[LE RÉSUMÉ] Les organisations professionnelles interpellent les politiques

Retrouvez l’essentiel de l’événement « les organisations professionnelles interpellent les politiques »

Sonia Reyne, Jean-Christophe Boulanger, Christophe Deloire, Yoann Labroux-Satabin et Emmanuel Poupard débattent de l’indépendance des médias et de la liberté de la presse. Photo : Lilian Ripert/EPJT

Animé par Isabelle Bords, journaliste à Ouest-France, avec Sonia Reyne, journaliste pigiste membre du bureau de la SNJ-CGT, Jean-Christophe Boulanger, président de Contexte et ex-président du SPIL, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, Yoann Labroux-Satabin, journaliste pigiste élu CFDT et à la CCIJP et Emmanuel Poupard, premier secrétaire du SNJ.

 

 

Les enjeux

Dans un contexte de crise économique et de concentration des médias, les organisations professionnelles militent pour mieux protéger la liberté de la presse et permettre aux rédactions de se défendre contre les pressions.

 

Ce qu’ils ont dit

Sonia Reyne : « On a besoin d’une volonté politique affirmée de lutte contre la concentration des médias. »

« Il y a urgence. Nous souhaitons lancer avec les autres syndicats un mouvement pour lutter contre la suppression de la redevance audiovisuelle. Cela affaiblirait encore plus le service public. »

«Le vrai problème est de savoir comment on s’oppose à des personnes comme Vincent Bolloré. Il faut vraiment réfléchir à comment on redistribue les aides à la presse pour permettre une plus grande pluralité. »

Yoann Labroux-Satabin : « Il y a besoin d’avoir une revalorisation des salaires des journalistes et particulièrement dans la pige. Un feuillet à moins de 60 euros nous paraît absolument impensable. »

«Il manque une grande instance indépendante de régulation des médias. Ce n’est pas le cas de l’Arcom.  »

Jean-Christophe Boulanger : « Les aides à la presse représentent 20 % des revenus des médias. Ce que l’on reproche, c’est qu’elles se concentrent majoritairement sur les journaux alors qu’aujourd’hui l’information est plurielle avec le numérique. »

Christophe Deloire revient en avant-propos sur l’enlèvement du journaliste français Olivier Dubois au Mali en avril 2021. Des applaudissements résonnent dans la salle.

« RSF a formulé dix propositions très concrètes pour protéger le journalisme au début de la présidentielle, reprises en grande partie dans la dernière semaine par La France insoumise et par Emmanuel Macron. »

Emmanuel Poupard : « La première règle pour qu’un journaliste fasse bien son métier est de lui donner de bonnes conditions de travail et un bon salaire. »

« On est toujours favorable à donner un droit d’opposition collective aux rédactions pour se protéger des pressions extérieures. Il faut leur redonner du pouvoir. »

« La loi Bloche de 2016 a permis de négocier une charte de déontologie au sein de la profession. La déontologie à géométrie variable, ça ne fonctionnera jamais. »

 

 À retenir

Les intervenants s’accordent sur le constat que la loi doit accroître la protection des journalistes pour réduire le risque de pression extérieure sur les rédactions. Ils estiment également que la redevance audiovisuelle doit être maintenue au risque d’affaiblir le service public.

Lilian Ripert

[LE RÉSUMÉ] Presse et élections : une très longue histoire…

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Presse et élections : une très longue histoire… »

Photo : Lilian Ripert/EPJT

Animé par Isabelle Garcin-Marrou, enseignante-chercheure à l’IEP de Lyon, avec Géraldine Delacroix, journaliste à Mediapart, Etienne Manchette, responsable contenus et partenariats Retronews Bnf et Claire Blandin, enseignante-chercheure à l’Université Sorbonne Paris-Nord.

 

 

Les enjeux

L’importance de la presse dans le débat politique ne date pas d’hier. Les élections législatives de 1936 ont notamment été marquées par la violence de la couverture médiatique contre certains candidats et l’apparition de la radio. Un parallèle peut-il être fait avec la présidentielle de 2022 ?

Ce qu’ils ont dit

Claire Blandin : « Après la Première Guerre mondiale, on est dans un paysage médiatique en recomposition. C’est la première élection où la radio va rentrer dans ce temps de la campagne. »

« Il se passe quelque chose autour de la campagne radiodiffusée. Léon Blum trouve un ton pour parler à la radio alors que Maurice Thorez ne réussit pas à s’emparer de la forme de ce média. La violence de cette campagne est réelle. Il y a une propagation de la photo de Léon Blum dans la presse suite à son agression par les Camelots du roi. Dans le journal Action Française, Charles Maurras explique qu’il faut le « fusiller, mais dans le dos ». »

Etienne Manchette : « Le journal Paris-soir vient balayer le vieux modèle du journalisme. Il y a de la photo, une grosse titraille, de l’information internationale à gogo… Tous les éléments de la presse moderne. »

Géraldine Delacroix : « Cette violence [décrite] me fait penser à ce que l’on voit sur Twitter aujourd’hui. »

A propos de la campagne 2022 : « On a senti qu’il se passait quelque chose à gauche. Beaucoup d’électeurs et d’électrices se sont tournés vers le vote utile pour Jean-Luc Mélenchon. On s’est demandé si on devait inciter les gens à aller voter ou non. »

« Pendant l’entre-deux-tours, on s’est également posé la question de savoir s’il fallait voter pour Emmanuel Macron, car le faire pour Marine Le Pen n’était pas une option. Edwy Plenel a publié un édito « Contre Le Pen, voter dans la douleur pour conjurer l’effroi ». »

À retenir

L’arrivée de la radio dans la campagne de 1936 a bousculé les pratiques. Certains candidats s’en emparent mais d’autres comme Maurice Thorez, tribun politique, n’arrivent pas à trouver le ton pour parler aux Français. Pour les intervenants, les années 1930 sont un tournant dans la presse.

Lilian Ripert

[LE RÉSUMÉ] Journalistes et politiques : l’importance d’une connaissance scientifique

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Journalistes et politiques : l’importance d’une connaissance scientifique partagée »

Photo : Marion Galard / EPJT

Animée par Benoît Tonson, chef de rubrique science de The Conversation, avec Michel Dubois, sociologue des sciences et techniques au CNRS, Aline Richard, rédactrice en chef du magazine Le Figaro Santé, Corinne Vanmerris, directrice adjointe et directrice des études de l’ESJ Lille et Jade Lindgaard, journaliste au pôle écologie de Mediapart.

 

 

Les enjeux

Les journalistes et les responsables politiques sont insuffisamment formés aux questions scientifiques. Pour répondre à ce besoin, des formations spécifiques se développent, comme le master 2 de l’ESJ. Comment les journalistes doivent-ils adapter la parole scientifique au grand public ? Réponse avec ces quatre interlocuteurs.

Ce qu’ils ont dit

Aline Richard : « Tout le monde peut être journaliste scientifique. Ça fait peur un peu, les personnes se disent que c’est difficile. Mais avec du travail, tout est possible. Une formation scientifique préalable n’est pas un prérequis. »

« Nous constatons qu’il y a un problème culturel : personne ne remet en cause les statistiques scientifiques car personne ne les comprend, y compris certains journalistes et politiques. Les sujets scientifiques devraient intéresser plus les politiques. »

« Il faut que tous les journalistes jouent le jeu, ils doivent se renseigner pour ne pas raconter n’importe quoi. Il ne faut pas se limiter à interviewer les mêmes experts. La précipitation pour interviewer Didier Raoult pendant la pandémie de Covid-19 a été terrible. »

Corinne Vanmerris : « Je ne sens pas une grande appétence chez les étudiants pour les sciences. Nous avons 15 places dans le master 2 de journalisme scientifique. Il y a seulement une cinquantaine de candidats dans cette filière. »

Michel Dubois : « Nous avons réalisé une enquête nationale sur les Français et la science. Nous avons constaté qu’environ 8 Français sur 10 font confiance aux scientifiques et c’est le cas depuis les années 1970. »

« Toutefois, nous avons aussi constaté qu’environ 60 % des Français considèrent aujourd’hui que la science apporte autant de bien que de mal. C’est un résultat assez nouveau. »

Jade Lindgaard : « Est-ce qu’une Assemblée où les élus auraient tous une thèse en science serait plus démocratique ? Pas forcément. Des députés ont déposé des amendements radicaux sur l’écologie et ils n’ont pas de formation scientifique. »

« C’est un progrès que les écoles de journalisme proposent des formations en sciences mais ce qui fait qu’un média produit une information juste et audacieuse, c’est son modèle économique. »

À retenir

Les journalistes ne peuvent pas être spécialisés sur tous les sujets mais ils doivent avoir suffisamment de connaissances scientifiques pour comprendre les scientifiques. Les hommes et femmes politiques ne peuvent pas être tous des experts non plus mais on constate parfois un manque d’intérêt pour certains sujets scientifiques.

Marion Galard

[LE RÉSUMÉ] Comment faire de l’écologie un vrai sujet politique ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Comment faire de l’écologie un vrai sujet politique ? ».

Photo : Amandine Hivert/EPJT

Animé par Stéphane Frachet, correspondant en région pour Les Echos, avec Jade Lindgaard, journaliste à MediapartAnne-Sophie Novel, journaliste pour le média Vert, Cyrille Vanlerberghe, rédacteur en chef Sciences et Médecine du Figaro et Florent Rimbert, membre de l’Alliance pour la Presse d’information générale (APIG)

 

 

Les enjeux

L’écologie peine à être au devant de la scène médiatique. Pendant la dernière compagne présidentielle, les candidats ont été peu interrogés sur ces questions par les journalistes. Un constat : l’écologie est encore peu abordée comme un sujet politique par les médias.

Ce qu’ils ont dit

Anne-Sophie Novel : « Je me suis rendue compte qu’on était nombreux à traiter ces questions mais qu’on était considérés comme moins sérieux que les autres journalistes. »

« Ce fait scientifique est réellement devenu un fait social, on observe quotidiennement ces bouleversements. »

« Il y a d’un côté les travaux scientifiques et de l’autre la manière dont on s’en empare. »

Jade Lindgaard : « À Mediapart, l’écologie n’a pas été pensée au départ comme une rubrique mais comme un sujet. »

« Pour moi, le climat n’est pas une question scientifique mais politique. »

« Bien sûr, c’est important d’avoir un apport scientifique mais d’un point de vue journalistique, le champ de bataille n’est plus là. La question, c’est interroger l’inaction notamment celle des politiques. »

Cyrille Vanlerberghe : « Pour imposer mes sujets, je me suis toujours appuyé sur la science. Ça me donne de la force. »

« Sur ces questions, il faut savoir interroger les bonnes personnes sur les bons sujets. »

À retenir

Les articles au sujet de l’écologie sont de plus en plus nombreux dans les médias. Mais pour, certains journalistes, il faut encore que cette question soit traitée de manière transversale dans les rédactions car l’écologie impacte l’ensemble de la société. Pour Jade Lindgaard, il faut, en tant que journaliste, interroger l’inaction des politiques et des citoyens vis-à-vis de ces bouleversements.

Agathe Kupfer (EPJT)

[INTERVIEW] Hervé Gardette « Les problématiques écologiques sont encore trop cantonnées à une spécialité »

À l’occasion des Assises du journalisme 2021, le journaliste Hervé Gardette présente son premier livre Ma transition écologique, comment je me suis radicalisé. Une sélection de ses chroniques environnementales diffusées sur France Culture et éditée chez Novice. Aujourd’hui, journaliste pour l’émission « 28 Minutes » sur Arte, il revient sur son apprentissage de la transition écologique.

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Hervé Gardette a tenu pendant deux ans une chronique sur l’écologie dans « Les matins de France culture ».  (Photo : Marine Gachet/EPJT)

Comment garder une distance journalistique avec son sujet quand celui-ci promet de faire partie intégrante de votre vie professionnelle ?

On fait comme avec n’importe quel sujet. C’est difficile car quand on est plongé quotidiennement pendant deux ans dans un sujet, cela prend beaucoup  de place. Particulièrement lorsqu’il s’agit du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Quand on commence à s’y intéresser de près, on ne peut qu’être convaincu de l’urgence de la situation. Après, que fait-on avec cette urgence ? Un travail de militantisme ? Cela peut tout à fait être concevable. Il y a des journalistes qui sont devenus activistes. Mais il faut quand même garder une distance critique avec son objet, toujours. Il faut faire ce qu’on doit faire pour n’importe quel sujet journalistique. Moi avec l’écologie, j’ai essayé de présenter plusieurs arguments sans disqualifier des arguments moins vertueux écologiquement. Mon idée c’était de partir de mon exemple personnel pour montrer qu’on a beau être convaincu de quelque chose, l’appliquer n’est pas toujours simple. On est fait de cette contradiction. Il faut aussi montrer la complexité des choses.

Dans votre livre vous écrivez que « le confinement a été une occasion en or pour regarder le monde qui nous entoure autrement » et que, paradoxalement, vous avez régressé dans votre processus de transition écologique. Pouvez-vous en dire plus ?

J’ai essayé de diminuer les emballages et d’acheter en vrac le plus possible. Malheureusement, pendant le confinement cela n’a plus été possible pour des raisons sanitaires. Il y a eu en plus un effet de compensation. Je me déplaçais moins mais c’était une période assez stressante. Il y avait besoin de se faire plaisir inconsciemment avec des choses que je n’aurais pas acheté en temps normal. Quand, à la fin de cette période, certains prétendaient que tout allait changer, moi, je n’y ai jamais cru. Quand on observe les débats présidentiels, il y en a encore où l’écologie est absente.

Pensez-vous qu’il y a un problème de traitement médiatique des problématiques environnementales aujourd’hui en France ? 

Oui car ces problématiques sont encore trop cantonnées dans une spécialité. Or c’est un problème systémique. Si on veut une transition écologique, il faut changer l’économie, les transports, l’éducation, la culture.  Ce n’est pas le sujet d’une spécialité, cela devrait englober tout le reste. C’est quelque chose d’inévitable, qu’on soit écolo ou non, le changement climatique est là. J’entends encore des émissions politiques ou aucune question n’est posée aux invités concernant l’écologie. C’est assez curieux.

Si vous deviez conseiller un livre à une personnes qui ne se sent pas concernée par cette thématique, lequel serait-il ? Et pourquoi ? 

Il y a un livre que j’aime beaucoup et qui est une bonne porte d’entrée pour ce sujet, c’est l’Atlas de l’anthropocène d’Aleksandar Rankovic et François Gemenne. Il est très clair. L’écologie est un sujet complexe : toutes les décisions en induisent d’autres. C’est en expliquant la complexité que le sujet devient abordable. Dans les médias, on confond encore compliqué et complexe. A force de simplifier certains sujets, on les rend incompréhensibles.

Propos recueillis par Romane Lhériau

[INTERVIEW] Patrick Poivre d’Arvor : « Je raconte l’ambition et le pouvoir politique et médiatique »

Patrick Poivre d’Arvor a été le présentateur phare du JT de 20 heures de TF1 pendant plus du 20 ans. Présent au Salon du livre du journalisme à Tours, il nous parle de son dernier roman La vengeance du loup paru en janvier 2019 aux éditions Grasset.

Patrick Poivre d’Arvor, auteur de La Vengeance du loup (Photo : Louise Gressier/EPJT)

 

Votre livre dépeint l’ascension sociale d’un jeune homme aux dents longues. Vous sentiez- vous, comme Charles votre héros, prédestiné à une carrière publique ?

Patrick Poivre d’Arvor. Entre politique et journalisme, il y a une différence. L’idée de devenir président de la république ne m’a pas effleuré alors que mon héros, quand il perd sa mère à 12 ans, ne pense qu’à ça. J’ai mis un peu de moi en lui mais aussi dans le personnage de son père et de son grand-père. Le principe d’un roman est d’être dans le mentir vrai et dans les masques. Ce n’est donc pas une autobiographie.

Le format du roman vous permet-il de dire des choses que n’auriez pas pu dire autrement ?

PPDA. D’excellents confrères ont fait de grandes enquêtes journalistiques. Moi, j’aime beaucoup le genre du roman car on peut aller plus loin. Je l’ai déjà fait pour d’autres livres. J’aime la comédie de mœurs, la comédie humaine qu’on racontait beaucoup au XIXe siècle. On parlait de l’ambition chez Balzac, Stendhal, Maupassant, Hugo, etc. J’ai voulu faire la même chose, évidemment loin de leur talent. Mais j’ai travaillé sur le même ressort, à savoir l’ambition et le pouvoir, que ce soit politique ou médiatique.

Dans votre roman, le personnage principal, devenu un proche du président de la république, entretient une relation amoureuse avec une journaliste. Avez-vous vécu des situations de conflits d’intérêt entre médias et politiques ?

PPDA. Il y a eu des moments difficiles mais aujourd’hui, ils sont moins en moins nombreux. J’en parle mais j’ai pris du champ. En ce qui me concerne, j’ai eu des moments durs avec deux présidents de la république de bords différents. J’ai des confrères qui ont eu d’autres types de difficulté. Aujourd’hui, il semble bien compliqué pour un pouvoir politique de museler la presse. Ça a pu être possible dans les moments forts d’une majorité unique comme on a connu sous de Gaulle puis plus tard avec Mitterrand. J’en ai fait mon miel pour ce roman.

Le journalisme a-t-il toujours été votre plan de carrière ?

PPDA. Avant toute chose, c’était la littérature. J’ai commencé à écrire mon premier livre à 17 ans à Strasbourg. Le journalisme est venu en cours de route. J’ai écouté l’émission Envoyé spécial sur France Inter et ils cherchaient des jeunes qui voulaient faire le tour du monde. Alors j’ai dit oui et j’ai gagné au terme d’un an de concours. Mais ce n’était pas mon désir initial.

Le thème de la transmission intergénérationnelle est très présent dans votre roman. Faut-il savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va ?

PPDA. J’ai tendance à le penser. Moi, je sais d’où je viens, mes origines sociales sont modestes. Mes parents n’avaient pas un rapport énorme à la culture, contrairement à mes grands-parents. Mon père a vécu en Algérie dans les années 1940. Il était jeune, entre 17 et 21 ans. Il m’a donc raconté cette période que je trouve très romanesque. Le choix de l’Algérie est à la fois une belle toile de fond et un hommage à mon père qui nous a quitté l’année dernière.

Propos recueillis par Nathan Cocquempot et Amandine Sanchez

[INTERVIEW] Frédéric Métézeau et « la grande vague dégagiste de 2017 »

Frédéric Métézeau est journaliste à France Inter. En janvier 2019, il publie le livre Vieux renards et jeunes loups aux éditions L’Archipel. Ce livre fait un pari, celui d’analyser les figures politiques qui pourraient être dominantes dans la perspective de 2022. Pour cela, dix-huit chapitres décrivent différentes personnalités du paysage politique actuel. 

Frédéric Métézeau, auteur de Vieux renards et jeunes loups
(Photo : Louise Gressier / EPJT)

Dans votre ouvrage, vous parlez des vieux renards et des jeunes loups en politique. Qui sont-ils et qu’est-ce qui les oppose ?

Frédéric Métézeau. Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, François Hollande et tant d’autres personnalités politiques de l’ancien monde n’ont pas survécu à la grande vague dégagiste de 2017 avec l’élection d’Emmanuel Macron. Mais certains vieux renards ont résisté : Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou ou Laurent Wauquiez. Le vieux renard vivait politiquement avant la dernière présidentielle et continue de vivre politiquement après. Le jeune loup est son complément. Il a émergé à l’occasion de cette vague dégagiste. Cependant, l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir n’a pas fait monter des nouveaux visages uniquement de LREM mais aussi de LR, de LFI ou du PS. La situation ressemble à celle de 1958. L’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle a engendré une grande vague de départs accompagnée d’une grande vague d’arrivées.

Pourquoi avoir fait ce pari d’imaginer l’avenir, alors que l’échiquier politique est en perpétuel mouvement ?

F. M. Mon livre est basé sur le présent et ne prédit pas l’avenir. J’ai rencontré des gens en fonction qui souhaitent prendre, reprendre ou conserver le pouvoir. J’ai interrogé leurs proches et de nombreux analystes politiques. Je ne dis pas « voilà ce qu’il va se passer », mais plutôt « à partir du présent, voilà ce à quoi nous pouvons nous attendre ».

Vous avez réalisé une soixantaine d’entretiens, combien de temps ce travail vous a-t-il pris ?

F. M. J’ai en réalité réalisé plus de quatre-vingts entretiens. Ce livre s’est fait en plusieurs temps. La durée entre la commande et la livraison du livre est de 9 mois. En réalité, le travail a duré 7 ans, ce qui correspond à mes 7 années de journalisme politique. J’écrivais déjà ce livre sans le savoir en entretiens, meetings, etc. J’ai donc ressorti d’anciennes notes et enregistrements. C’est une œuvre de sédimentation.

Comment passe-t-on du journalisme radio à l’écriture d’un livre aussi conséquent ?

F. M. Le journalisme radio est également un métier d’écriture avec finalement très peu d’improvisation. J’ai choisi de quitter mes fonctions de chef de service politique de France Inter. Couvrir deux élections présidentielles, dont celle de 2017 qui était folle, pour la première matinale de France, c’est très fatiguant. Je voulais ralentir le rythme et ne plus être dans cette machine folle pour me poser. C’est ce que m’a permis l’écriture d’un livre. Quand on a 9 mois et pas 2 heures pour rendre un papier, on est plus dans la réflexion et moins dans l’instantané. Cependant, il faut apprendre à bosser plus lentement ainsi qu’à adapter son écriture. La rédaction d’un livre n’est pas du tout la même qu’en radio. On a le droit de faire des phrases bien plus longues. Mon éditrice m’a très vite dit : « Attention, vous écrivez comme en radio, n’oubliez pas que vous écrivez un livre. » C’était très stimulant, j’avais l’impression d’être de nouveau étudiant en journalisme.

Comment parvient-on à gagner la confiance d’hommes politiques pour qu’ils se livrent avec autant de sincérité ?

F. M. Les paroles on et off sont la même chose. J’explique à mes interlocuteurs que c’est dans le cadre d’un livre et pas d’une interview radio ou télévisée. Ainsi, ils ont le temps de s’exprimer et savent que leur propos ne seront diffusés qu’à la publication du livre. Le respect du off repose sur un contrat de confiance. Si j’accepte que quelqu’un s’exprime en off, j’exige une réelle sincérité. Quand on écrit ce genre de livre, il faut expliciter sans détour ce qu’on fait sans prendre les gens par surprise.

Pourquoi avoir choisi ces jeunes loups, notamment le chapitre sur Brune Poirson, Aurore Bergé et Amélie de Montchalin, et pas d’autres ?

F. M. J’ai choisi de mettre en avant des visages féminins parce qu’enfin l’Assemblée nationale se féminise. Elle n’a jamais été aussi féminisée qu’aujourd’hui. Mais j’avoue humblement ne pas être parvenu à la parité dans mon livre. Dans ma fonction précédente de chef du service politique chez France Inter, j’avais observé la vitesse d’émergence médiatique de certains députés marcheurs. Brune Poirson, à peine élue députée et sans jamais avoir fait de politique, a été nommée secrétaire d’État. C’est donc un mélange de maîtrise des dossiers, de fulgurance des carrières et d’aisance médiatique qui m’a poussé à choisir ces trois personnalités.

Si Emmanuel Macron était frappé par un autre scandale du type de l’affaire Benalla et dans l’impossibilité de se représenter, qui pourrait porter LREM en 2022 selon vous ?

F. M. En 2015, nous avions parier avec des amis journalistes sur les deux noms du second tour de 2017. J’avais pronostiqué Alain Juppé contre François Hollande ; je vais donc éviter de prédire l’avenir.

Propos recueillis par Manon Van Overbeck

 

 

Aux Assises, Youssef Chahed dit viser « une amélioration des conditions des journalistes »

Le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed s’est exprimé, jeudi, après son intervention lors de l’ouverture des Assises du journalisme de Tunis, sur le chemin à parcourir pour que les journalistes puissent exercer leur métier correctement.

En pleine création d’un nouveau parti et suspecté d’avoir provoqué un remaniement ministériel pour éviter d’examiner un projet de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe), le Premier ministre tunisien, Youssef Chahed, a affirmé sa volonté d’agir en faveur de la liberté de la presse en Tunisie. Alors que le pays n’atteint que la 97e place en termes de liberté de la presse selon le classement 2018 de Reporters sans frontières (RSF), le chef du gouvernement, conscient des problèmes et des préoccupations des journalistes, s’est voulu rassurant.


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[EN PLATEAU] Noël Mamère, homme politique et ex-journaliste

Noël Mamère est un ancien journaliste, ancien maire de Bègles et ancien député d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), membre du mouvement Génération•s.
Interviewé par Malvina Raud, il revient sur son récent départ de la web-télé Le Média et nous explique sa vision du journalisme. Selon lui, il est possible de faire de la politique et du journalisme.