[INTERVIEW] Elin Casse : « En tant que femme trans, je sers parfois à redorer le blason de certains médias »

Photo : Maëva Dumas/EPJT

Elin Casse, journaliste chez Radio Parleur et membre de l’association des journalistes LBGT (AJL), porte un regard critique sur le traitement des communautés queer par les médias. Un sujet qui l’affecte directement en tant que journaliste et femme trans.

Comment les médias abordent-ils les sujets liés aux communautés queer ?

Le plus souvent, le traitement de ces thématiques est maladroit. Pour commencer, les sujets sont souvent les mêmes. On parle rarement du sida chez les lesbiennes par exemple. Cela va être plutôt des thèmes qui correspondent aux fantasmes associés aux LBGT+ : le chemsex, la chirurgie autour de la transition, le sexe entre deux lesbiennes. La vision qu’on a de la communauté est d’ailleurs souvent liée à la pornographie. Au-delà des sujets, le vocabulaire employé peut aussi poser problème comme lorsqu’on parle des personnes trans. Dans certains articles, le dead name est cité ou le mauvais pronom est utilisé pour qualifier une personne. Cela peut sembler être des détails mais ça touche directement à l’identité des trans. Il y a aussi des sujets où l’écriture est maladroite mais les informations données correspondent à la réalité et partent d’une bonne intention. Je pense notamment à l’émission de Karine Le Marchand l’année dernière, « Enfant trans : comment faire ? », le titre est désastreux mais l’idée était de sensibiliser à la trans-identité.

En tant que journaliste et femme trans, quel est votre ressenti vis-à-vis de ces médias ?

E.C. Je suis mitigée. Je travaille pour une radio indépendante et je vais devoir me tourner à contre-coeur vers des médias plus généralistes parce que je ne gagne pas suffisamment d’argent. Si je dis à contre-coeur, c’est parce que je sais que les sujets qu’ils abordent sur les communautés queer sont catégorisés. Il y a aussi le fait qu’en tant que femme trans, je sers parfois à redorer le blason de certains médias. Médias qui le plus souvent me contactent après avoir été accusés de discrimination. 

Selon vous, quels changements devraient être opérés dans la façon de traiter l’actualité liée aux communautés queer ?

E.C. Pour commencer, il faudrait simplement faire preuve de déontologie journalistique. Quand je vois un psychologue et un prêtre sur un plateau télé pour aborder la trans-identité, je me demande où est la contradiction. Il faut donner la parole aux personnes directement concernées. Les journalistes devraient aussi lire plus de la littérature scientifique à propos des transitions ou tout simplement des ouvrages liés à la communauté LGBTQI+. Enfin, il faut faire attention au vocabulaire utilisé et ne pas être dans une forme de voyeurisme en abordant que des sujets « chocs » comme le chemsex.

Recueilli par Maëva Dumas (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Quelle représentation des communautés queer ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Quelle représentation des communautés queer ? »

Photo : Maëva Dumas/EPJT

Avec Eline Casse , journaliste chez Radio Parleur et membre de l’AJL ( Association des journalistes LGBT), Lauriane Nicol, fondatrice de Lesbien Raisonnable, Christophe Martet, directeur de rédaction de Komitid et Marie Kirschen, journaliste indépendante et rédactrice en chef chez WellWellWell.

Animée par Mélisse Wyckhuyse, journaliste pour la Méridienne sur Radio Campus Tours, et Audrey Lecomte, co-animatrice de la quotidienne Sortez.

Les enjeux

Les communautés queer sont généralement représentées dans les médias à travers certains sujets. Chemsex, transition, mariage pour tous… les thématiques abordées se ressemblent et catégorisent les communautés à une image bien définie. Celle-ci peut être parfois connotée et discriminante. Face à cette situation, des changements sont nécessaires au sein des rédactions pour offrir une meilleure représentation des communautés queer plus proche de la réalité.

Ce qu’ils ont dit

Lauriane Nicol : «  C’est important d’apporter de la légèreté. Je ne sais pas si ça fait partie de notre militantisme mais c’est important le divertissement. On réduit trop les communautés queer à des sujets graves ou sérieux. »

Christophe Martet : « En général, les images utilisées pour représenter les communautés queer sont problématiques. Ce sont souvent des clichés lisses tirées de banques d’images ou des photos de la Pride où l’on voit des personnes dans des cadres spectaculaires. Rien à voir avec la réalité. »

Marie Kirschen : « Souvent, les journalistes envoient des questions aux associations queer qui n’ont pas lieu d’être. Évidemment, les réponses qu’ils reçoivent sont abruptes. Ce n’est pas un terrain neutre, les interlocuteurs ont des attentes et à juste titre. »

Elin Casse : « Je travaille pour un média indépendant mais ça ne paie pas assez donc je vais devoir me tourner vers des médias généralistes. C’est un choix que je fais à contre-coeur quand on connait la façon dont ils abordent les sujets autour des communautés LGBTQI+ . »

 

À retenir

Les médias traditionnels doivent sensibiliser leurs rédactions à la réalité des communautés queer. Le vocabulaire employé, les images mises en avant, les sujets abordés, une réflexion est nécessaire autour de ces thématiques pour arrêter de transmettre des représentations trop connotées. 

Maëva Dumas (EPJT)