Il y a moins de quinze jours, le journal L’Equipe fêtait ses 70 ans d’existence. Mais depuis 1946, il n’a jamais véritablement été concurrencé. Les quotidiens sportifs qui ont tenté de se lancer ont vite abandonné, pas aidés par l’accueil du géant.

L'Equipe est encore aujourd'hui le seul quotidien sportif français. Crédit photo : Théo Sorroche.

L’Equipe est encore aujourd’hui le seul quotidien sportif français. Photo : Théo Sorroche.

« Il n’y avait déjà pas la place pour deux quotidiens sportifs français il y a trente ans, alors c’est encore moins le cas aujourd’hui », lâche d’entrée Gérard Ejnès. Journaliste à L’Equipe, il a fait partie de l’expérience Le Sport, en 1987. Le but était alors de concurrencer la référence qu’était L’Equipe, mais au bout de moins d’un an, le journal s’est arrêté. « Avant l’arrivée du Sport, il y avait un journal qui gagnait de l’argent : L’Equipe. On a voulu remplacer ça par deux journaux qui en perdent. Forcément, le plus puissant a eu la peau de l’autre », se remémore Gérard Ejnès.

Il faut dire que pour évincer cette nouvelle concurrence, la référence du secteur s’est employée. « Beaucoup de journalistes du Sport ont notamment été débauchés par L’Equipe », détaille Jean-Marc Michel, président de l’Union des journalistes de sport en France (UJSF). Mais le journal est aussi passé intégralement en couleur, une initiative prévue de longue date mais qui n’était pas censée intervenir aussi tôt. « S’ils ont peur de la concurrence, c’est parce qu’ils sont au courant qu’il n’y a pas la place pour deux », assure Jean-Marc Michel.

La concurrence est aussi… sur Internet ! 

Quand en 2008, c’est le 10 Sport arrive sur le marché, L’Equipe a de nouveau tout fait pour garder son monopole. En créant Aujourd’hui Sport sur le même modèle que le 10 Sport, le titre du groupe Amaury a empêché tout développement, et rapidement, le nouveau concurrent a abandonné. « Prudence est mère de sûreté, avance Gérard Ejnès. Quand un concurrent arrive, c’est une menace potentielle, et c’est logique de ne pas vouloir lui laisser de place. »

Pourtant, ailleurs en Europe, les titres sportifs se bousculent. « Mais en France, il y a un problème de culture », avance Jean-Marc Michel. Gérard Ejnès abonde : « La France n’est pas un pays sportif. On ne triomphe pas dans les sports les plus populaires. » Résultat, c’est l’essor des autres supports, en parallèle de la presse papier, qui vient faire de l’ombre à L’Equipe. « La concurrence est partout. Le côté papier est secondaire, analyse Gérard Ejnès. Il y a des tonnes de sites qui parlent de sport, les radios et les télés en font aussi en pagaille. Tout le monde est venu sur ce terrain là. » Pas de quoi voler à L’Equipe son statut de référence, et surtout son monopole dans la presse quotidienne.

Robin WATTRAINT