L'ensemble des nommés du grand prix du journalisme.

Avec les nommés Léna Mauger pour Qu’auriez-vous fait à ma place ? (2017) aux Editions les Arènes ; Benjamin Bousquet pour Journaliste, l’ennemi qu’on adore (2017) aux Editions du Panthéon ; Pierangélique Schouler pour Les journalistes nous cachent-ils des choses ? (2017) aux Éditions Actes Sud ; Richard Sénéjoux, Amaury De Rochegonde pour Médias, les nouveaux empires (2017) aux éditions First.

Animée par Jérôme Bouvier, journaliste et Président de Journalisme & Citoyenneté.


LES ENJEUX

Ce sont les auteurs des quatre livres nommés aux Assises internationales du journalisme, qui ont participé à cet atelier, animé par le président des Assises. Selon le jury, composé à moitié de chercheurs et à moitié de journalistes, ces auteurs ont été retenus pour leur manière d’interroger le journalisme et sa pratique durant l’année écoulée. Quatre ouvrages donc, avec des approches très différentes du journalisme. Certains questionnent la relation journalistes-public, d’autres l’indépendance des journalistes vis-à-vis des groupes auxquels ils appartiennent et enfin d’autres s’intéressent à l’éducation aux médias pour les plus jeunes. C’est pour cette raison que Pierangélique Schouler et ses co-auteurs ont également remporté le prix du jeune public décerné par la ville de Tours pour leur livre Les journalistes nous cachent-ils des choses ?.


CE QU’ILS ONT DIT

Léna Mauger : « Ce livre est parti d’un coup de coeur. J’allais voir un blog sur le making off de l’AFP. Parmi les journalistes de l’AFP, il y en a beaucoup qui vivent partout dans le monde. Ils ne peuvent jamais raconter à la première personne ce qu’ils vivent tous les jours. J’ai essayé de sélectionner les photos les plus fortes comme les mouvements en Ukraine. Parfois il y a trop d’émotion qui ne passent pas à l’édition. Mais en même temps il y a cette vraie interrogation : quel est le rôle de mon métier de journaliste ? »

Benjamin Bousquet : « J’ai eu la chance d’exercer mon métier dans plusieurs pays différents comme le Ghana et les Etats-Unis. J’ai constaté la différence de traitement de la part du public pour les journalistes. En France, par exemple il y a un sentiment de méfiance. J’ai tenté à 27 ans d’expliquer ce qu’est ce métier à travers ces opportunités, répondre aux critiques que l’on peut faire aux journalistes mais aussi que les gens comprennent les difficultés des journalistes. Quand vous êtes amoureux d’une personne vous apprenez à l’aimer avec ses défauts. Je suis amoureux de mon métier. Il n’est pas parfait, c’est normal, ce serait frustrant s’il l’était. Une des critiques qui ressort souvent, c’est le sentiment que le commentaire prend le pas sur l’information et a une place démesurée. Tout le monde peut commenter aujourd’hui, les journalistes doivent donc se distinguer davantage en allant chercher l’information. Quand un journaliste fait une erreur tout le monde est au courant. Nous ne sommes pas exempt de tout reproche mais nous ne devons pas pour autant être une cible facile. »

Pierangélique Schouler : « Notre livre s’adresse à un public plutôt de lycéens. Il est l’aboutissement de cinq autres livres sur l’éducation aux médias. Pourquoi arrive-t-il que dans les journaux nous utilisions des photos photoshopées ? Il y a des pressions qui s’exercent, inconscientes ou conscientes. Nous illustrons par des exemples concrets pour faire comprendre les pratiques et méthodes des journalistes. Quand on est transparent on acquiert la confiance.  »

Richard Sénéjoux : « L’origine du livre : depuis une vingtaine années on suit l’actualité des médias. Neuf milliardaires ont racheté la presse. Pourquoi ? Quelles ont été les conséquences pour la liberté éditoriale ? On s’est rendu compte que ce n’est pas nouveau. La crise de la presse s’est accélérée avec la bulle internet. Il fallait soit s’arrêter ou être racheté. Ces milliardaires ont fait de bonnes affaires économiques. Par exemple, Patrick Drahi a construit un empire médiatique en très peu de temps. Posséder des journaux, c’est entrer dans un cercle très fermé car peu de personnes en ont. Cela revient à s’acheter de l’influence et de la respectabilité. Il y a la manière brutale d’influencer comme l’histoire du Crédit Mutuel et du documentaire commandé qui a été censuré à la demande de Vincent Bolloré. Ensuite, il y a des choses plus pernicieuses. Libération n’enquêtera jamais sur Patrick Drahi car c’est très
compliqué. »


À RETENIR

Il est difficile d’enquêter sur son propre média comme l’ont montré les ouvrages écrits à quatre mains. Il faut réussir à trouver un juste équilibre pour le journaliste de manière à ce qu’il puisse faire son travail dans les meilleures conditions et sans être censuré non plus. D’un autre côté, la ligne éditoriale ne permet pas de traiter de tous les sujets non plus. Pour ces journalistes, écrire un livre permet d’échapper à ces contraintes. Tous sont formels, il faut (re)trouver un journalisme de qualité qui donnera confiance aux lecteurs.


Taliane Elobo