Retrouvez l’essentiel de l’événement « Mort de Nahel : quelles leçons éditoriales ? »
Akli ALLIOUT, Héléna BERKAOUI et Erwan RUTY, de gauche à droite. Photo : Arthur Charlier/EPJT
Avec Akli ALLIOUT, directeur de Kaïna TV (Montpellier), Héléna BERKAOUI, rédactrice en cheffe du Bondy Blog, Erwan RUTY, ancien directeur du Medialab 93, auteur d’Une histoire des banlieues (éditions Les Périgrines). Animé par Nordine NABILI, responsable du master Journalisme de l’IHECS.

Les enjeux

La mort de Nahel Merzouk, 17 ans, tué par un tir policier, représente une énième rupture entre les quartiers populaires et les médias. Le traitement médiatique, télévisé notamment, a insisté sur la violence des jeunes sortis dans la rue et scandant « Justice pour Nahel ». Comment les médias peuvent-ils retrouver la confiance des habitants des quartiers populaires ? Quel rôle ont les médias locaux et les citoyens dans cette démarche ? Quelles lacunes les journaux traditionnels doivent-ils combler pour être à la hauteur de la couverture médiatique ?

Ce qu’ils ont dit

Héléna Berkaoui (rédactrice en cheffe du Bondy Blog) : « Au Bondy Blog, à la mort de Nahel, il y a une énergie folle qui se dégage de la rédaction. En tant que rédactrice en cheffe, je ne voulais pas qu’on fasse d’éditorial. Il y en avait déjà trop. On avait besoin d’entendre la voix des personnes des endroits où ça pète. »

« Quelle colère est légitime ? On n’a pas dit des gilets jaunes et des agriculteurs qu’ils étaient des émeutiers. »

 « Il y a un besoin de renouer une relation avec les médias. C’est très compliqué. Cette relation est très violente et violentée tous les jours sur les plateaux télévisés. »

Erwan Ruty (ancien directeur du Medialab 93, auteur d’Une histoire des banlieues, éd. Les Périgrines) : « L’extrême droitisation politique de certains médias a pour objectif de créer des conditions de rupture dans le récit sur les banlieues. »

« Une presse fragilisée ne va pas faire des expérimentations avec des personnes qui sont elles-mêmes fragiles. Elle va là où elle peut trouver de l’argent. »

« Après 2005, le contre-coup, c’est Nicolas Sarkozy au pouvoir deux ans plus tard. Il a fait un mandat essentiellement contre les banlieues. »

Akli ALLIOUT (directeur de Kaïna TV, Montpellier) : « La question de la jeunesse dans les quartiers populaires n’est pas prise en compte par les pouvoirs publics. Forcément, il y a une dégradation et une amplification de la misère. »

Nordine NABILI (responsable du master Journalisme de l’IHECS) : « On oublie souvent que le journaliste fait d’abord un travail collectif. »

« Les médias sont finalement la synthèse de la société. Mais si la société grince, les médias ne doivent pas forcément grincer à leur tour. »

À retenir

La mort de Nahel est un évènement représentatif du manque de dialogue entre les médias et les quartiers populaires. Cette rupture semble bien avancée : les habitants ne se sentent ni  représentés, ni écoutés. Selon eux, les journaux ne respectent pas leur récit et ne sont présents que dans des moments de conflits intenses comme les révoltes urbaines de 2005.

Le choix des images et des mots a un impact irréversible. Utiliser le mot « révoltes urbaines » au lieu d’« émeutes » apparait comme une solution non-négligeable dans la rédaction des papiers, selon Héléna Berkaoui, rédactrice en cheffe du Bondy Blog. Le traitement médiatique de ces lieux a besoin de travail de proximité et de terrain. Les rédactions doivent aussi se réapproprier les thématiques sociales en se dotant de journalistes spécialisés. Au delà du discours médiatique sur les quartiers populaires, c’est la voix de la jeunesse qui a été mise en sourdine.

Lou Attard