La détestation des journalistes,une vieilles histoire_Cred Laurent Théoret

(Photo : Laurent Théoret)

Animé par Isabelle Marcin-Garrou, professeure en sciences de l’information et de la communication à Sciences po Lyo ; avec Claire Blandin,  professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 13 ; Gilles Bastin, professeur de sociologie à l’université Grenoble Alpes et Alexis Levrier, maître de conférences à l’université de Reims, chercheur associé et spécialiste de l’histoire de la presse.

LES ENJEUX

Les médias et leurs publics : « je t’aime moi non plus ? » Depuis quand déteste-t-on les journalistes ? Si publics et professionnels s’accordent sur l’utilité du travail du journaliste, lui et ses pratiques sont régulièrement remis en question. L’atelier de recherche invite à remonter jusqu’aux origines de la méfiance vis-à-vis de la presse. L’occasion d’un débat riche et d’une mise en perspective des événements contemporains à l’échelle de l’histoire. Un rappel nécessaire des combats quotidiens qu’ils restent à mener, et du contexte social en mutation auquel la profession doit savoir d’adapter. Depuis les « arbres de Cracovie », non pas en référence à la Pologne, mais bel et bien aux « craques », sous lesquels les nouvellistes se réunissaient pour échanger information de qualité et histoires farfelues, jusqu’aux affrontements sociaux des Gilets jaunes ; autopsie d’une histoire de la défiance par les prismes sociologiques et historiques.

CE QU’ILS ONT DIT

Claire Blandin : « La première guerre mondiale est un événement capital dans la construction de la colère populaire. Il y a un vrai sentiment de divorce, de trahison au sein de l’opinion publique. » 

Gilles Bastin : « Peut-être que la défiance n’est pas si mauvaise que ça ? Il n’existe que peu d’institutions qui exigent de leurs membres une confiance absolue. C’est tout à fait sain dans une démocratie d’avoir ces phénomènes de méfiance. Les médias devraient se libérer de leur obsession de l’amour du public. » 

Alexis Levrier : « La violence physique et l’encouragement, même implicite, à la violence doivent être condamnés. Mais je trouve très sain qu’il y ait une critique de la presse puisque cela lui permet de se réinventer. »

À RETENIR

La méfiance envers la presse et les journalistes ne date pas d’hier. Il a vraisemblablement toujours existé une relation de rivalité entre intellectuels et journalistes, volontiers accusés de détourner l’attention des lecteurs d’une littérature de qualité. Pour Gilles Bastin, à défaut de l’amour de son public, le journaliste devrait se contenter de (re)gagner sa confiance. Il est important de rappeler que ce sens critique du journaliste vis-à-vis de lui-même n’est pas inné et doit être le fruit d’un processus de véritable remise en question. Dans un contexte d’insertion sur le marché du travail difficile pour les jeunes journalistes, dont on estime l’espérance de vie professionnelle de plus en plus réduite, il faut lutter pour exister dans l’espace public et retrouver sa légitimité.

Eléa CHEVILLARD