Photo : Tom DEMARS-GRANJA/EPJT

Étudiante La Chance en 2018-2019, puis à l’ESJ-Pro, Yousra Gouja est aujourd’hui pigiste. Présente à l’atelier « Diversité dans la rédaction : Les RH s’engagent avec La Chance » aux Assises internationales du journalisme, elle revient sur son expérience et pointe du doigt les enjeux de la lutte pour la diversité au sein des rédactions.

Durant la conférence, Estelle Ndjandjo, porte-parole de l’Association des journalistes antiracistes et racisés (AJAR) a interpellé l’association La Chance : « Vous parlez d’un recrutement basé sur des critères sociaux, je me demande quels sont-ils ? Vous parlez de diversité, j’ai vu la promo La Chance cette année, ce n’est pas ce que j’appelle diversité. » La rejoignez-vous sur ce point ?

Yousra Gouja. Bien sûr ! La Chance ce ne sont pas que des personnes racisées. Il faut aussi prendre en compte notre territoire. Paris, ce n’est pas le fin fond de l’Auvergne, où les opportunités sont presque inexistantes. Il ne faut pas ignorer ces conditions. Ce qui n’est pas normal c’est que ces profils auront plus de chance à l’embauche qu’un Parisien racisé. On sait très bien que le prénom Mohammed est mis de côté dans la pile des CV. Les rédactions internationales ont compris. À la BBC par exemple, il y a de tout, c’est l’idéal. La diversité doit être visible. Tout le monde n’est pas blanc en France, pourtant, on continue de faire les mêmes erreurs.

Quelles sont les limites de La Chance ?

Y. G. La Chance nous aide et nous prépare à ce à quoi nous pourrons être confrontés après les écoles. Ils sont là pour nous challenger. Parfois trop et des propos discriminatoires ou déplacés vont être exprimés, notamment pendant les épreuves orales pour intégrer La Chance. Ils en sont conscients et savent qu’il y a un travail à faire. Il y a un code de bonne conduite à adopter. Il faudrait que des formations anti-discrimination soient mises en place. Premièrement pour lutter contre ces comportements, mais aussi et surtout, pour que les membres de La Chance prennent conscience de ce problème. Trop d’abstractions sont faites, il y a peu de remise en question. Ils travaillent pour les médias, mais également pour les Français. Il y a urgence sur la question. J’ai déjà été confrontée à des journalistes qui ne savent pas comment me parler ou qui ne vont pas aborder certains sujets avec moi, parce qu’ils pensent que je vais « m’énerver » [rire].

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontée aujourd’hui en tant que journaliste ?

Y. G. Pour commencer, il y a des enjeux face à la diversité. Parce que je suis racisée, on va penser, dans certaines rédactions, que je ne vais pas m’intégrer et comprendre le jargon. D’autant plus que je travaille sur des thématiques spécifiques et très techniques : majoritairement l’immobilier. C’est un milieu très masculin où l’on va me faire des réflexions sur mes cheveux, sur ma langue natale. Ce n’est pas méchants, selon eux, mais ce sont des remarques constantes. D’où l’intérêt d’éveiller les consciences avec des formations par exemple.
Ensuite, en tant que pigiste nous sommes confrontés à un manque de transparence et de communication avec les rédactions. Nous passons trop de temps à attendre et à relancer. Les pigistes ont besoin de réponses ou ils finiront par changer de métier. C’est un combat permanent alors que nous avons tous le même objectif : nous sommes tous là pour faire en sorte que le lecteur ait la bonne information. Nous sommes ensemble.

 

Recueilli par Sarah Costes et Manon Louvet (EPJT)