[INTERVIEW] Frédéric Métézeau et « la grande vague dégagiste de 2017 »

Frédéric Métézeau est journaliste à France Inter. En janvier 2019, il publie le livre Vieux renards et jeunes loups aux éditions L’Archipel. Ce livre fait un pari, celui d’analyser les figures politiques qui pourraient être dominantes dans la perspective de 2022. Pour cela, dix-huit chapitres décrivent différentes personnalités du paysage politique actuel. 

Frédéric Métézeau, auteur de Vieux renards et jeunes loups
(Photo : Louise Gressier / EPJT)

Dans votre ouvrage, vous parlez des vieux renards et des jeunes loups en politique. Qui sont-ils et qu’est-ce qui les oppose ?

Frédéric Métézeau. Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, François Hollande et tant d’autres personnalités politiques de l’ancien monde n’ont pas survécu à la grande vague dégagiste de 2017 avec l’élection d’Emmanuel Macron. Mais certains vieux renards ont résisté : Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Laurent Wauquiez. Le vieux renard vivait politiquement avant la dernière présidentielle et continue de vivre politiquement après. Le jeune loup est son complément. Il a émergé à l’occasion de cette vague dégagiste. Cependant, l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir n’a pas fait monter des nouveaux visages uniquement de LREM mais aussi de LR, de LFI ou du PS. La situation ressemble à celle de 1958. L’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle a engendré une grande vague de départs accompagnée d’une grande vague d’arrivées.

Pourquoi avoir fait ce pari d’imaginer l’avenir, alors que l’échiquier politique est en perpétuel mouvement ?

F. M. Mon livre est basé sur le présent et ne prédit pas l’avenir. J’ai rencontré des gens en fonction qui souhaitent prendre, reprendre ou conserver le pouvoir. J’ai interrogé leurs proches et de nombreux analystes politiques. Je ne dis pas « voilà ce qu’il va se passer », mais plutôt « à partir du présent, voilà ce à quoi nous pouvons nous attendre ».

Vous avez réalisé une soixantaine d’entretiens, combien de temps ce travail vous a-t-il pris ?

F. M. J’ai en réalité réalisé plus de quatre-vingts entretiens. Ce livre s’est fait en plusieurs temps. La durée entre la commande et la livraison du livre est de 9 mois. En réalité, le travail a duré 7 ans, ce qui correspond à mes 7 années de journalisme politique. J’écrivais déjà ce livre sans le savoir en entretiens, meetings, etc. J’ai donc ressorti d’anciennes notes et enregistrements. C’est une œuvre de sédimentation.

Comment passe-t-on du journalisme radio à l’écriture d’un livre aussi conséquent ?

F. M. Le journalisme radio est également un métier d’écriture avec finalement très peu d’improvisation. J’ai choisi de quitter mes fonctions de chef de service politique de France Inter. Couvrir deux élections présidentielles, dont celle de 2017 qui était folle, pour la première matinale de France, c’est très fatiguant. Je voulais ralentir le rythme et ne plus être dans cette machine folle pour me poser. C’est ce que m’a permis l’écriture d’un livre. Quand on a 9 mois et pas 2 heures pour rendre un papier, on est plus dans la réflexion et moins dans l’instantané. Cependant, il faut apprendre à bosser plus lentement ainsi qu’à adapter son écriture. La rédaction d’un livre n’est pas du tout la même qu’en radio. On a le droit de faire des phrases bien plus longues. Mon éditrice m’a très vite dit : « Attention, vous écrivez comme en radio, n’oubliez pas que vous écrivez un livre. » C’était très stimulant, j’avais l’impression d’être de nouveau étudiant en journalisme.

Comment parvient-on à gagner la confiance d’hommes politiques pour qu’ils se livrent avec autant de sincérité ?

F. M. Les paroles on et off sont la même chose. J’explique à mes interlocuteurs que c’est dans le cadre d’un livre et pas d’une interview radio ou télévisée. Ainsi, ils ont le temps de s’exprimer et savent que leur propos ne seront diffusés qu’à la publication du livre. Le respect du off repose sur un contrat de confiance. Si j’accepte que quelqu’un s’exprime en off, j’exige une réelle sincérité. Quand on écrit ce genre de livre, il faut expliciter sans détour ce qu’on fait sans prendre les gens par surprise.

Pourquoi avoir choisi ces jeunes loups, notamment le chapitre sur Brune Poirson, Aurore Bergé et Amélie de Montchalin, et pas d’autres ?

F. M. J’ai choisi de mettre en avant des visages féminins parce qu’enfin l’Assemblée nationale se féminise. Elle n’a jamais été aussi féminisée qu’aujourd’hui. Mais j’avoue humblement ne pas être parvenu à la parité dans mon livre. Dans ma fonction précédente de chef du service politique chez France Inter, j’avais observé la vitesse d’émergence médiatique de certains députés marcheurs. Brune Poirson, à peine élue députée et sans jamais avoir fait de politique, a été nommée secrétaire d’État. C’est donc un mélange de maîtrise des dossiers, de fulgurance des carrières et d’aisance médiatique qui m’a poussé à choisir ces trois personnalités.

Si Emmanuel Macron était frappé par un autre scandale du type de l’affaire Benalla et dans l’impossibilité de se représenter, qui pourrait porter LREM en 2022 selon vous ?

F. M. En 2015, nous avions parier avec des amis journalistes sur les deux noms du second tour de 2017. J’avais pronostiqué Alain Juppé contre François Hollande ; je vais donc éviter de prédire l’avenir.

Propos recueillis par Manon Van Overbeck

 

 

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Pixabay/Succo

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