Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le commentaire de sport, un journalisme de l’émotion »

Gabriel Richalot, Alexandre Pasteur, Olivier Collet, Maureen Lehoux. Photo : Julien GROHAR/EPJT

Avec Maureen LEHOUX, commentatrice sur RMC Sport, Alexandre PASTEUR, commentateur sur France Télévisions, et Gabriel RICHALOT, chef du service des sports au journal Le Monde.

Animé par Olivier COLLET, journaliste à Chérie FM Val de Loire.

Les enjeux

Le commentaire de sport est une discipline journalistique à part. Les journalistes commentateurs ont parfois autant d’importance pour les lecteurs, téléspectateurs ou auditeurs que l’événement sportifs lui-même. L’occasion de réfléchir sur l’importance croissante des réseaux sociaux, la place des femmes dans un milieu très masculin ou encore sur la frontière ténue entre le rôle de journaliste et celui de supporteurs.

Ce qu’ils ont dit

Maureen Lehoux (commentatrice sur RMC) : « Il y a quelque chose de très théâtral dans le sport lui-même et on s’appuie sur ça dans notre commentaire. On peut s’enflammer si la situation le permet, notamment pour des athlètes français. Il faut cependant éviter de donner son avis. »

« Quand on est une femme, on a un devoir d’exemplarité. Une non-réponse ou une imprécision peut être pointée du doigt comme une incompétence. » Elle est la première femme à commenter un match de foot en direct sur RMC : « L’excuse de la voix n’est pas une vraie explication pour justifier le manque de femmes aux commentaires. Il y avait aussi peut-être des patrons de presse qui ne voulaient pas. Encore aujourd’hui, il y a peu de femmes. »

« Attention à la mode de mettre des femmes aux commentaires de sports identifiés comme plus féminins. Il faut se préoccuper de la moindre représentation des femmes mais surtout de ce qu’elles font à l’antenne. »

« Commenter, c’est avant tout informer. Il faut donc trouver le juste milieu entre l’information et la légèreté de ton. »

« Pour trouver son style, il faut avant tout être vrai, être soi. Il faut commenter avec son vécu et son histoire. »

Alexandre Pasteur (commentateur sur France Télévisions) : « À mes débuts en 1995, aucune femme ne commentait du sport à la télévision ou à la radio. Heureusement les choses évoluent, les barrières tombent. Des femmes vont commenter des épreuves pour les JO de Paris sur France Télévisions. »

« Avant tout : neutralité et objectivité. Depuis mes débuts, je me suis toujours astreint à ne m’enflammer que pour la performance plus que pour le sportif. »

« Je pars du principe que les erreurs, il faut les assumer. Quand on fait une erreur à l’antenne, on le sait très vite avec Twitter, Messenger… j’en passe et des meilleurs. Tant que l’interaction est cordiale, je le reconnais mon erreur et je cite la personne qui m’a remis dans le droit chemin. »

« On est là pour décrire, informer, décrypter et anticiper. Il faut avoir réponse à tout en connaissant tout sur le sport : son histoire, ses champions, etc. À l’antenne, même si on veut surtout être surpris. Le sport est un spectacle et on le vend comme tel. »

La proximité qu’il peut y avoir avec les athlètes influence-t-elle le commentaire ? « Je ne suis pas là pour être pote avec les coureurs. Même si j’adore Pogačar en tant qu’athlète, je suis avant tout journaliste de sport et commentateur. »

Gabriel Richarlot (chef du service des sports pour Le Monde) : « La spécificité du Monde n’est pas l’expertise, L’Équipe le fait très bien. On a surtout développé une plateforme sur laquelle nos lecteurs peuvent échanger avec nous. 90 % des gens qui viennent sur les lives du Monde viennent pour le ton décalé. »

« Pour pallier au manque d’images, nous partageons les vidéos relayées par les diffuseurs notamment. Nous nous reposons aussi sur le travail photo des agences de presse. Nous utilisons aussi des GIFs. » 

« Certains moments nécessitent un vrai décryptage journalistique avec de l’analyse et des informations. Quand il s’agit de partager l’émotion du sport, je ne vois pas d’objection à se laisser aller. Il y a un petit côté théâtre et stand-up dans le commentaire de sport. »

« Nous avons énormément de lectrices de sports qui échangent avec nous. Dans leurs réactions, elles nous éloignent des clichés « beaufs » parfois relayés autour du sport. »

« Même si les outils de l’intelligence artificielle sont utilisés pour traiter les données statistiques, il ne faut pas compter dessus pour l’émotion. »

À retenir

Le commentaire de sport est avant tout un exercice journalistique dont la mission est de transmettre des informations. Cependant, la théâtralité et les moments hors du temps que le sport offre sont propices aux envolées lyriques. Un seul mot d’ordre : s’enflammer tout en restant mesuré et en gardant à l’esprit l’importance de l’impartialité. En presse écrite, à la radio ou à la télévision, il faut se mettre au service des publics.

Cette discipline journalistique n’est cependant pas exempte de problème. La place des femmes dans le commentaire de sport reste une question centrale. Dans un milieu encore trop masculin tant côté journalistes que côté public, les femmes s’imposent doucement. Les mentalités évoluent et des changements profonds ont lieu. Plusieurs femmes commenteront des épreuves majeures de JO de Paris pour France Télévisions.

Théo Lheure (EPJT)