[RESUME] La conférence « Urgence climatique et responsabilité des journalistes : des médias s’engagent ! »

Retrouvez l’essentiel de l’événement « L’urgence climatique et la responsabilité des journalistes : des médias s’engagent ! »
Edouard Reis Carona, rédacteur en chef de Ouest-France, et Jean-Pierre Dorian, directeur de la rédaction de Sud-Ouest à la conférence  » Urgence climatique et responsabilités journalistes : des médias s’engagent ! « , mardi 28 mars. Photo : Tom Demars-Granja/EPJT

Avec Violaine CHAURAND, directrice RSE du groupe Bayard, Jean-Pierre DORIAN, directeur de la rédaction de Sud-Ouest (PQR), Vincent GIRET, directeur de l’information de Radio France, Edouard REIS CARONA, rédacteur en chef de Ouest-France.

Animé par Sidonie WATRIGANT, directrice de l’ESJ Pro.

 

Les enjeux

Les médias ont un rôle à jouer dans la perception qu’a le public du changement climatique. Ils doivent mettre à disposition de leurs lecteurs des « boîte à outils » dans laquelle ces derniers pourront trouver les réponses aux grandes questions qui se posent sur le sujet. La question climatique et la disparition de la biodiversité doivent être traiter à la hauteur des enjeux qu’elles soulèvent.

Ce qu’ils ont dit

Violaine CHAURAND : ​ « La rédaction a fait le choix d’orienter la transition écologique de pair avec la transition économique. »

Jean-Pierre DORIAN :« Aujourd’hui, les jeunes sont désintéressés de l’information. On espère que le sujet de la question climatique ramène les jeunes à l’information. »

« Les gens sont plus réceptifs. La question climatique impacte la vie des Français. On l’a identifié sur notre territoire avec notamment les incendies qui ont touchés le Sud-Ouest cet été. »

« Il s’agit aussi de balayer devant notre porte. Au sein de notre entreprise, les imprimeries, les livraisons, les déplacements de nos journalistes… tout ça a un coût énergétique. »

Vincent GIRET :« Avant, les rédacteurs en chefs se méfiaient un peu de ces thématiques-là. Le risque était de faire un journalisme militant et très idéologique. […] La difficulté est de faire du journalisme engagé sans faire du journalisme militant. »

« On est dans un contexte encore différent d’il y a deux ou trois ans. Les sujets sont remontés dans le temps d’antenne. Ce n’est plus la petite brève en fin de journal. »

 « Ça doit être un engagement systémique des entreprises. Chez nous, on travaille à diminuer les émissions carbone de l’activité des rédactions. »

Edouard REIS CARONA : « Sur le web, l’audience a été multiplié par six ou sept sur les sujets de la question climatique. Chez Ouest-France, nous ne mettons pas de pay-wall sur ces questions. Priorité à l’information. »

« Jusqu’à présent les articles qui fonctionnaient le mieux sur l’environnement c’étaient les articles sur les catastrophes naturelles. »

« Il faut qu’on décline nos sujets pour faire rentrer l’information climatique. Le travail éditorial montre que les rédactions sont en mouvement. On distille la question climatique dans tous les sujets. »

« La charte pour un journalisme au niveau de l’enjeu écologique n’est pas qu’un effet de mode. Elle est faîte pour nous permettre de nous engager pour les générations futures. La question climatique doit être inscrite dans l’ADN de l’entreprise. »

À retenir

Les Français sont demandeurs de contenus portant sur la question climatique. Les résultats d’audience sont formels : les émissions scientifiques trouvent du public, les articles web explicatifs génèrent du clic. Dans la hiérarchie éditoriale, les sujets sont remontés. Une seule brève en fin de journal ne suffit plus aux lecteurs ou aux auditeurs. Les rédactions tendent de répondre aux mieux à cette demande. Progressivement, les journalistes se forment pour traiter ces sujets à la hauteur de ce qu’ils méritent, sans être moralisateur, ni fataliste.

Jane Coville

 

.

[LE RÉSUMÉ] Comment faire de l’écologie un vrai sujet politique ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Comment faire de l’écologie un vrai sujet politique ? ».

Photo : Amandine Hivert/EPJT

Animé par Stéphane Frachet, correspondant en région pour Les Echos, avec Jade Lindgaard, journaliste à MediapartAnne-Sophie Novel, journaliste pour le média Vert, Cyrille Vanlerberghe, rédacteur en chef Sciences et Médecine du Figaro et Florent Rimbert, membre de l’Alliance pour la Presse d’information générale (APIG)

 

 

Les enjeux

L’écologie peine à être au devant de la scène médiatique. Pendant la dernière compagne présidentielle, les candidats ont été peu interrogés sur ces questions par les journalistes. Un constat : l’écologie est encore peu abordée comme un sujet politique par les médias.

Ce qu’ils ont dit

Anne-Sophie Novel : « Je me suis rendue compte qu’on était nombreux à traiter ces questions mais qu’on était considérés comme moins sérieux que les autres journalistes. »

« Ce fait scientifique est réellement devenu un fait social, on observe quotidiennement ces bouleversements. »

« Il y a d’un côté les travaux scientifiques et de l’autre la manière dont on s’en empare. »

Jade Lindgaard : « À Mediapart, l’écologie n’a pas été pensée au départ comme une rubrique mais comme un sujet. »

« Pour moi, le climat n’est pas une question scientifique mais politique. »

« Bien sûr, c’est important d’avoir un apport scientifique mais d’un point de vue journalistique, le champ de bataille n’est plus là. La question, c’est interroger l’inaction notamment celle des politiques. »

Cyrille Vanlerberghe : « Pour imposer mes sujets, je me suis toujours appuyé sur la science. Ça me donne de la force. »

« Sur ces questions, il faut savoir interroger les bonnes personnes sur les bons sujets. »

À retenir

Les articles au sujet de l’écologie sont de plus en plus nombreux dans les médias. Mais pour, certains journalistes, il faut encore que cette question soit traitée de manière transversale dans les rédactions car l’écologie impacte l’ensemble de la société. Pour Jade Lindgaard, il faut, en tant que journaliste, interroger l’inaction des politiques et des citoyens vis-à-vis de ces bouleversements.

Agathe Kupfer (EPJT)

[INTERVIEW] Hervé Gardette « Les problématiques écologiques sont encore trop cantonnées à une spécialité »

À l’occasion des Assises du journalisme 2021, le journaliste Hervé Gardette présente son premier livre Ma transition écologique, comment je me suis radicalisé. Une sélection de ses chroniques environnementales diffusées sur France Culture et éditée chez Novice. Aujourd’hui, journaliste pour l’émission « 28 Minutes » sur Arte, il revient sur son apprentissage de la transition écologique.

.

Hervé Gardette a tenu pendant deux ans une chronique sur l’écologie dans « Les matins de France culture ».  (Photo : Marine Gachet/EPJT)

Comment garder une distance journalistique avec son sujet quand celui-ci promet de faire partie intégrante de votre vie professionnelle ?

On fait comme avec n’importe quel sujet. C’est difficile car quand on est plongé quotidiennement pendant deux ans dans un sujet, cela prend beaucoup  de place. Particulièrement lorsqu’il s’agit du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Quand on commence à s’y intéresser de près, on ne peut qu’être convaincu de l’urgence de la situation. Après, que fait-on avec cette urgence ? Un travail de militantisme ? Cela peut tout à fait être concevable. Il y a des journalistes qui sont devenus activistes. Mais il faut quand même garder une distance critique avec son objet, toujours. Il faut faire ce qu’on doit faire pour n’importe quel sujet journalistique. Moi avec l’écologie, j’ai essayé de présenter plusieurs arguments sans disqualifier des arguments moins vertueux écologiquement. Mon idée c’était de partir de mon exemple personnel pour montrer qu’on a beau être convaincu de quelque chose, l’appliquer n’est pas toujours simple. On est fait de cette contradiction. Il faut aussi montrer la complexité des choses.

Dans votre livre vous écrivez que « le confinement a été une occasion en or pour regarder le monde qui nous entoure autrement » et que, paradoxalement, vous avez régressé dans votre processus de transition écologique. Pouvez-vous en dire plus ?

J’ai essayé de diminuer les emballages et d’acheter en vrac le plus possible. Malheureusement, pendant le confinement cela n’a plus été possible pour des raisons sanitaires. Il y a eu en plus un effet de compensation. Je me déplaçais moins mais c’était une période assez stressante. Il y avait besoin de se faire plaisir inconsciemment avec des choses que je n’aurais pas acheté en temps normal. Quand, à la fin de cette période, certains prétendaient que tout allait changer, moi, je n’y ai jamais cru. Quand on observe les débats présidentiels, il y en a encore où l’écologie est absente.

Pensez-vous qu’il y a un problème de traitement médiatique des problématiques environnementales aujourd’hui en France ? 

Oui car ces problématiques sont encore trop cantonnées dans une spécialité. Or c’est un problème systémique. Si on veut une transition écologique, il faut changer l’économie, les transports, l’éducation, la culture.  Ce n’est pas le sujet d’une spécialité, cela devrait englober tout le reste. C’est quelque chose d’inévitable, qu’on soit écolo ou non, le changement climatique est là. J’entends encore des émissions politiques ou aucune question n’est posée aux invités concernant l’écologie. C’est assez curieux.

Si vous deviez conseiller un livre à une personnes qui ne se sent pas concernée par cette thématique, lequel serait-il ? Et pourquoi ? 

Il y a un livre que j’aime beaucoup et qui est une bonne porte d’entrée pour ce sujet, c’est l’Atlas de l’anthropocène d’Aleksandar Rankovic et François Gemenne. Il est très clair. L’écologie est un sujet complexe : toutes les décisions en induisent d’autres. C’est en expliquant la complexité que le sujet devient abordable. Dans les médias, on confond encore compliqué et complexe. A force de simplifier certains sujets, on les rend incompréhensibles.

Propos recueillis par Romane Lhériau

[LE RÉSUMÉ] Podcast, un autre récit pour la planète

Photo : Antoine Comte / EPJT

Animé par Steven Jambot, producteur et animateur de «  L’atelier des médias » pour RFI ; avec Jeane Clesse, podcasteuse indépendante et hôte de Basilic ; Justine Davasse, autrice et conférencière et productrice du podcast «  Les mouvements zéro » ; Grégory Rozières, journaliste du service «  science et environnement » au Huffington Post et présentateur de L’en(vert) du décor.

LES ENJEUX

Trois créateurs pour trois projets novateurs. Jeane Clesse, Justine Davasse et Grégory Rozières ont tous lancés leur podcast consacré à l’écologie. Leur défi : raconter par le son et la voix les enjeux climatiques et les initiatives écologiques, dans le but de toucher un auditoire de plus en plus à l’écoute des thématiques environnementales. Il s’agit de ne pas tomber dans le pessimisme mais plutôt de mettre en valeur des personnalités et des initiatives pouvant inspirer les auditeurs.

CE QU’ILS ONT DIT

Jeane Clesse« J’ai créé Basilic en 2017 en partant d’un constat : on ne parlait pas assez d’écologie dans les médias traditionnels. On sentait une envie chez les citoyens de faire les choses différemment, de parler de projets environnementaux positifs sans tomber dans le dramatique. J’ai donc décidé de mettre sur le devant de la scène des acteurs qui pensent l’écologie différemment, sous la forme de podcast ».

Justine Davasse : « À la suite d’un voyage en Finlande, j’ai décidé de m’investir personnellement dans le 0 déchet. Cette cause m’a passionné et étant bénévole à Radio Campus depuis 12 ans, j’ai eu envie d’y consacrer une émission radio, qui est devenue par la suite un podcast. Aujourd’hui, je travaille avec différents formats comme l’interview ou le reportage qui reviennent tous sur des initiatives  » 0″ : les consommations 0 déchet, des agriculteurs n’utilisant pas de produits phytosanitaires, des constructions sans béton… »

Grégory Rozières« Au Huffington Post on a fondé L’en(vert) du décor en 2020 car on voulait surfer sur la développement du podcast. On a vu que l’écologie n’était pas le thème le plus traité dans ce format, et on a donc décidé d’allier son et environnement. Notre règle, c’est l’humour. Il faut aborder des sujets écologiques assez complexes comme si nous étions dans une discussion entre collègues, à la machine à café. On prend des idées reçues pour les expliquer de façon humoristique. »

Jeane Clesse : « Aujourd’hui Basilic en est à 123 épisodes, ce qui veut dire qu’il y a beaucoup d’initiatives positives. Chaque jour je découvre de nouvelles personnes et ma liste d’interlocuteurs potentiels ne désemplit pas. C’est pour cela que j’interviens assez peu dans mon podcast, pour laisser parler mes invités. Au niveau des thèmes, j’essaye de faire très diversifié : je peux parler de la finance durable, des slow cosmétique ou de l’alimentation locale. Je veux que mes auditeurs puissent piocher comme bon leur semble dans mes épisodes. »

Grégory Rozières : « On a la chance d’avoir derrière nous le Huffington Post qui nous soutient financièrement. Nos podcasts sont intégrés sur le site du média, ce qui leur assurent une visibilité auprès d’un public parfois peu habitué aux formats audios. Nous sommes conscients que les blagues ne doivent pas être trop lourdes. On doit aussi bien se moquer gentiment des écolos ultra-convaincus  que des personnes réfractaires au changement. On essaye de faire de l’improvisation, mais préparée (rires). »

À RETENIR

Jeane Clesse, Justine Davasse et Grégory Rozières ont chacun voulu traiter à leur façon de l’écologie de façon positive. Et cela par différents moyens : mettre la lumière sur une initiative atypique, jouer sur l’humour pour décrypter des situations compliquées… L’idée est d’amener l’auditeur à réfléchir sur ce qu’il pourrait faire de son côté en s’inspirant des histoires contées dans les formats audios. Le mariage entre un sujet comme l’écologie, omniprésent dans l’actualité, et un format podcast, qui se démocratise, semble gagnant puisque les 3 créations ont toutes des projets pour les années à venir : des déclinaisons vidéos, des livres ou des rencontres en live avec les auditeurs. Longue vie à l’écologie audio !

Antoine Comte