Laurent Richard Forbidden stories

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Avec Forbidden Stories, aucun censeur ne pourra arrêter une enquête »

Carte blanche à Laurent Richard, journaliste à l’agence Premières Lignes et fondateur de Forbidden Stories.

LES ENJEUX

Difficile d’exercer son métier de journaliste dans des pays où la liberté de la presse est limitée, voire inexistante. Chaque année, des dizaines journalistes sont tués, emprisonnés, arrêtés aux quatre coins du monde. Journaliste depuis près de vingt ans, Laurent Richard a souvent été confronté à cette réalité-là. Alors petit à petit, une idée à germer : pourquoi ne pas continuer les enquêtes que d’autres ne peuvent pas terminer ? C’est ainsi qu’est né Forbidden Stories, un site qui permet aux journalistes de déposer leurs informations, que d’autres journalistes pourront reprendre en cas de problème.

CE QU’IL A DIT

« Ce n’est pas une idée nouvelle. En 1976, Don Bolles, un journaliste américain à Phoenix en Arizona, enquêtait sur des faits de corruption. Il est parti rencontrer une source et quand il a démarré sa voiture pour repartir, elle a explosé. Quand les secours sont arrivés, il respirait encore et il a eu le temps de dire trois choses : le nom de l’entrepreneur, le nom de l’entreprise et le mot corruption. Après ça, il y a plein de journalistes qui sont arrivés de tous les Etats-Unis et qui se sont dit « on va terminer son enquête ». Donc ce n’est pas une idée nouvelle. Mais ce qui a de nouveau, c’est qu’on est en 2018. On peut s’appuyer sur des fichiers opensource, des applications gratuites et libres de droits produites par des gens qui les mettent au service des rédactions. »

« On envoie un message fort : quel est l’intérêt de tuer le messager si le message est sauvegardé ? Quel est l’intérêt de l’abattre, de l’emprisonner si ces informations sont déjà sécurisées et vont être publiées massivement de manière collaborative. L’idée, c’est de mettre en lumière massivement ce qui aurait dû rester caché quelque part. »

« On a commencé par raconter des histoires de journalistes mexicains, notamment celle de Cecilio Pineda. On entend souvent dire « un journaliste mexicain de plus a été tué ». Mais c’est rare de dire pourquoi ils ont été tués. On dit souvent que c’est local, que c’est difficile à comprendre. Mais la vérité c’est que ce n’est pas si compliqué. Et il y a de moins en moins d’histoires locales. Ce n’est pas qu’une histoire mexicaine, c’est une histoire française, américaine… A Chicago, 56% de la drogue distribuée vient du Mexique. Donc l’histoire de ce journaliste assassiné, c’est une histoire globale. »

« On termine les enquêtes en fonction de nos moyens, de notre capacité à avancer dans l’affaire. Ce qui commande notre choix n’est qu’un principe éditorial. Notre souhait c’est de faire le plus d’enquête possible, mais ce ne sera pas le cas. Ce genre d’enquête ça demande du temps, ca prend au moins 6 mois. »

« On veut que tout ce que l’on produit soit librement et massivement utilisé par le plus grand nombre de rédactions. On veut faciliter le travail aux autres en leur disant : ce journaliste-là est mort dans ces conditions là, ca parait très local mais c’est très global, vous devriez mettre un journaliste sur cette enquête pendant 3 mois dans notre consortium. Vous gardez la main sur le contenu éditorial et nous on vous facilite le travail. »

A RETENIR

Forbidden Stories est né d’une envie : protéger les informations. Ce projet innovant fait appel à l’association et à la collaboration. En cas de problème, de nombreux journalistes reprennent les informations pour terminer l’enquête et la diffuser massivement. Mais en diffusant librement, Forbidden Stories se heurte au problème du financement. Un appel aux dons est donc lancé, pour que chacun puisse soutenir l’initiative et permettre à l’information de continuer à vivre.

 

Anastasia Marcellin