Gilles Bastin : « Quand vous faites bien votre travail, vous n’êtes pas détestés »

Photo : Gilles Bastin / Crédit : IPSI Tunis

Gilles Bastin est professeur de sociologie à l’université Grenoble Alpes. Il a participé à l’atelier « la détestation des journalistes, une vieille histoire ».

La Feuille : De nos jours, les actes de violence à l’égard des journalistes augmentent. Comment peut-on expliquer la détestation des journalistes ?

Gilles Bastin : Je ne suis pas sûr qu’il y ait une détestation. Beaucoup de gens envient la situation des journalistes. Même parmi ceux qui font partie des mouvements populaires et dont on pense qu’ils les détestent. En fait, beaucoup aimeraient peut-être devenir journaliste. Je me méfie du mot détestation parce que c’est une façon de disqualifier les gens qui critiquent les journalistes. S’ils le font, ils sont accusés de les haïr. En revanche, il y a des formes de détestation qui se sont manifestées depuis très longtemps chez les intellectuels. Il y a pleins d’exemples, au 20e siècle, de propos extrêmement violents à l’égard des journalistes. Je situe cette détestation plutôt du côté des intellectuels que des mouvements populaires.

L’État est-il responsable de la protection des journalistes ?

G.B. : Les journalistes français ont toujours cherché une protection de l’État. Leur statut a été obtenu par une loi parce que les entreprises ne voulaient pas le garantir. Ce type de loi n’existe pas dans beaucoup de pays. Aux États-Unis par exemple, les médias donnent la carte de presse à leurs journalistes. En France, il y a une petite maladie du journalisme, qui est de chercher cette protection, d’aller au ministère de la Culture dès qu’il y a un problème et d’avoir dans sa poche une carte de presse. Les médias sont aussi sous perfusion de l’État en France. Heureusement qu’il y a des aides à la presse, sinon certaines entreprises auraient fait faillite. On estime qu’il y a 15 % de chiffres d’affaires des entreprises en presse écrite qui est socialisée par le biais d’aides à la presse. Cette protection existe, mais à mon avis, elle a des effets pervers considérables. Les journalistes devraient chercher à s’en émanciper.

Que doivent faire les organismes de la profession pour affronter la violence et la haine à l’égard des journalistes ?

G.B. : Il y a des choses relativement simples à faire. Par exemple, il faut arrêter d’inviter sur les plateaux de télévision les gens qui font le commerce de cette violence dans un but électoral. Les invitations doivent se diversifier et éviter de donner un écho à tout cela. Quand vous faites bien votre travail, vous n’êtes pas détestés.

Propos recueillis par Oussama BOUCHIBA (IPSI Tunis)

 

 

 

 

 

 

 

 

« Si un journaliste se sent menacé, il peut envoyer ses informations à Forbidden stories, nous les sécuriserons »

La messagerie « Signal », l’un des moyens sécurisé pour que les journalistes menacés communiquent avec Forbidden stories. Photo : Hugo Checinski

Forbidden stories a pour ambition de reprendre le travail des journalistes afin de les protéger des pressions. Un projet qui regroupe des journalistes d’investigation du monde entier. Jules Giraudat raconte l’enquête qu’il a coordonnée sur l’assassinat de la journaliste maltaise, Daphne Caruana Galizia.

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Journalistes en danger : la protection au cœur du débat

Ce débat d’ouverture était animé par Hamida El Bour, la directrice de l’Institut de presse et des sciences de l’information de Tunis (IPSI) et Taoufik Mjaied, journaliste et présentateur à France 24. Photo : Ewen Renou

Alors que la première conférence de ces Assises devait porter sur l’utilité du journalisme, elle s’est très rapidement orientée sur la protection et la sécurité des journalistes. Une problématique notamment alimentée par l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

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