[INTERVIEW] Baptiste Bouthier : « On avait tous conscience que l’histoire se déroulait sous nos yeux »

(Photos : Lucas Turci/EPJT)

À l’occasion des Assises du journalisme 2021, le journaliste Baptiste Bouthier présente sa première bande-dessinée, 11 septembre 2001 – Le jour où le monde a basculé, illustrée par Héloïse Chochois*.

Cette bande-dessinée est le résultat d’une collaboration avec la revue Topo, une revue dessinée pour les moins de 20 ans. Qu’elle était l’objectif de ce projet ?

Baptiste Bouthier. Topo est une revue bi-mensuelle qui décrypte l’actualité par le dessin. À l’occasion des 20 ans du 11 septembre, nous voulions raconter cet événement à un public trop jeune pour s’en souvenir. Leur raconter ce qu’il s’est passé, comment les informations arrivaient au compte-goutte en France. Le personnage principal est une adolescente, Juliette. Elle permet aux lecteurs de s’identifier et de comprendre l’impact que cela a eu sur le monde dans lequel ils vivent.

Dans la BD, Juliette a 14 ans au moment des attentats, l’âge que vous aviez à l’époque. Quels souvenirs en gardez-vous ? 

B. B. Comme Juliette, j’ai appris le drame par ma mère en rentrant du collège. Je n’ai pas bien compris sur le moment mais en voyant les images plus tard. On avait tous conscience que l’histoire se déroulait sous nos yeux. La façon la plus véridique de raconter, c’était de montrer ce que j’ai vécu. Il y a aussi les souvenirs de la dessinatrice Héloïse, et de nos proches. Tout le monde se souvient de ce qu’il faisait au moment de l’attentat. Juliette est un personnage fictif mais c’est un assemblage de souvenirs réels.

Avant d’être une fiction, c’est un travail journalistique. Comment avez-vous documenté votre travail ? 

B. B. Il y a des téra octets de vidéos sur le sujet. On cherchait des informations vérifiées et des témoignages complets et précis. Puis il y a eu la mise en scène. Comment mettre concrètement ces témoignages en dessins. Héloïse s’est basée sur de nombreuses photos des tours, de Georges W. Bush… Elle a vraiment travaillé en s’appuyant sur de vrais documents.

Y a-t il des difficultés à illustrer un événement tragique ?

B. B. Héloise avait la volonté de ne pas ajouter du pathos au pathos, avec des illustrations sombres. Mais on ne pouvait pas mettre de couleurs fluo non plus. Nous avons choisi des couleurs pastel, douces. Du rouge pour la France, du bleu pour les Etats-Unis, pour l’alternance des récits. Il n’y pas beaucoup d’images violentes du 11 septembre. Il n’y a pas d’entre-deux. Les gens sont sortis presque indemnes ou sont morts dans les tours. La violence, ce sont les gens qui sautent par les fenêtres. Nous avons choisi de les représenter. J’ai eu des reproches mais on ne pouvait pas ne pas montrer ça.

Recueilli par Chloé Plisson et Manuela Thonnel

(*) Une co-édition Dargaud et Topo.

[INTERVIEW] Karine Lacombe et Fiamma Luzzati : « Notre roman graphique est un témoignage instantané caméra à l’appui »

(Photo : Eléa N’Guyen Van-Ky/EPJT)

Karine Lacombe, cheffe du service infectiologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, et Fiamma Luzzati, illustratrice de bandes dessinées et autrice du blog L’Avventura, publient La Médecin, aux éditions Stock. Ce roman graphique retrace le quotidien sous tension des soignants à l’hôpital durant la première vague de Covid-19.

Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de votre ouvrage ? Quelle importance accordez-vous au témoignage ?

Karine Lacombe. Pendant la première vague de Covid-19, chacun était confiné chez lui. On entendait beaucoup de choses à propos du virus. Mais personne ne savait ce qui se passait à l’intérieur des hôpitaux. L’idée était donc d’offrir au lecteur une vision de l’hôpital durant cette crise, à la manière d’un reporter avec sa caméra à l’épaule. Ce qui m’importait, c’était aussi d’apporter mon témoignage de femme médecin, de mère de famille et de cheffe du service infectiologie en temps de crise, d’où le titre du roman.

Comment est née votre collaboration ?

K. L. L’histoire est partie de nos deux éditrices, dont l’une est très engagée. Elles m’ont contactée en mars 2020 car elles avaient envie de publier un livre au sujet de la crise sanitaire vue à travers mon regard. Elles m’ont tout de suite proposé la forme du roman graphique pour rendre l’histoire accessible à tous. Nous avions donc besoin d’une illustratrice de bandes dessinées. Elles se sont naturellement tournées vers Fiamma Luzzati.

Fiamma Luzzati. Je tiens un blog dessiné au sein du journal Le Monde. À l’époque, la rédaction ne traitait que du Covid, j’avais donc l’habitude d’élaborer des illustrations en lien avec le virus.

Pourquoi avoir choisi le support du roman graphique ? Y a-t-il une volonté de vulgarisation ?

K. L. Effectivement, la visée de ce roman est pédagogique et informationnelle. Notre objectif est de nous adresser à tout le monde. D’ailleurs, plusieurs pages consacrées à des explications scientifiques sont présentes dans l’ouvrage.

La couverture du roman vous montre vous, Karine Lacombe, fixant le lecteur derrière un hublot, au sein de votre service hospitalier. Que signifie-t-elle ?

K. L. Cette couverture, c’est un peu l’hôpital qui regarde le monde, à un moment où personne ne sait ce qu’il s’y déroule. Et, en ouvrant le livre, le lecteur est invité à passer derrière le hublot, à pénétrer l’intérieur des lieux.

La couleur bleue domine les illustrations. Pourquoi ?

F. L. Le bleu renvoie spontanément au domaine de la santé.

K. L. C’est aussi une couleur porteuse d’espoir.

Comment expliquez-vous la dernière page de l’ouvrage ?

K. L. La fin était un peu prémonitoire. On l’a ajoutée peu de temps avant la publication. Sur la dernière page, mon personnage revient à l’hôpital. Il revient parce qu’on entre dans la deuxième vague de l’épidémie.

 

Recueilli par Éléa N’guyen Van Ky et Claire Ferragu

(*) Editions Stock