"Conférence
(Photo : Manuela Thonnel/EPJT)

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Climat, biodiversité : de la nécessité de travailler en réseau ».

 

Animé par Sophie ROLAND, journaliste-réalisatrice et formatrice pour Solutions Journalism Network, l’atelier a réuni Anne HENRY-CASTELBOU, journaliste Radio RCF Hauts de France et presse économique régionale, responsable du réseau régional des Journalistes pour la Nature et l’Ecologie (JNE), Kristen FALC’HON, membre fondateur de Splann! et Laurent RICHARD, fondateur de Forbidden Stories. Leila MINANO, secrétaire générale de Disclose, aurait également dû être présente, mais s’est décommandée en apprenant la participation de Nicolas Hulot à l’événement, précise Sophie Roland.

Les enjeux

Les journalistes qui traitent des questions écologiques se retrouvent souvent isolés, indépendants ou au sein des rédactions. Ils subissent les pressions de la part des politiques, des industriels, des mafias… En apprennant à travailler en équipe, les journalistes mettent en commun leurs compétences et leurs ressources. Par la collaboration, ils espèrent donner un nouvel écho à leurs sujets et peser davantage dans la balance.

Ce qu’ils ont dit

Laurent Richard : « Cela fait une bonne trentaine d’années que le journalisme collaboratif se développe. On a besoin de ressources de talents d’expertises dans tous les pays du monde. Cela serait dommage de faire ça tout seul mais cela va à l’encontre de toutes nos expériences personnelles précédentes. On est souvent des loups solitaires, à la recherche du scoop qu’on veut sortir et qu’on ne veut pas partager avec d’autres. »

« On essai de composer une équipe de rêve à chaque fois et c’est assez fabuleux comme aventure. Chacun met son ego au vestiaire. On sait que l’on enquête sur des histoires extrêmement dangereuses, c’est aussi le sens de la collaboration, car ça ne sert à rien de tuer un journaliste s’il y en a 30 autres qui arrivent derrière. On est un espèce d’énorme éléphant qui se déplace. C’est aussi une aventure humaine, nous n’avons pas la même culture, la même façon de communiquer, des approches et des lois différentes. »

« Toute enquête ne se prête pas à la collaboration, mais juridiquement, en termes de sécurité ou économique, ça a du sens. Je trouve ça dommage que ce ne soit pas enseigné comme un socle dans les écoles de journalisme. C’est une façon de redéfinir la profession, de s’enrichir des autres cultures. Il y a plein d’obstacles, de contraintes à gérer, mais je pense que le journalisme collaboratif est l’avenir et devrait être un peu plus pris en considération. »

Kristen Falc’hon : « Nous avons vocation à travailler, à chaque fois, avec d’autres médias. Lancer un média tout seul, c’est prendre le risque de parler dans le vide. Pour chaque enquête que l’on ouvre, on travaille avec d’autres médias qui s’engagent à publier eux-aussi l’enquête. À partir du moment où les médias nationaux s’intéressent à des questions, ça change la donne. Il y a tout de suite des pressions supplémentaires sur les acteurs locaux. »

« On n’a pas les mêmes infos quand on est à Brest que quand on est en Centre-Bretagne. En travaillant ensemble, on a par exemple donné une dimension systémique à la pollution à l’ammoniaque dans notre dernière enquête. »

« Ce sont des réunions téléphoniques à n’en plus finir, pendant des heures et des nuits. C’est assez éprouvant. On a quand même besoin de se retrouver physiquement. On a envie de cette euphorie collective. On voit chacun sur nos écrans que les choses bougent, mais on a envie de le partager à plusieurs. »

Anne Henry-Castelbou : « Les journalistes en région qui travaillent sur les sujets écologiques sont souvent seuls dans leur rédaction ou lorsqu’ils sont indépendants. On se voit comme des concurrents lorsqu’on ne se connait pas. »

« Nous avons intérêt à travailler ensemble pour sortir des discours institutionnels et de l’actualité chaude. Les journalistes échangent entre eux au sein des rédactions. C’est aussi ça le travail collaboratif. Il y a plein de moyens de le faire émerger, mais on peut tous monter en compétence. »

À retenir

Mettre en commun les ressources, se nourrir d’autres cultures et collaborer semble être l’une des clés pour donner une nouvelle profondeur à l’investigation.  En faisant front commun, les journalistes entendent lutter contre les pressions dont ils sont victimes, mais aussi donner une nouvelle profondeur à leur enquête. Pour cela, ils doivent mettre de côté leur ego, dépasser le sentiment de concurrence. Ce n’est plus la signature qui compte mais bien transmettre une information globale et approfondie.

Manuela Thonnel