Basma Nasser, journaliste yéménite, au centre et Darline Cothère, directrice de la maison des journalistes à droite. Photo : Océane Ilunga/IHECS

Basma Nasser est une journaliste yéménite réfugiée en France. Persécutée dans son pays à cause de sa couleur de peau et des habits qu’elle porte, elle quitte le Yémen en 2017 et est accueillie en France, à la Maison des journalistes. Dans un arabe puissant d’émotion, elle raconte les raisons de sa fuite.

« J’ai traversé sept pays avant d’arriver en France ». Du Soudan à la Turquie en passant par la Grèce, Basma Nasser témoigne d’un parcours déterminé par une conviction : celle de fuir le Yémen, le pays dans lequel elle a grandi. La guerre qui fait trembler sa terre natale n’est pas l’origine de son départ : « J’ai toujours été discriminée à cause de ma couleur de peau et des habits que je porte ». Basma est noire, féministe et journaliste.

Alors qu’elle a grandi dans une famille aux valeurs conservatrices, Basma se fait renier par la plupart de ses proches au moment où elle décide de ne plus porter le hijab et de devenir journaliste. « Vouloir étudier le journalisme au Yémen est perçu comme un péché. L’école dans laquelle je voulais me former avait mauvaise réputation ». Fille unique, Basma aurait dû être accompagnée par un tuteur ou se marier pour qu’elle puisse voyager librement.

En désaccord avec ces principes, Basma continuera à défendre les valeurs libérales qui finiront par planifier son départ : « Un beau jour, alors que je rentrais de mes cours de journalisme, le directeur de mon foyer m’attendait avec deux gendarmes qui m’ont obligée à signer un papier qui voulait que j’arrête de porter des habits colorés. A leurs yeux et ceux de ma famille, j’étais une mécréante. Ils ont fini par me menacer de mort. » Basma quitte le Yémen et n’y retournera jamais.

Accueillie par la Maison des journalistes

Après plus de deux ans passés dans une prison turque, la militante féministe arrive à Paris où elle est accueillie par la Maison des journalistes. « On accueille et héberge des journalistes persécutés dans leur pays pour avoir exercé une presse libre », explique Darline Cothère, directrice de l’établissement.

 

La Maison des journalistes, c’est un peu comme une photographie des conflits dans le monde : les résidents ont vécu des violences en raison du métier qu’ils exerçaient, dans des pays aux tensions politiques difficilement supportables. Créée sur le principe de la solidarité confraternelle et celui de la reconnaissance de la profession, le lieu d’accueil a deux missions : accueillir et héberger des journalistes réfugiés, et sensibiliser aux valeurs de la liberté de la presse.

Informer des conflits dans le monde et partager des expériences, c’est le but de l’initiative « Renvoyé Spécial » à laquelle Basma participe : « Je me souviens avoir raconté mon témoignage dans un collège de Bordeaux et avoir vu un élève en larmes. Ca m’a touchée de voir une personne sensible à mon histoire ». Le président de la Maison des Journalistes, Albéric de Gouville, ajoute : « Voir une telle émotion, c’est la preuve que l’action de témoigner permet de sensibiliser aux conflits et à la condition de la presse à travers le monde. »

Basma vit désormais en France. Elle a quitté la Maison des Journalistes et continue de militer : « Je voudrais poursuivre le journalisme. J’étudie le français à la Sorbonne. Pour le moment, je travaille bénévolement pour des organisations telles que Feminist Yemen Voice ». La plupart des réfugiés qui sont passés par la Maison des Journalistes abandonnent la profession. En cause, la barrière de la langue ou des traumatismes encore trop ancrés. Pour Basma, retourner au Yémen est impensable même si elle y songe dans ses rêves : « Malgré les discriminations que j’ai vécue, le Yémen aura toujours une place de choix dans mon cœur».

Laura Dubois/IHECS