Journalisme Citoyen

L’essor du numérique a été suivi d’une forte participation citoyenne dans la production et la diffusion de contenus journalistiques, en particulier en vidéo. Des espaces leur ont été rapidement dédiés. C’est le cas des Observateurs de France 24 et des Témoins de BFM TV.

« C’est une démarche participative, de témoignages mais elle ne transforme pas le témoin en journaliste », pose d’entrée Ivan Valerio, rédacteur en chef du site de BFM TV. Les termes de journaliste participatif, journaliste citoyen et ses déclinaisons anglo-saxonnes vont bon train et ne sont pas unanimes. L’espace dédié à la parole des citoyens est différencié de l’espace journalistique dans les médias traditionnels. Mais pas que. Mediapart a par exemple tracé une ligne claire entre son journal et Le Club, l’espace contributif des abonnés. « Vérifier et analyser est ce qui différencie les journaux des autres flux d’information », disait Timothy Balding au Monde en 2007, alors directeur général de l’Association mondiale des journaux (AMJ).

La vérification avant tout

Pour ne s’intéresser qu’à la vidéo, la chaîne France 24, née en 2006, a rapidement lancé les Observateurs. « Nous faisons intervenir des citoyens ordinaires, ni politiques ni experts, explique Derek Thomson, co-fondateur du site avec Julien Pain. Ce sont des témoins d’événements ou de situations qu’ils connaissent. »  Les équipes de journalistes travaillent à la vérification des contenus. « Nous utilisons les mêmes outils que pour n’importe quelle source, précise Derek Thomson. Le réseau de 5 000 contributeurs nous aide à vérifier, nous lançons des appels sur Facebook parfois. »

BFM TV, fondée sur le modèle de CNN, a importé l’idée d’iReport. Elle invite à partager ses histoires et photos. Ainsi sont nés les Témoins BFM TV. Vous avez sans doute vu le bandeau à l’antenne qui invite à partager ses vidéos lorsqu’on est témoin d’un événement. « Nous recevons une dizaine de vidéos par jour en moyenne. La contribution est très forte pour les événements climatiques comme la neige et les mouvements sociaux, il faut faire du tri », indique Ivan Valerio. Contexte, date, lieu et image sont les éléments clés. « Nous appelons le témoin ou des voisins s’il y a un doute », ajoute le rédacteur en chef du site de BFM TV.

« Ils ne travaillent pas pour nous »

« Nous n’avons été trompés qu’une fois de mémoire. Mais souvent, des vidéos sont prises hors contexte ou avec une mauvaise histoire sur les images », avance le directeur des Observateurs. « En cas d’actualité forte comme le terrorisme, on peut essayer de nous tromper mais c’est rare, relate Ivan Valerio. Pendant la tempête Irma, nous avons eu des images spectaculaires mais bien antérieures à l’événement. », explique Derek Thomson. Les citoyens peuvent se trouver en zone de danger, mais les rédactions ne prennent aucun risque et les écartent de la menace. « Ils ne travaillent pas pour nous, rappelle-t-il. Pour aller dans les lieux où il faut se rendre, nous envoyons des correspondants. » 

« Le réflexe reste de poster ses vidéos sur les réseaux sociaux car les personnes considèrent que la caisse de résonance est plus grande », observe Ivan Valerio. Ce choix est un travail supplémentaire pour les rédactions qui comptaient sur le contenu direct et exclusif de leurs contributeurs. Il faut, encore plus, vérifier et demander l’autorisation pour utiliser les images. La participation et l’intégration des citoyens dans la production de l’information en est réduite. 

Charles Lemercier et Daryl Ramadier