Les intérêts diplomatiques au prix de la liberté de la presse

Le classement de Reporters sans frontières, publié en avril 2018, place le Maroc au 135ème rang. Photo : Romain Bizeul
Le classement de Reporters sans frontières, publié en avril 2018, place le Maroc au 135ème rang. Photo : Romain Bizeul
Comment les Etats pourraient-ils améliorer la liberté de la presse, qui ne cesse de régresser au fil des années ? Certaines initiatives existent déjà pour la protéger, et d’autres, utopiques parfois, pourraient être envisagées.
1) Apaiser les tensions entre l’opinion et les médias
Aux Pays-Bas, il est inscrit dans la loi que les injures et les incitations à la haine envers les médias sont interdites. La liberté d’expression est garantie et la satire est un genre journalistique protégé. Résultat : les Pays-Bas sont 2ème au classement mondial de la liberté de la presse en 2016. Sa réglementation permet de ne pas entretenir un climat de défiance qui serait néfaste au travail des journalistes. Les pays comme les Pays-Bas, la Finlande ou la Norvège qui trustent les premières places du classement, sont des Etats qui ont une « culture de la liberté de la presse » très ancrée, très respectée, où le pouvoir des médias n’effraie pas. En plus d’être mentionnée dans un cadre légal, elle est strictement respectée dans les faits.
2) La dépénalisation des délits de presse
De plus en plus de pays dépénalisent les délits de presse, c’est-à-dire que les journalistes ne peuvent plus être condamnés à la prison à cause de ce qu’ils écrivent. Ils bénéficient donc d’une plus grande marge de manœuvre et d’une meilleure liberté d’expression. C’est un enjeu majeur pour les Etats qui ont un mauvais score au classement. Plusieurs pays d’Afrique ont dépénalisé les délits de presse ces dernières années : le Burkina Faso, le Tchad ou le Gabon, sont des exemples de pays ayant franchi le pas. Mais si cette mesure est une avancée pour les journalistes, elle ne se suffit pas à elle-même. Le Tchad et le Gabon restent des Etats où la liberté de la presse est dans une situation jugée « compliquée ».
3) Un secret des sources absolu
C’est une belle idée, qui n’est pas totalement mise en application pour le moment. Le secret des sources est évidemment capital pour la liberté de la presse afin que les journalistes puissent mieux mener leurs enquêtes et accéder à davantage d’interlocuteurs. Mais on constate que des pressions sont exercées pour contraindre les journalistes à révéler leurs sources. Loin de s’améliorer, la protection du secret des sources a plutôt tendance à être mis à mal. En France, depuis l’année dernière, il existe légalement des cas où le secret des sources peut être violé. Mais dans les pays les mieux placés au classement de la liberté de la presse, comme la Suède, là aussi le secret des sources est sacré. C’est un des principaux combats de RSF.
4) La sécurité physique des journalistes ?
La question s’est posée après Charlie Hebdo : faut-il renforcer la sécurité des journalistes ? Des agressions et des assassinats continuent d’être perpétrés, partout dans le monde. Dans les Etats où la liberté de la presse est la plus mauvaise, ils sont emprisonnés ou torturés, et il est difficile d’assurer leur protection. Dans les pays où la situation est moins grave, on pourrait envisager de renforcer la sécurité. Mais les journalistes doivent-ils partir en reportage avec des gardes du corps ? Cela reste inenvisageable. Pour lutter contre la violence, RSF lance parfois des appels et dénonce des faits jugés inacceptables, mais cela reste pour l’instant au stade de la déclaration.
5) Les associations et organisations qui défendent les journalistes
Quand les journalistes sont arrêtés arbitrairement ou agressés, il existe des organismes pour les protéger. Parfois ça fonctionne, parfois non. Amnesty International lance des pétitions et fait connaître au public les affaires. Mais il existe aussi des initiatives nationales. Adil Soz, au Kazakhstan, est une organisation qui apporte un soutien juridique aux journalistes quand ils sont arrêtés abusivement. Et ils en ont bien besoin : le Kazakhstan est 160ème au classement RSF sur 180. Le Comité pour la protection des journalistes aux Etats-Unis lutte lui aussi pour défendre les droits des journalistes. La Fondation pour la liberté de la presse en Colombie aide les journalistes victimes d’agressions. Le Fonds de liberté pour les journalistes philippins fait en sorte que les assassins de journalistes soient jugés. Ce sont des exemples parmi d’autres qui montrent que les choses peuvent bouger même à petite échelle. Ces initiatives sont d’autant plus importantes dans les pays où la liberté de la presse n’est pas garantie, et où rien n’indique a priori qu’elle le sera dans les prochaines années.
Cyrielle Jardin
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Le community manager fait le pivot entre le journaliste et l’aspect marketing. Photo : Martin Esposito
Animé par Aurélie Aubert, maître de conférence à l’Université Paris 8. Avec : Sandy Montanola, enseignante chercheure à l’Université de Rennes 1 et responsable du DUT Journalisme de l’IUT Lannion ; Christophe Gimbert, maître de conférence à Sciences-Po Rennes ; Coralie Le Caroff, enseignante à l’Université Paris 2 ; Nikos Smyrnaios, maître de conférences à l’IUT A de l’Université Toulouse 3.
La France est loin d’être un exemple en matière de liberté de la presse comme en témoigne le classement établis par Reporters sans frontière. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières analyse cette situation au micro de Lucie Martin, étudiante en journalisme à l’EPJT.
On parle souvent des pays où la liberté de la presse recule, mais certains s’améliorent. C’est le cas du Burkina Faso, dont le score au classement RSF est meilleur chaque année.
Entre ses conférences de presse qui vient au tragicomique et ses invectives en 140 caractères, Donald Trump n’a cessé de décrédibiliser la presse. Si ce début de mandat ultra offensif est de mauvaise augure pour les journalistes à la Maison Blanche, d’autres préoccupations héritées des années Obama devraient surgir. En question : l’accès à l’information et la protection des sources.
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Le constat est sans appel : depuis plusieurs années le score de la France concernant la liberté de la presse ne cesse de se dégrader. Un processus sans fin ?
Christophe Deloire, ancien directeur de Centre de formation des journalistes (CFJ), veille maintenant à la défense de la liberté de la presse dans le monde via son poste de secrétaire général de RSF. Invité aux Assises du journalisme, il nous parle de la liberté des médias mais aussi, dans certains cas, de leur contrôle.
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De gauche à droite : Christophe Deloire, Christophe Leclerq, Renate Schroeder, Giovanni Melogli et Roberto Fasino. (Photo: A. Merle)