Leïla Khouiel défend un traitement médiatique non caricatural des quartiers populaires. Photo : Clara Gaillot

Leïla Khouiel est rédactrice en chef adjointe du Bondy Blog. À travers le journalisme utile, elle souhaite rendre service à ses lecteurs. Et défend aussi la diversification au sein des rédactions.

À partir de quand le journalisme est-il utile ?

Un journalisme utile, c’est un journalisme qui ne se parle pas à lui-même. C’est un journalisme qui parle aux gens et qui a un impact direct et concret sur leur vie. Par exemple, en octobre, plusieurs étudiants se sont retrouvés bloqués, sans versement de leur bourse du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Créteil. Cela a eu des répercussions sur leur quotidien. On aurait pu s’arrêter à un travail éditorial et uniquement faire un article pour raconter leurs difficultés, mais au Bondy Blog, on a décidé d’aller plus loin. Dans les témoignages que l’on a recueillis, les étudiants nous expliquaient qu’ils avaient vraiment du mal à prendre contact avec le Crous. On a décidé de jouer le rôle d’intermédiaires. Et à force de persévérance, le Crous a fini par répondre et la situation s’est débloquée. C’est dans ces moments-là que je me dis que l’on fait un journalisme utile puisque on a pu changer quelque chose dans la vie de ces étudiants.

 

Comment sont perçus les journalistes dans les quartiers populaires ?
On y entend exactement les mêmes critiques que partout ailleurs. Ce qui revient régulièrement, c’est le fait que les médias ont tendance à discriminer ou à caricaturer les personnes qui vivent dans ces quartiers. Ce n’est pas le cas de tous les médias pour autant, il ne faut pas généraliser mais c’est une critique que j’entends souvent. Au Bondy Blog, on essaie de promouvoir un traitement médiatique normal de ces quartiers. Aujourd’hui, on les traite trop souvent sous le prisme du fait divers. On ne s’y intéresse que lorsque ça brûle ou qu’il y a du trafic de drogue. On a tendance à oublier tout le reste. Mais c’est moins fort qu’il y a quelques années, lors des révoltes urbaines de 2005, par exemple.

 

Les écoles de journalisme doivent-elles s’ouvrir à ces jeunes pour diversifier les rédactions ?
Depuis neuf ans, le Bondy Blog a une classe préparatoire « Égalité des chances », avec l’ESJ Lille, dont j’ai fait partie. J’ai pu intégrer la troisième promo et je crois que je ne serais pas là aujourd’hui si je n’avais pas fait cette classe. Ces cursus sont essentiels car c’est un premier pas vers plus de diversité dans les rédactions. On ne peut pas, d’une part, critiquer le manque de diversité dans les rédactions et d’autre part, ne rien faire. Par exemple, il faut davantage de filles et de fils d’ouvriers dans les rédactions et ce travail commence par leur intégration dans les écoles de journalisme. Ce manque de diversité dans les promotions impacte les médias. On le ressent dans leur ligne éditoriale car ils ne représentent pas la société française dans son ensemble.
 
Propos recueillis par Valériane GOUBAN