PQR : fin de l'information de services ?
Pour l’ensemble des journalistes présents à la conférence, aucun doute, l’avenir de la PQR se trouve dans le web. Photo : Clara Gaillot

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Presse quotidienne régionale : la fin de l’information de services ? »

Animé par Cyril Petit, rédacteur en chef central du Journal du Dimanche, avec Géraldine Baehr rédactrice en chef déléguée à  L’Union, Céline Bardy, directrice départementale de Ouest-France en Vendée, Luc Bouret, correspondant local et sportif pour Le Berry Républicain, Guillaume Lecointre, directeur des études marketing du Groupe Rossel La Voix et Emmanuelle Pavillon, directrice départementale de La Nouvelle République en Indre-et-Loire.

Les enjeux

Comment traiter l’information locale dans les quotidiens régionaux ? La Presse Quotidienne Régionale (PQR) est aujourd’hui bien vivante, avec 3,6 millions d’exemplaires vendus en moyenne par jour en 2017. Cette presse est également la championne de l’abonnement et des ventes numériques. Cependant, la diffusion de la presse quotidienne régionale est en baisse. Quelle est la place du web et des réseaux sociaux, véritables concurrents dans le domaine de l’information locale ? Comment la PQR peut-elle rester utile malgré un modèle payant, loin du numérique et avec un lectorat vieillissant ?

Ce qu’ils ont dit

Géraldine Baehr : « Être localier est une passion. Je suis bien placée pour vous parler car j’ai eu à suivre de nombreuses assemblées générales et autres papiers compliqués dont j’ai dû rendre compte. Je pense qu’il est primordial de mettre la forme au service du fond. Sur cette question, nous avons écouté nos lecteurs mais également nos journalistes. À aucun moment, néanmoins, nous n’amoindrissons le sérieux d’une information. Il faut décrypter l’information, même la plus banale, et avec originalité dans la forme. »

Céline Bardy : « À Ouest-France nous utilisons l’expression : « de la commune au monde ». Nous avons harmonisé la maquette du journal pour éviter l’effet escalier et faire rebondir l’intérêt du lecteur page après page. Dans chaque page, l’idée est d’avoir un article valorisé et concernant. Les bénéfices se voient dans l’intérêt de lecture, le lecteur lit des papiers qui ne sont pas forcément de sa commune mais il les trouve concernant. Néanmoins il reste des difficultés. Nous avons par exemple dû renforcer notre réseau de correspondants et le réorganiser. »

Luc Bouret : « Correspondant n’est pas un métier, c’est une passion. Correspondant est une étiquette qui vous colle à la peau. Pour les gens, vous êtes quelqu’un du journal. Il faut être au contact de la population, il faut être curieux et discuter avec elle. Ce qu’attendent les lecteurs, c’est qu’il y ait de l’information dans la commune. Il faut également souligner que l’information passe sur le web, même à petite échelle. Entre le web et le journal du lendemain, nous essayons de ne pas faire du copier-coller et d’apporter un complément d’information. »

Guillaume Lecointre : « Nous partons du principe que si nous ne nous intéressons pas à nos lecteurs, il n’y a pas de raisons qu’ils s’intéressent à nous. La quantité d’information est aujourd’hui illimitée. La concurrence directe et indirecte, notamment des réseaux sociaux, est partout. La question des lecteurs est : pourquoi payer pour des informations que j’ai déjà lues gratuitement ? Les nouvelles populations rurales, jeunes et dynamiques, ont d’autres attentes vis-à-vis de l’information locale. Ils ne veulent plus d’articles sans information, sans angle et dans lesquels ils savent déjà ce qu’ils veulent lire. Tout ce qui s’écrit sans plaisir se lit sans plaisir. Tout peut se raconter, l’excuse de la petite commune où il ne se passe rien n’a plus de raisons d’exister. Il faut un journal militant pour son territoire, véritable poil à gratter local. Il doit être utile et concret pour qu’aux yeux du lecteur, l’utilité de son information rembourse son prix. »

Emmanuelle Pavillon : « La presse quotidienne régionale est en perpétuel changement et on essaye de s’y maintenir, c’est notre quotidien. Le web nous a donné une porte importante pour toucher un lectorat plus large. La différence entre le traitement de l’information en milieu urbain et en milieu rural disparaît et c’est le web qui en est la cause. Nous essayons de travailler la valeur ajoutée de l’information. Notre différence qui nous démarque des réseaux sociaux c’est le fait que nous sommes les seuls à pouvoir mettre l’information en contexte global et à faire vivre l’information sur le print et sur le web. Nos papiers web vont chercher tous les publics à différents moments de lecture en mettant en forme l’information sous des formes originales pour la faire vivre sur le long terme. L’info-service est mise à l’épreuve face à la concurrence d’internet. La solution se trouve en apportant de la valeur ajoutée et en hiérarchisant l’information. Notre avantage est d’être plus large géographiquement que les autres acteurs qui peuvent donner de l’information. »

Cyril Petit : « Pour plein de gens, il y a deux types de journalistes : Claire Chazal et le correspondant de presse. Aujourd’hui il est difficile de monétiser uniquement des informations de base. »

À retenir

La presse quotidienne régionale change. Sa vieille image de mauvaise conteuse d’histoire et d’investigatrice médiocre disparaît peu à peu. Alors comment réinventer le traitement de l’information locale et redynamiser le secteur ? Selon les journalistes, il faut mettre la forme au service du fond, plaire au lecteur en répondant à ses attentes et en le surprenant avec des contenus originaux et inattendus. L’innovation est donc primordiale pour insuffler un dynamisme dans une presse, certes toujours en vie, mais également moribonde. Le web est donc au centre de cette réflexion pour la création de valeur ajoutée et le renouvellement d’une information locale à l’image redondante, plate et de moins en moins utile. Pour ce faire : des réseaux de correspondants motivés et réorganisés, des longs formats web, des articles interactifs dont la durée de vie excède les vingt-quatre heures et des enquêtes de fond. Le défi est donc d’informer tout en touchant les gens, en racontant leur quotidien, en étant finalement utiles.

Hugo Vallas