Isabelle Bordes, hier, lors de la conférence « Résidences de journalistes, partage d’expériences ». Photo : Mathilde Lafargue/EPJT

Isolées géographiquement et peu représentées dans l’actualité, les zones rurales peinent d’autant plus à avoir accès à l’éducation aux médias.

« La ruralité, c’est un quartier prioritaire. » Elodie Cerqueira, journaliste et présidente du Club de la presse Centre-Val de Loire, n’y va pas par quatre chemins pour parler de l’éducation aux médias dans les campagnes. « La ruralité, aujourd’hui, est une vraie cible de l’EMI. Les lycées au milieu des champs, où il n’y a rien autour, c’est joli mais ça veut dire que pour la moindre chose il faut affréter un bus. Ce sont des coûts en plus », ajoute-t-elle.

« Des zones très enclavées »

Cela ne veut pas dire qu’il est impossible de faire de l’éducation aux médias en zone rurale. Mais souvent, ces initiatives tiennent à la détermination personnelle de quelques individus. Karen Prévost-Sorbe, référente EMI pour l’académie Orléans-Tours, confirme : « Les médias sont principalement localisés dans des petites villes ou en métropole. Mais, il y a aussi des collèges et des écoles dans des zones très enclavées, où il est compliqué de faire venir des journalistes. »

La coordinatrice Clemi prend l’exemple de ce petit collège de 95 élèves, « au fin fond de l’Indre », à Ecueillé. « On a une classe média, avec une vraie web radio. Un ancien directeur de France Bleu est venu les encadrer et leur offrir cette chance. » La classe s’est d’ailleurs déplacée aux Assises du journalisme à Tours, « à plus de deux heures de bus. »

Isabelle Bordes fait le même constat. La journaliste, qui a travaillé pendant trente ans à Ouest-France a décidé il y a un an et demi de quitter son poste et de se lancer dans l’éducation aux médias. Depuis septembre 2022, elle effectue une résidence, une semaine par mois, dans un village de 2000 habitants dans le Calvados.

Un café des médias

Quand elle arrive dans le village, elle ne trouve aucun interlocuteur : « Il y a très peu de structures et il est très difficile d’aller vers les gens », raconte-t-elle. En plus de cela, « la difficulté, c‘est que l’EMI, c’est une notion qui est étrangère au grand public et ce sont des enjeux qui ne sont pas dans l’ère du temps dans ces territoires-là », poursuit la journaliste, pas habituée à ce genre de public.

Elle a finalement joué sur l’effet village. Chaque mercredi matin, jour de marché, elle organise « le café des médias », et s’installe à une table avec des journaux « pour se mettre à disposition des habitants, faire du lien et montrer que les journalistes sont des gens comme les autres ». Ce qu’essaient de faire aussi le collectif la Friche ou encore l’annuaire Vu des quartiers, qui visent eux à recréer un lien de confiance entre médias et habitants des quartiers prioritaires. Que ce soit dans les zones rurales ou les banlieues, le même problème d’accessibilité à l’EMI persiste.

 

 Fanny Uski-Billieux (EPJT)