[INTERVIEW] Marc Sinnaeve : « La question d’environnement touche absolument à tout »

Marc Sinnaeve lors du débat « Journalisme en Europe et urgence climatique : l’heure des choix ». Photo : Jihane ZIYAN/Ihecs

Marc Sinnaeve est enseignant à l’Ihecs en information économique, écologique et sociale. Il décrypte la difficulté de traiter la question écologique pour les journalistes tant elle est multiforme et touche à tous les secteurs de la vie économique et sociale.

Les journalistes sont-ils à la hauteur de l’urgence climatique?

Marc SINNAEVE. La plupart des journalistes salariés en matière d’écologie et d’environnement le sont parce qu’il s’agit très souvent d’un engagement. C’est donc des personnes qui s’intéressent à la question depuis longtemps. Si ce n’est pas le cas, ils ont investi beaucoup d’énergie parce qu’il s’agit d’une question très large. Pour la maîtriser, il faut travailler beaucoup. Pour les indépendants, c’est peut être une autre question à traiter. Mais les journalistes salariés ont cet investissement nécessaire, en tout cas dans ce que je vois. Il y a cependant une limite malgré tout, mais qui ne tient pas tant à la qualité du travail et aux compétences de ces journalistes mais plutôt des freins et des limites liés à la complexité du sujet. Effectivement, parler de climat aujourd’hui c’est aussi parler des solutions mais aussi des problèmes, des causes, des origines des bouleversements que l’on vit aujourd’hui. Ces origines et ces causes résident notamment dans notre modèle économique de croissance illimitée. Celui-ci est au cœur de notre société et ce depuis la révolution industrielle. Il est finalement le socle de l’organisation capitaliste de nos sociétés. C’est une partie intégrante du décor, une réalité et une évidence de nature au point qu’on ne songe même pas à questionner – je ne dis pas forcément à critique r- l’intérêt et la persistance de ce modèle. Il est pourtant à l’origine de la destruction des écosystèmes à travers les énergies fossiles qui sont utilisées pour nourrir la croissance.

Y a-t-il une autre limite, propre à la profession ?

M. S. Prenons un exemple : si un journaliste veut questionner le poids de l’industrie automobile ou la pertinence du switch qui est en train de s’opérer vers les voitures électriques (et donc finalement une réponse de marché et de croissance à des problèmes causées par la croissance), il risquent de se voir confrontés à des rappels à l’ordre, des avertissements et des objections de la part de leurs hiérarchies. Un traitement équilibré de ce genre de question est compliqué dans la mesure où la principale source de financement des médias privés aujourd’hui – voire la seule – est la publicité. Il suffit, pour s’en rendre compte, de regarder un journal télévisé ou n’importe quelle émission, le nombre de publicités pour les voitures électriques. Alors est-ce que ces journalistes sont rappelés à l’ordre ou est-ce qu’il existe une forme d’autocensure, c’est la question.

En tant qu’enseignant à l’Ihecs, quels conseils donneriez-vous aux étudiants et jeunes journalistes?

M .S. J’ai conscience que c’est une matière complexe, au sens où le climat est un sujet constitué de beaucoup de dimensions. La question du climat touche pratiquement toutes les dimensions de la vie publique et la vie des gens aujourd’hui. C’est ce qu’on appelle soit une question totale soit une question politique, parce qu’elle implique toutes les questions de la vie en société, que ce soit économique, politique, mais aussi culturelle, philosophique et psychologique. Je crois que la question du climat vient cristalliser tout cela. Tout ça finalement, demande sans doute, pour les jeunes, un peu de travail et d’investissement. Cette question d’écologie peut aussi être une formidable opportunité d’entrer dans la complexité de notre monde actuel. Ce prisme écologique en effet brasse beaucoup de défis et de questions concernant l’organisation de l’économie, les inégalités sociales ainsi que les questions liées au financement pour la transition écologique.

Recueilli par Jihane Ziyan (Ihecs)

 

[LE RÉSUMÉ] Migrations : regards des voisins de l’Union européenne et du Sénégal sur leur traitement journalistique

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Migrations : regards des voisins de l’Union européenne et du Sénégal sur leur traitement  journalistique »
Photo : Elise Bellot / EPJT

Avec Hussam HAMMOUD, journaliste syrien et source de révélations très sensibles sur l’Etat islamique (EI) pour plusieurs médias internationaux ces dernières années ; Dodie KHARKHELI (Géorgie), responsable de la stratégie du site On.ge ;  Manar RACHWANI (Syrie), journaliste en exil ; Codou LOUM (Sénégal), journaliste chez Oxyjeunes Fm.

Animé par Ricardo GUTIERREZ (Belgique), secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ).

Les enjeux

Entre l’Europe et l’Afrique se pose notamment la question des migrations, symbolisée par Frontex, le dispositif qui protège l’Europe des flux migratoires. Comment les journalistes africains voient-ils la couverture médiatique des journalistes européens sur la question de migration ?

Ce qu’ils ont dit

Houssem Hammoud.« J’ai été fixeur avant de devenir journaliste. J’ai fait des études d’ingénierie et je n’avais jamais pensé à devenir journaliste. Ce sont les circonstances d’une guerre qui ont décidé de mon métier. »

« Je suis toujours sous la menace de l’EI. Mais la probabilité qu’on me tue diminue au fur et à mesure que je m’éloigne de la Syrie. »

« Si j’ai pu avoir ce visa humanitaire pour pouvoir regagner le sol français, c’est grâce au soutien de la profession. »

Dodie Kharkheli.« Il faut faire un zoom arrière pour regarder au-delà de la frontière de son pays. »

« Les médias sont appelés à avoir plus de communication entre eux. »

« Sous le flux énorme des infos, le journaliste est toujours confronté à une deadline précise. Il est dans une course interminable et il n’a pas souvent le temps de creuser encore plus un sujet. »

Manar Rachwani. « Quand on évoque le traitement journalistique de la migration en Europe, il faut rappeler que l’Europe est composé de plusieurs pays et dans un seul pays, on peut trouver des partis de gauche et des partis de droite. »

« Quel est le récit qui prédomine ? Les migrants ou refugiés sont qualifiés de victimes par certains médias et sont une menace pour d’autres. »

Codou Loum.  « Couvrir le sujet de la migration m’a permis de comprendre beaucoup de choses en tant que journaliste. »

« Le déclic est venu un jour en présentant l’actualité à la radio où je travaille. J’ai repris aveuglement une expression discriminatoire qui qualifiait à l’époque mon peuple et ce en lisant une dépêche internationale. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de bien choisir la terminologie en m’adressant à mes auditeurs. »

 

À retenir

La vision d’un journaliste dépend aussi de la rive sur laquelle il se trouve. L’équilibre est difficile à trouver pour proposer une couverture juste qui relate les événements tels qu’ils sont, sans être influencé par les discours officiels.  

Lina Kamoun (EPJT)

 

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[LE RÉSUMÉ] Comment se prémunir de la menace cyber en tant que journaliste ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Comment se prémunir de la menace cyber en tant que journaliste ? »

Baptiste Robert est recruté par les entreprises pour détecter les failles de leurs systèmes informatiques, on l’appelle le « hacker éthique ». Photo : Elise Bellot/EPJT

Animé par Baptiste Robert, directeur de Predicta Lab.

Les enjeux

À l’ère du tout numérique, il est primordial de protéger ses données personnelles et de veiller à ce que nous publions sur internet. Pour les journalistes, les enjeux sont d’autant plus importants qu’ils peuvent parfois être en possession de données sensibles et être la cible de personnes malveillantes.

Ce qu’il a dit

Baptiste Robert : ​ « La cyber sécurité est un état d’esprit, nous devons adopter des réflexes de tous les jours pour se protéger. »

« Il faut veiller à ce que tous les appareils que nous utilisons soient sécurisés. »

À retenir

Baptiste Robert, expert en cyber sécurité, insiste sur l’importance pour les journalistes de sécuriser leurs données. Sur les réseaux sociaux, certains comportements sont à bannir pour se protéger : publier les photos de ses voyages, donner des informations sur sa géolocalisation, ses proches ou ses habitudes… Ces informations peuvent permettre à des personnes malintentionnées de suivre notre trace et d’en faire un usage malveillant. Il déconseille également de scanner les QR codes, qui peuvent être infectés par des virus, ainsi que l’utilisation de sites de transferts de données comme We Transfer. 

Pour se prémunir des risques, l’expert en cybersécurité conseille de se créer une fausse identité sur Internet et de la changer régulièrement. Utiliser des logiciels de cryptage de données (Veracrypt…) et un VPN (Proton…) est selon lui primordial, d’autant plus lorsque le journaliste travaille sur des sujets d’investigation.

Elise Bellot (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Quel rôle pour les journalistes dans l’éducation aux médias et à l’information (EMI) ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Quel rôle pour les journalistes dans l’éducation aux médias et à l’information (EMI) ? »

Gilles Milecan, Juliane Von Reppert-Bismarck, Patrick Verniers et Nicoleta Fotiade se retrouvaient ce vendredi 25 novembre aux assises européennes du journalisme à Bruxelles pour parler d’éducation aux médias. 

Photo : Charles Bury/EPJT

Avec Gilles Millecan (Belgique), chargé du projet « journalism in the classroom » pour l’association des journalistes professionnels (AJP) ; Patrick Verniers (Belgique), directeur du Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) ; Julianne Von Reppert-Bismarck (Allemagne), fondatrice de Lie Detectors.

Animé par Nicoleta Fotiade (Roumanie), chercheuse chez Médiawise Society.

 

 

Les enjeux

Les réseaux sociaux sont souvent la source privilégiée des jeunes pour s’informer. Mais sur ces plateformes, les sources, le traitement journalistique et la véracité des informations ne sont pas toujours respectés. L’éducation aux médias semble être la solution pour aider les jeunes à comprendre les enjeux d’une information de qualité. Et les journalistes professionnels ont un rôle à jouer dans cet apprentissage. 

Ce qu’ils ont dit

Juliane Von Reppert-Bismarck. ​ « Nous formons des journalistes pour leur apprendre à parler avec des enfants de 10 à 15 ans. »

« Il faut que les journalistes soient justes. Qu’ils puissent expliquer les problèmes qui se posent à eux pour que les enfants comprennent ce métier. Il faut qu’ils comprennent pourquoi les journalistes peuvent faire des erreurs. »

« Avec ces ateliers, les journalistes ont l’occasion de rallumer une flamme éteinte depuis longtemps. Mais ces journalistes ont un travail. Il faut que les enseignants puissent eux aussi faire de l’éducation aux médias. »

Gilles Milecan. ​ « Les enfant ont plein de questions, c’est la première fois qu’ils voient des journalistes. La première concerne notre salaire. Et lorsqu’on leur dit combien on gagne, ils nous rangent du côté de leurs parents, et non plus comme une sorte d’élite. »

« Aujourd’hui, tout le monde est un média. Le journaliste, lui, est un professionnel des médias. Il traite journalistiquement l’information. L’apprendre aux jeunes, c’est leur apprendre à appréhender les médias auxquels ils sont exposés quotidiennement. »

« On tente d’expliquer que le processus de confection d’une information doit être respecté. C’est de cette manière qu’on produit une bonne information. La manière dont on travaille est garante d’un bon travail journalistique. »

Patrick Verniers. ​ « L’éducation aux médias est une question de longue haleine, cela prend du temps. Il faut y intégrer les professionnels du journalisme. Heureusement, les journalistes participent à ces ateliers. »

« L’éducation aux médias est sous-financée par les fonds publics en Belgique car cela fait partie du système éducatif. »

« Il n’y a pas qu’un seul modèle d’éducation aux médias. Le professeur peut être impliqué, ou pas du tout. Mais le journaliste ne peut pas remplacer l’enseignant, il doit rester à sa place. »

« On demande à ce que l’atelier ne soit pas du marketing. Nous ne sommes pas là pour faire la promotion d’un média chez les enfants. »

À retenir

L’éducation aux médias doit être un apprentissage essentiel, tout comme la lecture et l’écriture, dans une époque où l’information inonde les réseaux sociaux. Mais ces ateliers doivent être encore mieux pensés. L’objectif est d’offrir des clés pour comprendre l’information. 

Charles Bury (EPJT) et Pauline De Briey (Ihecs)

 

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[INTERVIEW] Reeta Nousiainen : «There’s just a big difference between the place of women in newsrooms in Finland and in newsrooms in Europe»

Reeta Nousiainen est professeure en journalisme à l’université Haaga-Helia et chercheuse spécialisée sur les questions de diversité dans les rédactions. Invitée à la première édition des Assises européennes du journalisme à Bruxelles, elle s’exprime sur l’évolution des rédactions.

https://soundcloud.com/epjt-tours/interview-de-reeta-nousiainen?si=1f11604c8ed9465cb460d4fe2ae73362&utm_source=clipboard&utm_medium=text&utm_campaign=social_sharing

Reeta Nousiainen. J’ai travaillé en tant que journaliste pendant longtemps et maintenant je fais un doctorat sur la diversité dans les rédactions en Finlande. J’ai interviewé plusieurs éditeurs en chef finlandais et après analyse de ces réponses, il ressort qu’ils pensent tous que la diversité dans les rédactions est importante. Cependant, ils manquent de moyens pour l’améliorer. C’est difficile pour eux de trouver les bonnes personnes.

Delphine Grote. Vous dites qu’il y a une grande différence entre la place des femmes dans les rédactions en Finlande et leur place en Belgique ou plus généralement. Pouvez-vous expliquer cette différence ?

Reeta Nousiainen. Le premier aspect, c’est que la Finlande est un petit pays, il n’y a que 5.5 millions d’habitants donc on a vraiment besoin de chaque personne. Tout le monde doit faire sa partie du travail dans la société. Ensuite, les rédactions ne sont pas différentes d’autres bureaux. Elles sont assez similaires aux lieux de travail dans l’éducation supérieure par exemple.

Delphine Grote. Donc en Finlande, il y a un meilleur équilibre du nombre d’hommes et de femmes dans tous les métiers ?

Reeta Nousiainen. Oui, effectivement, il y a un meilleur équilibre. Cependant, un des problèmes que nous avons c’est que les hommes travaillent dans certains secteurs et les femmes dans d’autres. Il y a plus d’infirmières que d’infirmiers et plus d’hommes ingénieurs que de femmes. Mais pour ce qui est du journalisme, c’est assez divisé entre les deux.

Delphine Grote. Vous avez dit que la diversité au niveau de l’immigration n’est pas représentée dans les rédactions. Que pouvons-nous faire pour résoudre ce problème ?

Reeta Nousiainen. C’est la question à laquelle je tente de trouver une réponse. Je pense qu’on doit penser différemment. On ne peut pas croire qu’un journaliste issu de l’immigration est semblable à un journaliste natif. On doit avoir une idée moins stricte de ce qui constitue une identité journalistique. On doit aussi donner plus d’opportunité pour avoir plus d’exemples de personnes issues de l’immigration qui deviennent journaliste. Avoir de bons exemples peut motiver les étudiants issus de l’immigration à étudier le journalisme.

Réalisé par Delphine GROTE et Elodie LEROY (Ihecs)

[LE RÉSUMÉ] Cyberharcèlement : quel outils ? quelles stratégies ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Cyberharcèlement : quels outils ? Quelles stratégies ? »

Photo : Sarah Chevalier/EPJT

Avec Martine SIMONIS (Belgique), secrétaire générale de l’Association des Journalistes Professionnels (AJP) et Me Benjamine BOVY (Belgique), avocate au barreau de Bruxelles.

Animé par Elodie VIALL, consultante pour PEN America.

 

 

Les enjeux

Au sein des rédactions ou en ligne, les femmes journalistes sont en première ligne face au harcèlement. Avec le développement des réseaux sociaux, le phénomène se développe. Il peut prendre des formes différentes et les rédactions ont parfois du mal à percevoir son ampleur. Discours haineux, messages directs, usurpation ou diffusion d’images intimes, 73% des femmes journalistes ont déjà été confrontées au cyberharcèlement. Cela peut les amener à de l’autocensure ou jusqu’à quitter la profession.

Ce qu’ils ont dit

Benjamine Bovy : ​« On a tous une responsabilité en ligne mais ça demande du courage. »

Elodie Vialle : ​« On ne peut pas empêcher le cyberharcèlement mais on peut s’y préparer. »

« Quand on pense politique éditoriale, il est important d’envisager le cyberharcèlement que cela pourrait entrainer. »

Martine Simonis :​ « Les entreprises de médias ont mis peu de choses en place sur ces violences en ligne. »

« Les directions ne voient en général aucun problème de harcèlement dans leurs salles de rédaction. » 

À retenir

Il est important, en tant que victime, de ne pas rester passif. Les journalistes cyberharcelées doivent, dans la mesure du possible, constituer des dossiers de preuves. Les rédactions doivent elle prendre conscience de l’ampleur du phénomène et prendre des dispositions. Les témoins de cyberharcèlement ont également un rôle à jouer : ils doivent agir en signalant les propos sur les réseaux sociaux.

Marine Bernon (Ihecs) Sarah Chevalier (EPJT)

 

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[LE RÉSUMÉ] Le Media Freedom Act : une avancée pour le journalisme en Europe ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le Media Freedom Act : une avancée pour le journalisme en Europe ? »

Discussion autour du Media Freedom Act

Photo : Loriana Candela/IHECS

Avec Anahi Vila (Belgique), directrice des Affaires européennes, CSA présidant l’ERGA, Liz Corbin (Royaume-Uni), directrice éditoriale de l’Union européenne de Radio-télévision (UER), Marie FRENAY, membre du cabinet de la vice-présidente Věra JOUROVÁ et Maja Sever (Croatie), présidente de la Fédération Européenne des Journalistes (FEJ)

Animé par Clothilde Goujard, journaliste pour Politico.eu,

 

 

Les enjeux

Le Media Freedom Act est un règlement introduit par la Commission européenne et qui vise à limiter l’interférence politique des Etats membres dans les pratiques journalistiques. Le but est d’instaurer des standards communs en Europe. Encore en discussion, les mesures de ce texte posent question, notamment quant à leur profondeur et leur efficacité.

Ce qu’ils ont dit

Marie Frenay : ​ « Il y a déjà beaucoup de lois qui visent à encadrer les plateformes et réglementer leur pouvoir. Le Media Freedom Act s’appuie dessus avec des mesures complémentaires. »

« On a essayé de trouver l’équilibre pour répondre à des problèmes et assurer qu’on respecte les spécificités de certains Etats membres. »

Anahi Vila : ​ « On considère qu’un socle commun est essentiel mais il ne faut pas aller trop loin. Les systèmes qui fonctionnent ne doivent pas être diminués. »

« S’il n’y a pas de sanction à la clé, on se demande quelle est la valeur ajoutée finale. »

Maja Sever : ​ « Il est nécessaire d’établir des règles claires plutôt que de simples recommandations. »

« Nous pensons que construire l’indépendance est la chose la plus importante pour les États. »

Liz Corbin : « Nous pensons que les grosses plateformes sont largement incontrôlées et très puissantes. »

« L’érosion de la confiance dans les journalistes et les médias doit inquiéter tout le monde, pas seulement le service public. »

À retenir

Le Media Freedom Act est un texte ambitieux et historique. Avec lui, la Commission européenne espère instaurer des règles communes aux pays membres en matière de liberté de la presse. Elle est le résultat d’une analyse annuelle et d’un diagnostic décevant concernant l’indépendance de la presse en Europe. Son but est de répondre à différents problèmes rencontrés par les journalistes en Europe grâce à un règlement directement applicable pour tous les pays membres. En outre, des recommandations sont soumises aux États qui sont libres de les appliquer à leur manière.

Reste que l’efficacité de ce texte pose question. Beaucoup lui reprochent de ne pas aller assez loin dans ses mesures et dans les sanctions prévues en cas de non-respect.

Loriana Candela (Ihecs)

[SUMMARY] The Media Freedom Act : a step forward for journalism in Europe?

A breakdown of the key points from: « The Media Freedom Act: a step forward for journalism in Europe? »

Discussion autour du Media Freedom Act

Picture : Loriana Candela/IHECS

With Anahi Vila (Belgium), Director for European Affairs for regulator of the French Community of Belgium currently presiding ERGA, Liz Corbin (United Kingdom), Head of news at EBU, Marie Frenay, member of the vice-president Vĕra Jourová office, Maja Sever (Croatia), President of the European Federation of Journalists (EFJ).

Moderated by Clothilde Goujard, journalist at Politico.eu.

 

 

The issues

The Media Freedom Act is a European Commission project under construction. One of its core aims is to prevent political interference in journalism within member states. Implementing common working standards across Europe is also key to the legislation. The text, still under debate, is far from being adopted unanimously- while many journalists and professional bodies support the move, some argue that the measures don’t go far enough.

The quotes

Marie Frenay: « Laws regulating media platforms already exist – the Media Freedom Act aims to bring complementary measures to such legislation.

« We are trying to find a balance to solve the issues and be sure the specificities of some countries are respected. »

Anahi Vila: « We think a common base is needed but it can’t be too restrivtive. If something already works, it doesn’t have to be changed.

« In terms of sanctions [for breaches of existing legislation], one can indeed question whether they are efficient and go far enough. »

Maja Sever: « For such legislation to really work, we should establish clear rules of conduct instead of just recommendations.

« We think that building and ensuring independence of media is the most important goal for member states. »

Liz Corbin: « Technology platforms are largely unregulated and incredibly powerful. »

« The erosion of public trust in journalists and in the media in general should be a key concern for everybody, not just the public service. »

The takeaways

The Media Freedom Act is an ambitious and historical piece of legislation. The European Commission hopes to forge a common working basis for journalism and the media in terms of freedom and independence across memeber states. It aims to solve various problems encountered by journalists in Europe through the tool of regulation. Moreover, a further package of recommendations can be implemented as EU-states see fit.

That said, being able to efficiently implement the Media Freedom Act raises legitimate questions. Some people think the measures don’t go far enough, such as in terms of sanctions in the case of non-respect of the regulation.

Loriana Candela (IHECS)

 

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[LE RÉSUMÉ] Quels enjeux pour le service public au service de l’information en Europe ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Quels enjeux pour le service public au service de l’information en Europe ? »

Photo : Elise Bellot/EPJT

Avec Helena MILINKOVIC (Slovénie), journaliste pour RTV Slovenija, Jean-Pierre JACQMIN (Belgique), directeur de l’information de la RTBF, Lucie SYKOROVA (République Tchèque), journaliste indépendante et présidente du conseil de surveillance de European Center for Media Freedom (ECMF) et Marius DRAGOMIR, directeur du Center for Media, Data and Society.

Animé par Marie-Laure AUGRY, vice-présidente de Journalisme et citoyenneté.

 

 

Les enjeux

L’indépendance journalistique et éditoriale vis-à-vis des gouvernements, et plus particulièrement ceux à tendance populiste, est de plus en plus mise à mal en Europe. En Slovénie, les journalistes militent par exemple pour leurs droits depuis plus de 6 mois. Si l’on ajoute cela au débat sur l’émergence des médias privés, on obtient les enjeux majeurs abordés lors de la conférence.

Ce qu’ils ont dit

Marius Dragomir : ​ « Il faut s’interroger sur les enjeux et sur comment empêcher le contrôle des Etats sur le service public. Le plus gros problème, c’est le manque d’indépendance, avec des disparités entre les médias de l’Est et de l’Ouest.  »

Helena Milinkovic : « Nous avons fait face à la censure et à la propagande. Plus de 40 collègues ont quitté la chaîne. La raison : la direction de RTV a supprimé la plupart des programmes d’information. »

« Nous pouvons gagner cette bataille seulement si nous avons le public à nos côtés. »

Lucie Sykorova : ​ « J’ai peur de ce qui va se passer. Nous faisons face aux mêmes défis. »

« Nous avons besoin de bonnes conditions pour les médias de service public. En Pologne et en République tchèque, les médias publics sont la principale cible des gouvernements qui veulent mettre la main dessus. »

Jean-Pierre Jacqmin : ​ « Les problèmes des autres [les médias de l’Est, NDLR] seront les nôtres un jour. »

« C’est quoi un média de service public ? C’est un média qui parvient à s’adresser à tout le monde. Mais c’est très difficile. »

 

À retenir

L’enjeu de l’indépendance de la presse est crucial, notamment dans certains pays de l’Europe de l’est. La Slovénie subit de plein fouet cette menace puisque depuis l’arrivée de parti SDS au pouvoir, les journalistes connaissent des ingérences au quotidien et certains ont démissionné de leur rédaction. En République tchèque, la situation n’est pas encore aussi grave mais les journalistes craignent l’accès au pouvoir de mouvements populistes.

L’enjeu de l’émergence des médias privés n’est pas, selon Jean Pierre Jacqmin, une menace pour le service public. Il faudrait plutôt veiller à collaborer et à donner la voix à tout le monde. Des lois communes doivent tout de même régir les médias privés et publics afin de proposer un contenu correct et de qualité.

Alexane Clochet (EPJT) et Delphine Grote (Ihecs)

[SUMMARY] The challenges for public service information in Europe

A breakdown of the key points from: »The challenges for public service information in Europe »

Photo : Elise Bellot/EPJT

With Helena MILINKOVIC (Slovenia), RTV Slovenija journalist, Jean-Pierre JACQMIN (Belgium), news director of RTBF, Lucie SYKOROVA (Czech Republic), independent journalist and President of the Supervisory Board of European Center for Media Freedom (ECMF) and Marius DRAGOMIR, Director of the Center for Media, Data and Society.

Moderated by Marie-Laure AUGRY, vice-president of Journalisme et citoyenneté.

 

THE ISSUES

Journalistic and editorial independence from government, especially where populist tendencies are at play, has become increasingly complicated in Europe. For instance, in Slovenia, journalists have been campaigning for their rights for more than six months. The debate then shifts onto the emergence of private media alongside the public arena – another challenge for public service broadcasting.

THE QUOTES

Marius Dragomir: « We need to think about the stakes and how to prevent state control over public service journalism. The biggest problem is the lack of editorial independence, with notable disparities between media in eastern and western Europe. »

Helena Milinkovic: « Irrespective of the challenges of censorship and propaganda, more than 40 colleagues have left the station due to RTV management cutting most news content.

« We can win this fight, but only if we have the general public by our side. »

Lucie Sykorova: « I am afraid of what might happen.

« We need a solid working basis for public service media. In Poland and the Czech Republic, public service media is the main target of governement seeking to gain control. »

Jean-Pierre Jacqmin: « The problems of other [eastern European public media productions] will one day be ours.

« What is public service broadcasting? It’s a form of jorunalism that can be reached by everyone. »

 

THE TAKEAWAYS

The issue of press independence is the most serious of issues. Gravely threatened in some countries of eastern Europe, it is not said that western Europe, seemingly protected today, will be spared. One need only look at Slovenia where journalists have been subjected to high levels of government interference, or the Czech Republic where the fear of the rise of populism leads discussions.

According to Jean Pierre Jacquemin, the emergence of private media is not a threat to public service but we should make sure that we work together to ensure the adopting of common laws to govern both private and public media in their provision of quality content.

Delphine Grote (IHECS) Alexane Clochet (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Le dessin de presse face aux enjeux du numérique : quelles protections pour ses auteurs et ses autrices ? »

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Le dessin de presse face aux enjeux du numérique : Quelles protections pour ses auteurs et ses autrices ? »

Kak, Audrey Adam, Ricardo Gutierrez et Maria Arena (de gauche à droite). Photo : Guillaume Bosmans/Ihecs

Avec Audrey Adam (Belgique), avocate et professeure invitée en droit des médias ; Maria Arena (Belgique), présidente de la sous-commission des Droits de l’homme du Parlement européen ; Izel (Turquie), dessinateur de presse et écrivain et Kak (France), dessinateur de presse et président de Cartooning for Peace.

Animé par Ricardo Gutierrez (Belgique), secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ).

Les enjeux

Le dessin de presse s’exprimait traditionnellement dans la presse écrite. Le fait d’être passé à l’univers numérique entraîne une plus large diffusion. Cette explosion de l’audience est à la fois une opportunité mais aussi un risque. Un nouveau public implique une confrontation nouvelle avec d’autres façons de penser. Cela crée un phénomène de menace, de censure voire d’autocensure du dessinateur, qui est en première ligne face aux nombreuses formes d’extrémisme.

Ce qu’ils ont dit

Audrey Adam : « Une des pistes de solution essentielle à la protection du dessinateur de presse est le droit à la liberté d’expression. Ce droit vaut pour tout le monde. Il vaut quel que soit le type de message exprimé et quel que soit le canal de diffusion choisi. »

« Même s’il existe un bouclier juridique du Conseil de l’Europe, il y a eu plus de 1400 violations de l’Article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme envers les dessinateurs de presse dans certains pays. »

Maria Arena : « Lors du passage du monde écrit au monde numérique, il aurait dû y avoir un certain nombre de modifications dans nos modèles au niveau de la presse et de l’éducation aux médias. Cet accompagnement au numérique n’est pas intégré dans les programmes scolaires et cela devra se faire. Nous sommes soumis à de l’information qui est décontextualisée et qu’il est important d’analyser différemment. »

 « Si hier le dessinateur de presse était très au courant de l’espace juridique et culturel auquel il était confronté, aujourd’hui, un dessinateur de presse n’est pas suffisamment armé face à ce contexte juridique et culturel. »

Izel : “Cela fait deux ou trois ans que je ne dessine plus le président Erdogan. Quand je veux le dessiner, je le fais sans montrer son visage, sinon mon éditeur n’accepte pas le dessin. »

« L’humour est l’antidote des mensonges politiques. »

Kak : « Il y a une hausse du nombre de cas de dessinateurs menacés partout dans le monde. »

« Le dessin de presse est difficile à mettre dans une catégorie propre car il a créé sa propre catégorie : il mélange l’humour, les compétences artistiques et les compétences journalistiques. Comme le journaliste, il y a une responsabilité de s’en tenir aux faits car il rend compte de l’information et de l’actualité. »

Ricardo Gutierrez : « Les dessinateurs de presse sont pleinement journalistes. Nous ne faisons aucune différence entre un journaliste et un dessinateur de presse. »

 

À retenir

Tous les pays de l’Union Européenne ne sont pas égaux en matière de droits de l’Homme et de liberté d’expression. Mais même dans les pays où ces notions sont plus développées, les journalistes et dessinateurs de presse font face à de lourdes menaces. Il existe des pistes de solutions qui passent notamment par la formation des dessinateurs de presse et des journalistes au niveau juridique, la régulation du monde numérique et l’éducation des jeunes publics aux médias et à l’information.

Guillaume Bosmans (Ihecs) et Shana Benflis (Ihecs)

 

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[INTERVIEW] Eric Nahon : « Les écoles de journalisme sont en avance par rapport aux besoins du marché »

Eric Nahon, directeur adjoint de l’Institut pratique de journalisme (IPJ), a animé la conférence « Les écoles de journalisme en font-elles trop ? » lors des premières Assises européennes du journalisme, à Bruxelles. Il revient sur les attentes des rédactions et sur le journalisme tel qu’il est enseigné en école.

Vidéo réalisée par Ena Billenne (IHECS), Loriana Candela (IHECS)et Julie Cedo (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Formation : les écoles de journalisme en font-elles trop ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Formation : les écoles de journalisme en font-elles trop ? ».

Panel de la discussion "Formation : les écoles de journalisme en font-elles trop ?"

Photo : Elise Bellot/EPJT

Atelier avec Amandine DEGAND (Belgique), chargée de cours à l’Ihecs et Laure COLMANT (France), journaliste et enseignante à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT) ; Nicolas BECQUET, journaliste et formateur à l’Ecole de journalisme de Louvain (EjL)

Animé par Eric NAHON, directeur adjoint en charge de l’insertion professionnelle à l’IPJ Dauphine | PSL et président de l’European Journalism Training Association (Ejta).

Les enjeux

Les écoles de journalisme sont réputées pour offrir un programme chargé à leurs étudiants. Absorbés par leurs nombreuses échéances, les futurs journalistes n’ont parfois plus le temps de nourrir leur curiosité pour l’information, qui est pourtant le pilier de leur cursus. A la question du surmenage s’ajoute celle de la pertinence des apprentissages. Sont-ils vraiment en phase avec la réalité des rédactions ?

Ce qu’ils ont dit

Laure Colmant : « Donner la notion de plaisir dans l’apprentissage permet de garder la résistance des étudiants. »

« Il faut toujours savoir résister aux effets de mode. »

Amandine Degand: « Aujourd’hui, les outils sont de plus en plus intuitifs. Notre but est de former à des démarches plus qu’à des outils. »

« On ne va pas trop loin mais on fait trop de choses. Cet excès d’enthousiasme peut être dangereux pour les étudiants. »

Nicolas Becquet : « Il n’y a pas de carrière linéaire dans le journalisme. Il faut se former et s’adapter tout au long de son parcours. »

« Interrogez-vous et interrogez le monde, mais interrogez-vous d’abord. »

À retenir

Aujourd’hui, les formations proposées par les écoles de journalisme sont de plus en plus complètes. Elles tentent de mêler bases théoriques et maîtrise des nouveaux outils de la pratique journalistique.

Mais les programmes actuels peuvent parfois entraîner une forme d’épuisement des étudiants. D’autant que les écoles de journalisme créent des attentes chez les étudiants, qui pensent entrer dans les rédactions et y faire le même type de productions que durant leur cursus. La réalité est souvent différente, et cela peut provoquer une certaine déception.

Les participants à la discussion s’accordent à dire que la méthodologie et la curiosité sont les deux principales qualités que doivent présenter les futurs journalistes.

Loriana Candela (Ihiecs)

[INTERVIEW] Jean-François Raskin : « Le journalisme en Europe partage un même socle de valeurs »

L’administrateur général de l’Hiecs, l’école bruxelloise partenaire de ces premières Assises européennes du journalisme, revient sur l’importance d’un tel événement pour les étudiants en journalisme

Jean-François Raskin, administrateur général de l'IHECS

Photo : Loriana Candela/Ihecs

Pourquoi avoir organisé les premières Assises européennes du journalisme à l’Ihecs ?

Jean-François Raskin. L’idée est née d’une rencontre entre Jérôme Bouvier, président de Journalisme et Citoyenneté, et Nordine Nabili, président du master en journalisme chez nous. Il y a un intérêt majeur à organiser ce genre d’évènements où des journalistes européens peuvent se rencontrer et échanger sur leur métier, son avenir et ses difficultés. Notre école est très ouverte sur le monde, les mutations et l’avenir du métier. On s’est dit : « Pourquoi pas faire ça ensemble ? »

Qu’est-ce que cela apporte aux étudiants ?

J.-F. R. Cela leur offre d’abord une réflexion sur le métier. Les thématiques abordées sont essentielles et évoquées en partie dans le cadre de leurs études. C’est l’opportunité de rencontrer des points de vue autres que ceux des professeurs car il y a un vrai débat autour des enjeux sociétaux et du métier de journaliste. Cela leur permet de rencontrer des gens et de discuter. J’invite les étudiants à aller voir les conférenciers, à parler avec leurs voisins. On a des personnalités importantes qui assistent aux Assises pendant ces deux jours et il ne faut pas hésiter à leur parler. Ils sont souvent très contents de répondre aux étudiants et il faut en profiter. Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de rencontrer des journalistes qui viennent de toute l’Europe et même de l’autre côté de la Méditerranée et de l’Ukraine.

Est-ce que vous imaginez réaliser d’autres évènements comme celui-ci ?

J.-F. R. Nous en discuterons après avoir fait le bilan mais il devrait y avoir une seconde édition en novembre 2024, tous les deux ans. Il y a beaucoup d’évènements qui se passent à l’Ihecs, mais des évènements de cette ampleur demandent beaucoup d’énergie et de moyens.

Existe-t-il un journalisme européen selon vous ?

J.-F. R. Je pense qu’il existe un journalisme qui partage un même socle de valeurs. Et ce socle de valeurs, c’est celui qui fait partie de la charte fondamentale européenne. Mais je ne pense pas qu’il y ait un modèle de journalisme en Europe. Je pense que les modèles sont différents en fonction de la culture, de l’histoire, même si les règles fondamentales et les principes sont inscrits dans la législation européenne. Elle s’impose à tous les pays et donc aux journalistes. Il y a quelque chose qui les réunit. Et ce partage de valeurs doit permettre des rencontres qui font qu’il y a aussi un partage d’histoire et de solidarité qui doit se faire au niveau européen et au-delà. La problématique du métier de journaliste n’est pas limitée aux 27 pays de l’Europe, elle est mondiale. Et l’Europe peut jouer un rôle.

Recueilli par Loriana Candela (Hiecs)

[INTERVIEW] Orla Borg: « Constructive journalism is a public service »

Le journalisme constructif propose des solutions aux problèmes sociétaux soulevés par les médias. Orla Borg, le directeur du Constructive Institute au Danemark, explique l’importance de ces initiatives. 

Le journalisme constructif a pour but d’aller au-delà du simple exposé des problèmes et de proposer des solutions. Le but est de reconnecter les citoyens lassés par le journalisme conventionnel aux médias. Le Covid a notamment marqué un tournant pour cette pratique journalistique : les journalistes ont été obligés d’écouter le citoyen qui posait des questions et de l’inclure dans les débats. Pour Orla Borg, l’enjeu est très important car un citoyen qui se déconnecte des médias, c’est un citoyen qui se déconnecte de la démocratie.

 

Réalisé par Luca Alu (Ihecs).

[LE RÉSUMÉ] Journalisme en Europe et urgence climatique : l’heure des choix

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Journalisme en Europe et urgence climatique : l’heure des choix »
Lisa Urlbauer, Lorenz Matazat, Milou Dirkk, Marc Sinnaeve (de gauche à droite) Photo : Elise Bellot /EPJT/
Avec Milou DIRKX (Pays-Bas), responsable du réseau de journalistes de Clean Energy Wire (CLEW) Lorenz MATZAT (Allemagne), co-fondateur des réseaux allemands et suisses de journalistes engagés pour le climat Lisa URLBAUER  (Allemagne), responsable de la formation pour le Bonn Institute.
Animé par Marc SINNAEVE (Belgique), enseignant à l’Ihecs en Information économique, écologique & sociale.

Les enjeux

Le climat est une question importante et désormais incontournable de notre époque. Certains reprochent aux journalistes d’être tantôt trop alarmistes, tantôt trop conciliants. Que faut-il changer ? Quels sont les initiatives, les obstacles et les freins ?

Ce qu’ils ont dit

Milou Dirkk : « Notre réseau soutient les journalistes sur les thèmes du climat et de l’énergie. Nous nous sommes penchés sur différentes approches et nous offrons une plateforme de connaissance. La force de ce réseau repose sur le fait que nous ne prétendons pas avoir une réponse à tout mais nous essayons d’établir un guide dans ce labyrinthe. »

Lorenz Matazat : « Il nous a fallu 50 ans pour découvrir qu’il serait urgent de se pencher davantage sur le sujet de climat. La guerre en Ukraine nous a fait ouvrir les yeux sur le problème du gaspillage. »

« Le climat est lié à toutes nos activités et à tous les détails de notre vie. »

« En Allemagne, lorsqu’un journaliste aborde le sujet climat, on qualifie cela de militantisme. »

Lisa Urlbauer : « Depuis mars 2022, notre réseau forme des journalistes et nous souhaitons repenser l’avenir et instaurer un pacte social. Nous misons sur le journalisme constructif axé sur la solution, dans l’espoir d’apporter une réponse rigoureuse, de promouvoir le dialogue et débattre d’une démarche à suivre

À retenir

Comment rendre le réseau attractif, développer ses contacts et recruter des jeunes sensibles à ces questions ? Autant de questions qui doivent amener les journalistes à ne pas se contenter de mettre la lumière sur les problèmes mais de réengager le public.

Lina Kamoun (EPJT)

[SUMMARY] How can ethics and press councils make a difference to better inform citizens?

A breakdown of the key points from: « Information, propaganda, fake news: how can ethics and press councils make a difference to better inform citizens? »

Photo: Marie Le Bobinnec/EPJT

With Pierre Ganz (France), Secretary General of the French Journalism Ethics and Mediation Council (CDJM, Conseil de déontologie journalistique et de médiation), Jaume Suau Martinez (Spain), academic coordinator at the Blanquerna School of Communication and International Relations in Barcelona and Sonja Volkmann-Schluck, press public relations manager at Deutscher Presserat.
Moderated by Anna Vidal (Belgium), legal assistant and project officer for the AADJ/Journalism Ethics Council.

The issues

Lately, and more particularly since the pandemic, public trust of the media has been increasingly challenged: there is more fake news due to a greater variety of sources of information being spread across social media. Within this context, the profession is still coming together to fight against such barriers and to define clear ethical working guidelines.

The quotes

Sonja Volkmann-Schluck: « Our bureau meets four times a week and studies the complaints made. They are mostly about discrimination. There are three levels  of disciplinary action which we can take, leading at the most severe to publishing the incident in the press with the name of the media involved.

« With the pandemics, we have seen many grievances filed – doubts on the truthfulness of reportings, headlines tending on the sensational etc. One in three grievances in 2021 focussed on suspected mistakes. And almost 80% of complaints about Covid-19 covered news items claimed as false. »

Pierre Ganz: « Journalism ethics cannot be separate from journalists’ independence or freedom, like all citizens. It is up to the press council to decide what is considered propaganda, personal points of view, or journalism.

« If we let media decide about ethics or the limits of journalism, it’d mean that journalists’ integrity can change in line with the media they work for. Some form of normalised code of ethics between journalists and media would be a positive move foward. This is where press councils come in. They are there to address common issues across the whole profession and for all of society.

« For quite some time now, French journalists have supported the idea that integrity is an issue for journalists, not for the general public. They thought they only have to address to their peers. »

The takeaways

Press councils have a regulatory role to play regarding the media. The profession wants to retain its independence from governments and the business world. At the same time, it is seeking ethical guidelines by which they wish to work. « I am not sure that all the propaganda is just the result of totalitarians regimes », Pierre Ganz, general secretary of CDJM, concludes.

Marielle Poupard

[SUMMARY]: Cross-border investigations: the climate emergency and migration

A breakdown of the key points from: « Cross-border investigations about climate emergency and migrations »

Photo : Marie Le Bobinnec/EPJT

With Chloé Emmanouilidis (Cyprus), independent journalist; Stella Levantesi (Italy), journalist and climate expert and Urszula Idzikowska (Polond), journalist and migrations expert.
Moderated by Klaudia Bronckaerts (Belgium), member of Journalismfund.

The issues

The JournalismFund organisation promotes collaboration between journalists from different countries, offering funding, mentoring for those who need it, and mediation for potential ethical issues. Within the current backdrop of conflict and wider global issues, the three speakers shared their experiences in this panel discussion.

The quotes

Chloé Emmanouilidis: « I have been working with other journalists on the wildfires in southern Europe. We have faced some challenges trying to prove our findings due to some countries not having sufficient data. Our overall goal was to find a common angle, a common pattern across all of the countries involved in the project.

« I really believe that crossborder collaboration has much more impact: we can publish in many countries and have a wider audience.

« Our job is to link the events with the facts, and at the same time while putting aside our own emotions. »

Stella Levantesi: « We are currently working on the issues surrounding natural gas access in Europe, and more notably since the Russian invasion of Ukraine. It is of course a touchy question, because we are up against the gas industry and its lobbies.

« It’s important to keep your goal in mind and why you are doing what you are doing. You need to look at your work thinking of the bigger picture. Talking with others journalists, understanding their perspectives and thoughts and sharing experiences is at the core of what we do. »

Urszula Idzikowska: « We can see that the Russian influence is spreading. It’s the case in Polond, where I come from, but also in other countries. Russians have started spreading the narrative about ‘traditionnal’ family values. This question is further afield than just in Ukraine. »

The takeaways

« Stories don’t stop at borders », Klaudia Bronckaerts, from JournalismFund remarked. With the three speakers’ testimonies on their own reports, journalists from different countries sharing their experiences seems all the more important in a time when local issues are becoming increasingly global. »

Marielle Poupard

[LE RÉSUMÉ] Médias & GAFAM : quelle juste rémunération pour les médias, les auteurs et les autrices ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Médias & Gafam : quelle juste rémunération pour les médias, les auteurs et les autrices ? »

Frédéric Young, Valentina Wiesner, Jean-Marie Cavada et Philippe Laloux (de gauhe à droite) Photo : Coline Poiret/EPJT

Avec  Jean-Marie CAVADA (France), président d’honneur de la 1re édition des Assises européennes du journalisme, président de l’Institut des droits fondamentaux numériques (IFDRights) et de l’OGC droits voisins de la presse (DV Presse) ; Frédéric YOUNG (Belgique), délégué général de la SACD et de la Scam ; Valentina WIESNER (Croatie), journaliste et membre du groupe d’expertise sur les droits d’auteurs et d’autrices au sein de la Fédération européenne des journalistes (FEJ). 
Animé par Philippe LALOUX (Belgique), journaliste au Soir et professeur invité à l’IHECS en « environnement numérique du journalisme ».

 

Les enjeux

Lors de cette conférence, les intervenants ont échangé à propos de l’importance des droits d’auteur face au pouvoir des Gafam. Les enjeux se concentrent donc autour de cette rémunération qui assure notamment une liberté pour les journalistes. Pour illustrer ces propos, il a notamment été question de la situation des journalistes en Croatie à travers l’expérience de Valentina Wiesner.

Ce qu’ils ont dit

Jean-Marie Cavada : ​ « Il faut noter que ce commerce de la publicité opéré par les Gafam est le seul commerce au monde que je connais où l’on peut vendre un produit que l’on n’a pas fait soi-même. »

Frédéric Young : ​ « Il n’y a pas de liberté d’expression sans liberté économique. Les droits d’auteur donnent plus d’autonomie aux journalistes. Ils sont aussi nécessaires pour une professionnalisation du métier. »

Valentina Wiesner : ​ « En Croatie, la directive a été transposée dans notre législation, mais avec certains changements. Ainsi, tout ce que vous produisez dans le cadre de votre travail appartient à votre employeur pour l’éternité. L’employeur peut aussi modifier l’article puisqu’il lui appartient »

À retenir

À l’initiative de Jean-Marie Cavada, l’Union européenne a instauré une directive pour que les Gafam reversent au moins 30 % de l’argent généré grâce aux articles aux éditeurs. La question est de savoir quel pourcentage est ensuite attribué par l’éditeur à l’auteur. Les intervenants demandent une rémunération équitable entre les journalistes et les éditeurs. Jean-Marie Cavada a conclu avec un message d’espoir : « Toute votre vie, vous allez être payés à apprendre des choses que vous ne connaissiez pas et pour cela, je trouve que c’est le plus beau métier du monde. »

Coline Poiret (EPJT)

[INTERVIEW] Sofia De Palma Rodrigues : « We should focus on is in what we do »

Sofia De Palma Rodriguez est une journaliste portugaise. En 2014, elle a cofondé le média en ligne Divergente dont elle est également l’éditrice en chef. Invitée à la première édition des Assises européennes du journalisme à Bruxelles, elle s’exprime sur la perte de confiance du public envers les journalistes.

Delphine Grote, étudiante en journalisme à l’Ihecs, a interviewé Sofia De Palma Rodrigues après sa conférence à la première édition des Assises européennes du journalisme. Sofia De Palma Rodrigues était présente pour parler de la perte de confiance du public envers les journalistes.

Selon elle, les journalistes ont une part de responsabilité dans ce désamour. Les journalistes devraient se concentrer sur la qualité du travail qu’ils publient. Ils devraient s’assurer que leurs publications sont « trustworthy » et moins se préoccuper de l’aspect marketing du travail.

Pour tenter de réduire la distance qu’il peut y avoir entre les journalistes et les abonnés, le média en ligne Divergente a opté pour une solution assez originale, des lettres écrites à la main qui sont envoyées à tous les abonnés. Ce lien plus personnel permet aux abonnés de relire les publications du média avec une autre perspective.

Cependant, ce modèle ne les empêche pas d’envoyer des newsletters virtuelles chaque mois à leurs abonnés et de la publier sur leurs réseaux sociaux. Complètement disparaître des réseaux sociaux n’est pas envisageable pour le média qui est complètement numérique.

Si le travail que font les journalistes est qualitatif, si le travail est « trustworthy », il se distinguera alors de ce qui est publié sur les réseaux sociaux. Selon elle, on ne peut pas obliger les gens à avoir confiance, mais on peut contrôler la qualité de notre travail.

Réalisé par Delphine GROTE et Elodie LEROY (Ihecs)

[LE RÉSUMÉ] Information, propagande, fake-news : en quoi la déontologie et les conseils de presse peuvent faire la différence

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Information, propagande,
fake-news : en quoi la déontologie et les conseils de presse peuvent faire la différence »

Photo : Marie Le Bobinnec/EPJT

Avec Pierre Ganz (France), secrétaire général du Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation (CDJM), Jaume Suau Martinez (Espagne), coordinateur académique à la Blanquerna School of Communication and International Relations de Barcelone et Sonja Volkmann Schluck (Allemagne), responsable des relations presse à Deutscher Presserat.
Animé par Anna Vidal (Belgique), assistante juridique et chargée de projets pour l’AADJ/Conseil de déontologie journalistique.

 

Les enjeux

Les dernières années, et notamment la période de la pandémie de Covid-19, ont vu s’intensifier la défiance du public à l’égard des médias, et la multiplication des fake news, notamment portée par la diversification des sources d’information et les réseaux sociaux. Dans ce cadre, la profession continue de s’organiser pour lutter contre ces problématiques et définir des lignes déontologiques claires.

Ce qu’ils ont dit

Sonja Volkmann Schluck : « Notre conseil se réunit quatre fois par semaine pour étudier les différentes plaintes. Celles-ci concernent beaucoup les discriminations. Il existe trois stades de sanction : l’avis, la réprobation et la réprimande publique. Cette dernière est publiée dans la presse, avec le nom explicite du média concerné.​ »

« La pandémie de Covid-19 a vu naître beaucoup de plaintes, qui doutaient de la véracité des reportages, qui dénonçaient des gros titres trop sensationnalistes, etc. En 2021, une plainte sur trois concernait des erreurs supposées. Pendant le Covid-19, presque 80 % des plaintes partaient du principe que les informations citées étaient fausses. »

Pierre Ganz : « L’éthique du journalisme est indissociable de l’indépendance des journalistes, et  donc de leur capacité à jouir de leur liberté, comme tous citoyens. C’est au conseil de presse de décider s’il s’agit là de propagande ou d’idées personnelles. »

« Là où un espace de liberté demeure, le conseil de presse a un rôle à jouer. »

« Si on laisse la réflexion sur l’éthique et les limites journalistiques à l’intérieur d’un média, cela veut dire que la déontologie du journaliste va varier selon le journal. Ce serait admirable s’il existait une sorte de norme éthique entre les journalistes, les rédactions, les médias. Les conseils de presse jouent un rôle utile en cherchant à répondre à des problématiques communes à l’ensemble de la profession et de la société démocratique. »

« Pendant très longtemps, les journalistes français se sont construits sur l’idée que la déontologie ne les regardaient qu’eux, pas le public et qu’ils ne devaient répondre qu’à leurs pairs. »

À retenir

Les conseils de presse ont pour mission de réguler les médias. La profession veut garder son indépendance vis-à-vis des gouvernements et entreprises, tout en se posant des limites déontologiques internes. « Je ne suis pas certain que la propagande soit uniquement le fait des régimes totalitaires », conclut Pierre Ganz, secrétaire général du CDJM.

Marie Le Bobinnec (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Regagner la confiance des publics : comment le journalisme participatif change la donne

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Regagner la confiance des publics : comment le journalisme participatif change la donne »

Photo : Ena Billenne /IHECS

Animé par Hugues Dorzée, rédacteur en chef du magazine Imagine Demain, avec Tarmu Tammerk (Estonie), médiateur du service public estonien (EER), Aitor Hernandez-Morales (Espagne), journaliste et auteur du Politico Global Policy Lab et Sofia de Palma Rodrigues (Portugal), journaliste pour Divergente, lauréate du Prix Europa 2022.

 

Les enjeux

Dans un contexte de défiance envers les médias, les journalistes et les rédactions sont en quête d’un moyen de renouer avec le public et de rétablir la confiance. Des médias comme Divergente ou Imagine Demain se sont lancés dans ce que l’on appelle le journalisme participatif. A travers des newsletters, des rédactions temporaires ou des appels à idées, ils cherchent à réduire de plus en plus le fossé entre les citoyens et l’information.

Ce qu’ils ont dit

Tarmu Tammerk : ​ « La confiance est indispensable, sinon le journalisme ne sert à rien. Il devient juste un hobby, une passion… Le public n’aura pas confiance s’il ne se sent pas représenté dans les problématiques abordées. »

« On peut évidemment faire de la pédagogie médiatique et travailler avec le public pour lui faire comprendre les choix des journalistes »

« Notre avons besoin d’une société civile qui fonctionne, pour une bonne démocratie et pour un bon journalisme. »

Sofia de Palma Rodrigues : « Je crois qu’il faut une conduite éthique pour être journaliste et seuls des journalistes professionnels peuvent garantir que nos infos sont fiables, dignes de confiance. On peut écouter et enquêter sur les pistes lancées par les citoyens, mais nous devons croiser les sources pour nous démarquer des médias sociaux. C’est ce qui donne de la fiabilité à l’information. »

Aitor Hernandez-Morales : « L’objectif est de susciter la conversation avec le public, de susciter un environnement où il peut se sentir à l’aise de parler de son quotidien. C’est du bon journalisme car cela permet de mettre en lumière certaines villes d’Europe. »

« Il nous faut déjà travailler au niveau local, c’est l’endroit où l’on peut renouer avec le public et être plus en phase avec la réalité sociale. »

À retenir

Face au désintérêt envers les médias, l’une des priorités des journalistes est de renouer du lien. Cependant, il ne faut pas confondre journalisme participatif et réseaux sociaux. La fonction du journaliste est de proposer une information fiable et vérifiée.

Ena Billenne (Ihecs) et Julie Cedo (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Des rédactions à l’image de nos sociétés ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Des rédactions à l’image de nos sociétés ? »

Roxane Biedermann, Lina Chawaf, Reetta Nousiainen et Guylaine Germain (de gauche à droite). Photo : Zahra Douche/E.P.J.T.



Avec Roxane Biedermann, responsable de la formation pour le Media Diversity Institute (MDI) ; Lina Chawaf, présidente de Community Media Forum in Europe (CMFE) ; Reetta Nousiainen, professeure en journalisme de l’université Haaga-Helia et chercheuse spécialisée sur les questions de diversité dans les rédactions.

Animé par Guylaine Germain, coordinatrice genre et diversité de l’Association des journalistes professionnels (AJP).

Les enjeux

Les profils types de journalistes présents dans les rédactions ne reflètent pas la société actuelle. Ce manque de diversité dans les rédactions engendre un manque de diversité dans l’information. Cela viendrait à oublier la part démocratique que les médias sont censés porter.

Ce qu’ils ont dit

Roxane Biedermann : « Sur dix victimes d’islamophobie, neuf sont des femmes. On parle alors d’islamophobie genrée. »

« Beaucoup de femmes musulmanes refusent de contacter la presse. Elles en ont assez des questions stéréotypées qu’on leur pose et ont peur que leurs propos soient déformés. De plus, on leur demande souvent de parler des problématiques liées à leur religion et non pas de leur domaine d’expertise. »

Lina Chawaf : « Une femme au sein de la rédaction est essentielle pour assurer la diversité des contenus. Il faut que ce soit équitable. »

« Les femmes journalistes reçoivent plus de menaces, c’est donc plus difficile pour elles. On s’en prend à notre vie privée. « Retourne à la cuisine, c’est ta place. », « Que fais-tu ici ? Tu n’as rien à faire ici ? »… Voilà ce qu’on nous dit. Et souvent, c’est pire. »

Reetta Nousiainen : « En Finlande, les salles de rédaction nous ressemblent fortement : très blanches, très classe moyenne, avec une majorité de femmes. »

« Nous avons besoin d’un discours politique fort dans le sens de la diversité au sein de notre société. Il faut plus de représentation dans les rédactions mais il existe encore des limites qui empêchent d’opérer cela. »

« Nous tentons de changer les salles de rédaction, afin qu’elles soient plus diversifiées. Lorsque l’on interroge les rédacteurs en chef, ils disent que cela est très important, mais que c’est vraiment difficile de changer la donne. »

Guylaine Germain : « En Belgique, les résultats de notre dernière étude datant de 2013 montrent que la diversité au sein des rédactions est encore trop peu représentée. Le portrait type du journaliste n’est pas très diversifié. On a tous les mêmes retours sur les stéréotypes racistes présents dans les rédactions. »

« En 2018, l’AJP a coordonné une étude qui listait les raisons pour lesquelles les femmes fuient les rédactions : elles sont moins payées, il y a un tabou autour de la matenité des femmes journalistes, elles sont cantonnées à certains sujets… Cela les rebutent à persévérer dans leur carrière. »

À retenir

Certaines associations de journalistes comme l’AJP remarquent que les rédactions tentent de plus en plus de prendre des décisions sur la diversité au sein des rédactions. Beaucoup font des efforts et essaient d’évoluer dans le bon sens. Malgré cela, la stigmatisation des minorités dans le paysage médiatique persiste et se reflète aussi sur l’information et par extension sur la société.

Shana Benflis, Maëlle Ceola et Zahra Douche

[LE RÉSUMÉ] Enquêtes transnationales sur le climat et les migrations

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Enquêtes transnationales sur le climat et les migrations : partage d’expériences »

Photo : Marie Le Bobinnec/EPJT

Avec Chloé Emmanouilidis (Chypre), journaliste indépendante ; Stella Levantesi (Italie), journaliste spécialisée sur les questions de climat et Urszula Idzikowska (Pologne), journaliste spécialisée sur les questions de migration.
Animé par Klaudia Bronckaerts (Belgique), de JournalismFund.

 

 

Les enjeux

L’organisme JournalismFund promeut les investigations entre journalistes de différents pays. Il propose pour cela des financements, des propositions de mentors pour ceux qui en ont besoin, et arbitre également les éventuelles questions éthiques. A l’heure de différents conflits ou questions mondiales, les trois intervenantes du jour partagent leurs expériences.

Ce qu’ils ont dit

Chloé Emmanouilidis : « Nous travaillons en groupe sur les feux sauvages dans le Sud de l’Europe. Nous avons eu du mal à prouver certaines hypothèses à cause du manque de données locales dans certains pays. L’objectif était de trouver un angle commun à tous nos pays. »

« Je suis convaincue que travailler de façon transnationale a plus d’impact : cela permet d’être publié dans plusieurs pays et d’être lu par encore plus de personnes. »

Stella Levantesi : « Nous travaillons sur la question du gaz en Europe, notamment depuis l’invasion russe de l’Ukraine. C’est une question épineuse, parce qu’il faut lutter contre les entreprises et lobbies. »

« Le plus important, c’est de garder en tête la raison pour laquelle on fait ce métier, pour laquelle on travaille sur ces questions. Il faut prendre du recul, brosser un tableau plus large de son propre sujet. Et dans cet objectif de recul, parler avec d’autres journalistes, entendre leur état d’esprit et partager son expérience, c’est plus qu’essentiel. »

Urszula Idzikowska : « Nous travaillons sur la question LGBT+ en temps de guerre. Je me suis rendue trois fois en Ukraine pour étudier le sujet mais c’était plus difficile que ce que je croyais. Avec mon collègue, nous avons appris l’ukrainien : cela nous semblait obligatoire. »

« Nous pouvons voir que l’influence de la Russie grandit. En Pologne, d’où je viens, mais également dans d’autres pays. Les Russes commencent à répandre cette idéologie autour de valeurs familiales dites “traditionnelles”. C’est une question qui dépasse celle du pays en guerre. »

« Je ne vais pas au front parce que je ne suis pas correspondante de guerre. A la fin de ma journée, je rentre chez moi dans un endroit sûr, alors que les activistes que je rencontre restent dans une situation critique. »

À retenir

« Les histoires ne s’arrêtent pas aux frontières », souligne Klaudia Bronckaerts, de JournalismFund. A travers les témoignages des trois intervenantes sur leurs reportages respectifs, l’importance d’échanger entre journalistes de différents pays paraît nécessaire alors que les sujets se mondialisent. 

Marie Le Bobinnec

[LE RÉSUMÉ] Existe-t-il un modèle européen du journalisme ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Existe-t-il un modéle européen du journalisme ? »

Richard Fletcher, Konrad Bleyer-Simon, Teresa Küchler, Marco Nassivera et Nordine Nabil (de gauche à droite) Photo : Pauline de Briey/IHECS

Avec Konrad Bleyer-Simon, chercheur associé au Center for Media Pluralism & Media Freedom, Richard Fletcher, pour le Reuters Institute for the study of Journalism, Marco Nassivera, rédacteur en chef d’Arte et Teresa Küchler, journaliste et vice-présidente de l’Association de la Presse Internationale
Animé par Nordine Nabili, président de la section presse-info de l’Ihecs.

 

 

Les enjeux

Un journalisme européen est-il possible ? Si l’existence d’une identité européenne met nos invités des Assises d’accord, reste la question de la diversité de l’audience et du traitement journalistique propre à chaque pays membre. L’importance de l’égalité entre les différents pays dans un média commun est également une question loin d’être évidente. 

Ce qu’ils ont dit

Konrad Bleyer-Simon : « Je crois qu’il est possible de créer un média européen de service public mais tout le monde doit avoir voix au chapitre. »

Richard Fletcher : « Nous avons observé les audiences européennes de l’information par rapport au reste du monde. Il y a des divergences au sein de l’Europe, mais aussi des tendances universelles comme les changements dans le schéma de consommation. On ne peut pas affirmer qu’il y a une seule et même audience européenne, mais il y a des convergences. »

Marco Nassivera : « Je ne crois pas en un grand média européen, mais plutôt en une coopération qui, d’ailleurs, existe déjà avec des programmes télévisuels ou avec un consortium de journalistes européens d’investigation. »

« Je garde espoir grâce à la jeunesse. Notamment avec leur maîtrise du numérique qui fera avancer la cause européenne et beaucoup d’autres. »

Teresa Küchler : « Il y a un monopole des médias anglo-saxons lorsqu’il s’agit de l’actualité européenne. Je pense que cela pose un problème : ils imposent un seul point de vue sur les autres pays. »

« Je viens de Suède et je répète à mes collègues britanniques que mon pays est tout aussi important que le leur. Avec la barrière de la langue et les manières différentes de traiter l’actualité, je pense qu’il est difficile de créer un journalisme paneuropéen. »

À retenir

Il y a un potentiel modèle du journalisme européen, non pas à travers un média européen mais plutôt par une coopération entre les journalistes. Les invités ont aussi évoqué la difficulté d’un journalisme européen, en mentionnant la différence de langues, de consommation et de traitement de l’information, ainsi que de l’écriture. Certains ont rappelé la devise européenne « L’union dans la diversité », avec l’espoir que la jeunesse puisse porter un journalisme européen, notamment grâce au numérique.

 

Pauline de Briey (Ihecs) et Coline Poiret (EPJT)

Les Assises des 27 – The Symposium of the 27

Objectif 27. Tel était le mot d’ordre des organisateurs cette année. Ont-ils réussis ? La réponse avec une carte interactive.
Target 27. This was the motto of the organisers this year. Did they succeed? The answer with an interactive map.

Cette année, les intervenantes et intervenants sont particulièrement diversifiés. La volonté des organisateurs de cette édition bruxelloise des Assises européennes du journalisme est d’avoir une représentation des 27 pays de l’Union européenne. Ce premier objectif est difficilement compatible avec une une parfaite parité hommes/femmes. Les organisateurs ont malgré fait le pari de l’atteindre.

Voici, sur une carte interactive, le résultat de ces deux grands objectifs.

 

Carte réalisée par Luca Alu/Ihecs

This year, the speakers will be particularly diverse. The organisers of this year’s European Journalism Symposium in Brussels want to have all 27 EU countries represented. This first objective is difficult: reconcile with perfect gender parity, which is also one of the organisers’ main objectives. An interactive map illustrating these two key points can be consulted up above.

Luca Alu