Membre du Solutions Journalism Network, Sophie Roland défend un journalisme de solutions face à un journalisme anxiogène, dans le traitement de l’urgence climatique.

Sophie Roland (Photo : Irène Prigent/EPJT)

Après avoir travaillé plusieurs années pour les magazines d’enquête de France Télévisions, Sophie Roland a rejoint en 2019 le Solutions Journalism Network fondé par des journalistes du New York Times. Au sein de la profession et auprès des étudiants, elle forme au journalisme de solutions et travaille à en détruire les clichés.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous diriger vers le journalisme de solutions ?

Cela a été un cheminement un peu long. J’ai fait beaucoup d’enquêtes dans ma vie et au fur et à mesure, je me suis rendue compte qu’elle déprimaient les gens. Les spectateurs étaient laissés avec un sentiment d’impuissance et d’anxiété. Et puis j’ai fait des rencontres, notamment avec Nina Fasciaux qui est la manager Europe du Solutions Journalism Network. Elle m’a expliqué comment les Américains avaient réfléchi à mettre au point une méthode qui permette d’exercer le journalisme de solutions de manière rigoureuse. Il y avait un sommet international à Sundance en novembre 2019. Cela m’a fait un bien fou de rencontrer des journalistes qui ont envie, comme moi, de bousculer leurs approches du reportage ou de l’enquête en les axant sur les réponses aux problèmes. J’ai repris espoir.

Quelle est la principale critique que vous adressez aux médias concernant le traitement de l’urgence climatique ?

Les journalistes sont souvent très anxiogènes dans la manière d’aborder les sujets climatiques. C’est vrai qu’il faut faire prendre conscience aux gens qu’il y a un problème, mais on ne doit pas s’arrêter là. Il faut être capable d’analyser et d’apporter des réponses. C’est important pour moi que ce ne soit pas le fait uniquement d’une niche de médias spécialisés. Le journalisme de solutions doit être mis en avant dans nos journaux télévisés et nos grands magazines. Il faut des sujets ambitieux sur les solutions, ce qui nécessite un travail d’investigation. Des événements comme la COP 26 sont des occasions pour parler des initiatives qui existent.

À quels obstacles se heurte encore le journalisme de solutions ?

Il n’y a pas encore ce réflexe premier des journalistes d’aller couvrir « le sixième W », que j’appellerais le « qu’est-ce qu’on fait ? » Je pense qu’aujourd’hui, de plus en plus de journalistes vont êtres sensibilisés à cela, en particulier chez la jeune génération. Les problèmes hurlent et les solutions murmurent. Maintenant, il faut faire hurler les solutions. Mais mesurer l’efficacité des initiatives prend du temps. Les rédactions doivent essayer de s’en dégager et mieux anticiper les sujets. Au lieu de faire un marronnier sur la journée du climat, par exemple, les journalistes peuvent l’axer sur les solutions. Ce sont des choix éditoriaux et des réflexes à intégrer.

Comment échappez-vous au cliché du journalisme de « bonnes nouvelles » ?

J’y échappe en participant à des événements comme les Assises du Journalisme, où durant trois jours, je casse les idées reçues autour du journalisme de solutions. J’interviens beaucoup auprès des écoles de journalisme, mais aussi à France Télévision. J’espère prouver à l’antenne que ce journalisme est aussi exigeant que n’importe quel reportage.

Êtes-vous optimiste pour le climat ?

Le journalisme de solutions m’a redonné de l’optimiste. On a une responsabilité journalistique à bien informer les gens sur les problèmes et les solutions qui auront un véritable impact sur le climat. Inutile de perdre son temps à exposer des soi-disant solutions qui ne vont rien régler du tout, ni à mettre en avant des technologies dont on n’a même pas encore la preuve qu’elles fonctionnent. Il faut être réaliste, ne pas tomber dans le « Greenwashing ». Néanmoins, des solutions, il y en a. À nous de les montrer, les travailler, les questionner et les investiguer de manière rigoureuse.

Propos recueillis par Irène Prigent