Pigiste : comment défendre ses droits ? Photo : Malvina Raud

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Pigiste : comment défendre ses droits ? »

Animé par Lucie Tourette, co-présidente de l’association Profession : pigiste, avec Pablo Aiquel, journaliste pigiste, membre du bureau national du SNJ-CGT ; Elise Descamps, journaliste pigiste engagée à la CFDT ; Anne-Laure Pineau, journaliste membre du collectif YouPress et Marianne Chollet, représentante du pôle institutionnel et juridique à Audiens.

LES ENJEUX

Les pigistes, souvent sollicités, ne sont pour autant pas en lien régulier avec les rédactions. Leurs droits sont peu connus et leur situation parfois bancale. Les pigistes peuvent avoir des difficultés à être payés, à se faire reconnaître, à avoir des contacts… Ils sont pourtant essentiels à certains médias et le statut de pigiste peut être un passage obligé dans le parcours d’un journaliste en devenir.

CE QU’ILS ONT DIT

Pablo Aiquel : « Le droit à la formation est très important. En France, par rapport à d’autres pays en Europe, on est assez nanti de ce point de vue là. On a un droit de formation global et destiné directement aux journalistes pigistes. Il y a des budgets qui ne sont pas consommés. Au départ, les premières demandes de cartes de presse étaient à 66 % pour des CDI et à 33 % pour les CDD et pigistes. Aujourd’hui, on est à 72 % de CDD et pigistes. Du coup, les écoles doivent s’y mettre. Il y a une autre problématique qu’on va mettre en avant bientôt, c’est l’accès à la sécurité sociale. »

Elise Descamps : « La priorité est le droit de se faire payer en salaire, même si c’est très compliqué en tant que pigiste. Quand on est salarié, on cotise à plein de caisses pour sa santé, sa retraite, on a le droit à la carte de presse, etc. On fait partie de la masse salariale et on a tous les droits qui vont autour. Si on est indépendant, on n’a quasiment plus aucun droit. J’ai animé, à l’école de Metz, un cours sur la pige, et on m’avait demandé d’axer sur la technique. J’ai préféré me concentrer quand même sur le droit. Personnellement, j’ai commencé à piger en 2004 et j’ai directement été payée en salaire. Mais quand je signais des documents officiels, il m’arrivait de mettre « profession libérale ». Ça montre la vision que j’avais de mon statut. Je ne me sentais pas comme une salariée. Il faut aller voir les textes, les conventions collectives, le code du travail. Je lutte contre l’appellation de « journaliste indépendant ». Pour moi, un pigiste n’est pas un indépendant, c’est un salarié. Il faut toujours demander et que cela devienne une habitude. Il y aussi quelque chose qui manque aux pigistes, c’est l’accès à l’information dans l’entreprise. Il faut la jouer « groupé », ça peut permettre au sein d’une rédaction de faire appel aux syndicats. L’échelon entreprise est très important selon moi. Il faut trouver des alliés qui ont un pied dans la rédaction, être soutenu. Il ne faut pas croire que tous les employeurs sont des mauvais. Il y en a des bons, il faut les chercher. »

Anne-Laure Pineau : « Notre première revendication est d’être payé tout court. Il faut parfois se battre pour obtenir la rémunération de la pige. Il y a aussi la question des frais de déplacements pour les reportages, de moins en moins pris en compte. J’ai appris les droits un peu par mésaventure, car il y avait eu une affaire de harcèlement moral dans mon entreprise. J’ai appris cela sur le tas et c’est ce qui m’a donné envie de rentrer dans un collectif. J’ai aussi appris mes droits en me rapprochant des syndicats ou d’autres collectifs. Il y a quelque temps, une de mes collègues nous a annoncé sa grossesse. La première inquiétude a été de savoir ce qui allait se passer, jusqu’à quand elle allait pouvoir travailler, comment elle pourrait avoir un congé maternité… Elle n’a pas pu faire reconnaître ses piges comme salaires car elle était payée en droits d’auteur et elle n’a donc pas atteint le seuil nécessaire. Dans le collectif You Press, on a aussi fait des points sur le bien-être au travail, sur les postures, le fait de surélever les postes de travail, etc.»

Marianne Chollet : « Quand vous êtes salarié, vous avez des droits comme tous les autres salariés et vous cotisez. Tout cela, vous devez en être informés car un accident de la vie peut vite arriver. On voit que les journalistes pigistes ne déclarent pas leur arrêt de travail. Les pigistes sont une population atypique dans le monde du salariat en général. Sur un bulletin de salaire, il y a des cotisations pour la retraite complémentaire et il est aussi inscrit que les employeurs doivent cotiser pour les pigistes. À partir du moment où vous avez une pige au cours des 24 derniers mois, vous avez la possibilité d’intégrer le régime négocié par les partenaires sociaux. Ce sont des garanties collectives négociées. »

À RETENIR

Les pigistes ont des droits à faire valoir et des valeurs à défendre. Si ces droits sont méconnus, ils pourraient être enseignés dans les formations, mais ils peuvent aussi être appris en se syndicalisant, en se rapprochant d’autres pigistes ou en allant lire des textes. Aujourd’hui, les pigistes représentent une part importante des journalistes et ne doivent pas se plier à tous les types de demandes de leurs employeurs.

Valentin Jamin