gens. Lorsque j’évoque le changement climatique, je parle par exemple de l’impact du recul de la saison des pluies sur le travail d’agriculteurs en Palestine. »

Hechmi Louzir : « Il a fallu attendre la crise pour que les journalistes s’intéressent aux sciences. Mais cette couverture s’est accompagnée de diffusion de fausses informations. Les journalistes doivent être mieux formés sur ces questions. »

« Pour une meilleure collaboration entre les chercheurs et les journalistes, les efforts sont à faire dans les deux sens. Les scientifiques doivent être plus à l’écoute de la société et doivent transmettre plus d’informations à la population. De leur côté, les journalistes doivent être plus impliqués dans les sujets scientifiques. »

 

À retenir

Le journalisme scientifique a de beaux jours devant lui. La pandémie a permis son essor et a ouvert la réflexion sur une meilleure collaboration entre chercheurs et journalistes.

Chloé Plisson (EPJT)