Photo : Coline Poiret/EPJT

Marc Epstein, ex-rédacteur en chef du service Monde de L’Express, est président de La Chance, une prépa qui aide des étudiants boursiers à préparer les concours des écoles de journalisme. Lors des Assises du journalisme de Tours, il est intervenu pour témoigner de l’urgence de diversifier les profils dans les rédactions.

Vous faites état d’un manque de diversité dans le milieu du journalisme et ce, dès la formation. C’est d’ailleurs dans ce but que vous avez créer le dispositif de La Chance. Avez-vous constaté une évolution dans le milieu ?

Marc Epstein. Depuis une quinzaine d’années que l’on existe, j’ai en effet constaté des changements. Au tout début, les gens étaient surpris qu’il y ait ce besoin d’un soutien. Pour ces personnes, les concours étaient un système juste qui garantissait une égalité des chances. Ils y voyaient un moyen d’évaluer les candidats sur leurs compétences et d’éviter les discriminations. Mais ils ne comprenaient pas que, si la ligne d’arrivée est la même, la ligne départ est différente pour chacun. Aujourd’hui, grâce aux efforts des différents dispositifs comme La Chance, il y a de plus en plus de boursiers dans les écoles de journalisme.

Lors de la conférence, vous évoquiez la lenteur de l’évolution dans les rédactions. Quels sont les freins qui ralentissent l’intégration des personnes issues de la diversité dans la profession ?

M. E. Je pense que cela s’inscrit dans une tradition française. Ce sont des facteurs profonds qui sont l’héritage d’un idéal révolutionnaire qui dicte une égalité entre tous. En France, on a aussi une difficulté à penser qu’il y a une diversité : des parcours, des origines sociales ou des situations de handicaps… On partage un idéal républicain aveugle à nos différences. Et si on ne les considère pas, on ne peut pas les traiter correctement. C’est comme ça que le manque de diversité dans les rédactions est d’une grande violence pour les journalistes et leur public.

Défendre la place de la diversité dans les rédactions est encore un poids souvent réservé aux personnes concernées. Mais les intervenants de la table ronde s’accordent pour dire que cela doit être le combat de tous et surtout des médias et de leurs directions. Qu’en pensez-vous  ?

M. E. L’absence de la diversité, c’est le souci des rédactions et pas celui des personnes issues de la diversité. Parce qu’une rédaction qui a des journalistes aux profils différents incarne mieux la réalité. Tant dans la représentation de la société que dans son traitement de l’information. Les différents titres ont à cœur d’être appréciés et d’offrir à leur public des sujets qui les touchent. Sinon, ils risquent de perdre leur audience qui se tournera vers les réseaux sociaux, où les algorithmes renvoient vers un entre-soi. La diversité, c’est un enjeu qui concerne l’équité sociale mais aussi la démocratie et l’avenir du journalisme.

Recueilli par Coline Poiret