(Photo : Lucas Turci/EPJT)

Charles Enderlin revient sur ses cinquante années de correspondance en Israël dans son dernier livre De notre correspondant à Jérusalem. Il fait découvrir aux lecteurs les coulisses de ses reportages et leur préparationn.

De votre correspondant à Jérusalem retrace cinquante ans d’histoire israélo-palestinienne, quel est l’objectif de ce livre ?

Charles Enderlin. Ce n’est pas une autobiographie mais l’histoire d’un journaliste qui l’est devenu par hasard. C’est le making-of d’un point de vue technique. On apprend comment j’ai eu accès à certaines sources, contacts et documents. C’est un livre professionnel mais ça ne m’empêche pas d’exprimer mon opinion personnelle vis-à-vis des intégristes en tout genre : djihadistes ou colons d’extrême droite, il y a des terroristes des deux côtés. Du point de vue de l’éthique, il est indispensable d’aller voir ces extrémistes. Il est difficile pour les Occidentaux, les Français laïcs, d’imaginer la religion politique qui existe dans cet univers. Les djihadistes, le Hamas, fonctionnent pour les générations suivantes. L’Afghanistan est un bon exemple : les talibans sont la création des Saoudiens et des Américains pour lutter contre les soviétiques. Tout le monde a joué avec le feu et l’incendie est là.

Comment le fait d’être juif a joué sur votre travail en Israël ?

C. E. J’ai toujours joué carte sur table. Je débarque, je dis : « Je suis juif, Israélien et Français » et j’ai toujours été reçu partout. Il n’y a que la communauté juive d’extrême droite qui a tenté de délégitimer mon travail. Avec France Télévisions, on s’est battu pendant douze ans contre leurs procédures judiciaires.

Dans votre livre, vous parlez aussi de votre identité de journaliste. Qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?

C. E. Je demande toujours aux gens de me regarder comme un journaliste. C’est ma quatrième identité. Je reste au plus proche de leur réalité. Je salue d’ailleurs ces gens, de tous horizons, qui m’ont reçu. Un imam du djihad à Gaza m’a d’ailleurs dit un jour : « You are a funny jew ! »

Quelle est la plus-value d’un correspondant face aux envoyés spéciaux ?

C. E. L’avantage c’est qu’on est en poste pour une longue durée. Cela permet de connaître le terrain, d’avoir les contacts. Je conseille aux jeunes journalistes de se faire un réseau. Il faut tout simplement faire l’effort de sortir, d’aller voir les gens même quand il n’y a pas de sujet. Ne pas craindre d’aller voir ceux qui ont des idées totalement opposées à leur position. S’il n’y a plus personne sur le terrain, tout le monde fait la même salade avec la même dépêche de l’AFP. C’est la mort du journalisme.

Quels conseils avez-vous pour des jeunes journalistes qui souhaitent partir ?

C. E. Il faut empêcher les jeunes qui sortent d’école de partir sans moyens dans des endroits dangereux pour se faire connaître. Les rédactions les utilisent de manière scandaleuse et paient des clopinettes. Ne risquez pas votre peau alors même que vous n’avez pas l’assurance d’avoir un poste derrière. Trouvez-vous un sujet de niche, apprenez une langue rare. Commencez dans une rédaction et grimpez.

Propos recueillis par Carla Bucero–Lanzi et Laure d’Almeida