« Notre indépendance repose sur trois piliers, elle est financière, commerciale et éditoriale. »

De plus en plus de médias se revendiquent indépendants, mais tous n’en ont pas la même définition. De qui est-on vraiment indépendant ? La liberté éditoriale est-elle liée à l’indépendance financière ? La relation avec le public est-elle différente ?

Relation immédiate : « Au début, la doxa disait qu’il ne pouvait y avoir de modèle payant sur internet, c’était le règne du gratuit. Avec Mediapart, on a réussi à être payant sans publicité. On a une liberté absolue, on ne se soucie jamais de perdre de la pub, vu qu’on n’en a pas.Beaucoup de nos lecteurs nous critiquent, nous remettent en cause dans les commentaires et c’est très bien. Je n’avais jamais connu cette intensité dans la relation avec le public. L’État devrait aider les petits médias indépendants qui veulent se lancer plutôt que de donner des millions aux journaux détenus par des milliardaires. »

Fabrice Arfi (Mediapart)

 

Éthique personnelle : « Je me suis toujours senti indépendant, même lorsque je travaillais à France Télévision ou M6. J’ai été rédacteur en chef de Capital, c’était parfois une lutte dingue pour faire nos sujets mais j’étais indépendant. Le mot indépendance est donné en pâture. Internet a aboli des frontières entre le média et le public. Cela a ouvert un espace de liberté pour la création et la réalisation. À Spicee, on est indépendants financièrement, on compte sur les contributions du public. La vraie seule indépendance, c’est l’indépendance éditoriale. On fait ce qu’on veut, on produit ce que l’on veut avec la forme que l’on veut. »

Jean-Bernard Schmidt (Spicee)

 

Multiples financeurs : « Nous avons fait le choix de diversifier les recettes via des abonnements et des publicités. La dépendance c’est le fait de compter sur un petit nombre d’acteurs qui contribue beaucoup au chiffre d’affaires. »

Gil Mihaely (Causeur)

 

Pas de milliardaires : « Nous sommes huit journalistes à avoir fondé Les Jours après que Drahi a racheté Libération. L’indépendance on l’avait dans nos veines. L’idée c’était de faire “notre propre truc”. Être indépendant signifie qu’on ne dépend pas d’un milliardaire. Il faut faire vivre d’autres médias à côté des grands groupes. Leur permettre d’exister, c’est le seul moyen pour atteindre le pluralisme. »

Raphaël Garrigos (Les Jours)

 

Solution : l’adhésion ? « Notre indépendance repose sur trois piliers, elle est financière, commerciale et éditoriale. Le capital appartient aux quatre co-fondateurs. Il ne faut pas être opaque sur qui finance. C’est l’actionnariat qui crée la dépendance. Aujourd’hui, notre modèle est sans publicité et repose sur les abonnements. Notre nouvelle version proposera bientôt l’adhésion à prix libre. »

Pierre Leibovici (L’imprévu)

 

Loin des annonceurs : « On ne peut pas être totalement indépendant, mais il faut choisir sa dépendance : nous avons choisi de l’être des lecteurs. Environ 72 % du budget est issu de leurs dons et 20 % provient de subventions. C’est ce modèle économique qui garantit notre indépendance éditoriale. La publicité ne fait pas vivre Reporterre, donc elle ne dicte pas ses choix éditoriaux. Nous n’allons pas hésiter à publier une enquête qui va à l’encontre des grandes marques automobiles, l’un des premiers annonceurs de la presse française. Ce n’est pas anodin si nous avons révélé en France que Renault explosait les seuils des tests antipollution. Notre indépendance vis-à-vis des grandes entreprises et des institutions nous permet de publier des enquêtes qui auraient peut-être plus de mal à trouver leur place dans les grands médias. »

Marie Astier (Reporterre)