« L’Azerbaïdjan ne peut exporter sa censure au-delà de ses frontières ». Photo : capture d’écran

La plateforme Forbiddenstories.org, lancée le 2 novembre, permet à des journalistes en danger de sauvegarder leur travail. Avec elle, la promesse qu’aucune enquête entravée ne soit abandonnée.

Ces dix dernières années, plus de 700 journalistes sont morts pour leur travail. « En cas de mort, d’enlèvement ou d’arrestation, l’enquête continuera de vivre » : c’est ainsi que Laurent Richard décrit Forbidden Stories, dont il est à l’origine. Quand un journaliste se sent menacé, la plateforme lui permet de sécuriser ses données et de donner des instructions pour permettre à ses confrères de finir l’enquête en cas de problème. Partenaire de Forbidden Stories, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) travaillera à sa vérification et à sa publication.

Laurent Richard, par ailleurs rédacteur en chef de Premières Lignes, a vu dans cet appel à l’aide l’occasion de « faire quelque chose de plus organisé ». « Quand j’ai été arrêté en Azerbaïdjan, j’ai échangé avec une journaliste azérie qui m’a demandé de finir son enquête », raconte-t-il. Son reportage a été diffusé le 7 septembre 2015 dans Cash Investigation. Bakou a poursuivi Elise Lucet et Laurent Richard pour diffamation. Ils avaient qualifié le régime de dictature. « L’Azerbaïdjan ne peut exporter sa censure au-delà de ses frontières », a déclaré Laurent Richard dans Le Monde après sa relaxe.

« Quand j’ai été arrêté en Azerbaïdjan, une journaliste azérie m’a demandé de finir son enquête. »

Habitué aux enquêtes dans les pays où la liberté de la presse est menacée, Laurent Richard a développé son idée et mûri son projet à l’université du Michigan pendant un an. La sécurité des données est l’élément clé. « Le site utilise le système de cryptage lancé par Edward Snowden, SecureDrop, pour assurer des échanges anonymes », explique le créateur. Les journalistes sous la menace sont aussi invités à utiliser des mails cryptés, ainsi que Signal, une application ad hoc.

Une dizaine d’organisations

Pour mettre à mal la censure, Laurent Richard a misé sur l’entraide : « Nous travaillons avec une dizaine d’organisations. En parallèle, nous entretenons des relations avec des journalistes en danger. Les enquêtes sont globales et nous touchent tous. » Laurent Richard ne peut communiquer d’informations sur le nombre de contributeurs et leur profil. Il y voit surtout un moyen de défendre la liberté de la presse. « Nous pouvons protéger le journaliste de façon indirecte en donnant une assurance-vie au reportage, se réjouit-il. Nous ne rendons pas hommage au journaliste. Nous sauvons l’information pour informer le public. »


Charles Lemercier